Samedi dans le cadre du salon Popcon dédié à la bande dessinée, mangas et jeux vidéos, madame Maria Antonia Rahartati Bambang Hario a reçu des mains de Monsieur l’ambassadeur de France les insignes de chevalier de l’ordre des arts et des lettres. Ibu Rahartati plus connue en Indonésie sous le nom de Madame Astérix est la traductrice de 19 bandes dessinées de la série mais aussi d’autres auteurs comme récemment Patrick Mondiano.
Soixante années aux services de la langue française
Ibu Tati, comme elle aime se faire appeler, a appris le français à l’école puis à l’Université. En 1968, elle a la chance de faire la connaissance de Claude Cheysson alors ambassadeur de France qui lui propose une bourse pour aller étudier un an à la Sorbonne. À son retour elle s’inscrit à la faculté de lettres à Universitas Indonesia à Jakarta et en parallèle enseigne le français au centre culturel de Jakarta.
En 1984, son chemin croise celui d’Astérix en la personne de Trim Sutidjo, éditeur jeunesse. Sa première traduction sera « le bouclier Arverne», 18 suivront. « Pendant toutes ces années j’étais un peu amoureuse d’Astérix et Obélix » avoue malicieusement Ibu Tati. Ce qui lui plait dans cette série, c’est le côté compliqué des dialogues, « Goscinny et Uderzo poussent le lecteur dans la réflexion et lui apportent des bases de culture française et universelle. »
Mais alors comment traduit-on : ils sont fous ces romains en indonésien ?
Samedi, l’assistance est composée principalement de jeunes qui ont tous lus Astérix et connaissent les célèbres expressions truffées d’humour et de jeux de mots. Lorsque l’on rencontre Ibu Tati, on sent une grande complicité avec ces héros. Elle explique que les dictionnaires sont pour elle des livres de chevets, et que traduire Astérix en Indonésien en essayant de garder l’âme des auteurs est un challenge. Comme démonstration de son travail Ibu Tati nous donne quelques unes de ses traductions :
Ils sont fous ces romains se traduit en : orang Romawi memang gila
Dans la bande dessinée « Le tour de Gaule ».
Obélix : Je ne suis pas gros ! Non, monsieur, tout juste enveloppé !
Traduit : Siapa bilang aku gendut ? Aku cuma montok seronok, sexy… (qui a dit que je suis gros, je suis juste dodu, plaisant à voir et sexy)
Pour les prénoms comme celui de l’agent provocateur dans la bande dessinée « La zizanie », Ibu Tati lui donné le nom de Akalbusyukus. akal busuk qui veut dire malhonnêteté et comme il est romain j’ai ajouté un us. Ou alors dans « L’odyssée d’Astérix » le détective s’appelle zérozérosept , je l’ai traduit avec les chiffres javanais nol (zero) Pitu (sept) qui donne nolnolpituix. Dans « Astérix et Compagnie » il y a un travesti je l’ai appelé Cowokkemayus, cowok veut dire garçon et kemayu est adjectif qui signifie coquette, sophistiquée.
Traduire n’est pas toujours facile, cela demande une adaptation à la culture locale. Tati nous donne l’exemple d’une chanson inspirée d’un titre de Charles Trenet dans « Astérix chez les Belges » « Je chante, Je chante tout en latin, je chante je suis romain… » une chanson qui n’est pas connue en Indonésie " j’ai pensé à la remplacer par une chanson populaire indonésienne et sur le même principe j'ai changé les verbes".
Ce qui donne : marilah kemari hey hey hey kawan Akulah di sini hey hey hey …hey kasih- Venez ici hey hey mes amis, je suis là, hey hey, mon chéri… se transforme en Marilah mencuci, yeh yeh, ok g kasi, Nyuci sambil nyanyi,he hehe sayang, allons laver nos habits mon amour, chantons en les lavant…
Alors « Astérix et Obélix à Java », pourquoi pas…
Merci à Gabriel Laufer pour l'aide précieuse apportée à la rédaction de cet article.