À l’occasion du French May Arts Festival, Wu Hoi-fai, directeur artistique hongkongais, présentera sa nouvelle pièce "Pas de deux à Hong Kong". Dans cette pièce, il s’intéresse à la communauté française de Hong Kong et à son rapport à la ville. Nous l’avons rencontré.
Le théâtre documentaire s'intéresse aux gens ordinaires
Vous êtes directeur artistique et co-fondateur de Pants Theatre Production, une compagnie de théâtre qui promeut entre autres le théâtre documentaire. Pouvez-vous nous parler de ce genre et de votre métier ?
Le théâtre documentaire est l’un des genres que je préfère travailler avec ma compagnie.
Quand on parle de « film documentaire », tout le monde comprend. Pour le théâtre documentaire, c’est pareil, on utilise des sources de la réalité, comme des interviews mais comme c’est du théâtre, on y ajoute une part de créativité. Et bien sûr le « théâtre documentaire » est avant tout un concept artistique dont les limites sont floues, il n’y a rien d’absolu et on est libre de jouer avec ces limites.
Il y a différentes sortes de théâtre documentaire : soit ce sont des gens ordinaires qui sont sur scène, soit ce sont des acteurs qui interprètent des gens ordinaires ; et parfois on peut mixer les deux. Pour ma part, je travaille avec des vrais acteurs qui interprètent les personnes que j’ai interviewées.
En tant que directeur artistique, j’ai la responsabilité de traiter les histoires des gens que j’interviewe. Pour ça, j’ai plusieurs éléments comme les sons, la musique, la mise en scène… Mon boulot c’est de mettre en valeur la beauté que je capte dans la réalité.
Nous avons interrogé 40 Français pour notre spectacle
C’est la seconde année que vous présentez une pièce sur le thème de la communauté française de Hong Kong au French May Arts Festival. Quelles sont les nouveautés ?
L’année dernière, ce qu’on a présenté c’était une lecture dirigée sur scène, une sorte de « work in progress ». Je n’avais interviewé que 20 Français, cette fois, j’ai parlé avec 20 personnes supplémentaires pour avoir des histoires de vie encore plus variées ! Donc en un an, on a enrichi le projet pour présenter Pas de deux à Hong Kong, une production complète.
J’ai travaillé dans le cadre d’un projet d'échange théâtral de deux ans entre Hong Kong et la France, en parallèle avec Nicolas Kerszenbaum, un metteur en scène français qui va aussi présenter son projet, Good Fortune. Si les gens ont le temps, je pense que ça peut être intéressant de voir les deux pièces, pour avoir deux points de vue distincts sur Hong Kong !
Je cherche la réponse à la question : c'est quoi être Hongkongais ?
D’où vous vient cet intérêt pour la communauté française de Hong Kong ?
Hong Kong a connu plusieurs vagues d’émigration dans son histoire, en 1997 par exemple ou plus récemment depuis 2019. On est nombreux à s’être demandé si on devait partir ou rester. Et, moi j’ai décidé de rester car mon identité est à Hong Kong, je suis né ici. Je me pose beaucoup de questions sur l’identité, « c’est quoi être hongkongais ? ». Et je pense que c’est quand tu es loin de chez toi que tu ressens le plus cette identité. J'ai étudié quelques années à Londres et c’est là que je me suis senti le plus hongkongais. C’est comme ça que j’ai commencé à m’intéresser à ce que Hong Kong représentait aux yeux des gens qui sont ici hors de chez eux, comme moi je l’avais été.
Les Français ont une longue histoire avec Hong Kong
Les Anglais ? Le lien me semblait trop évident. J’aurais pu choisir les Philippins, les Japonais ou les Indonésiens, ce sont aussi des minorités mais ils sont asiatiques, je voulais plus de différences ! C’est comme ça que les Français me sont apparus comme une communauté intéressante à étudier. Ils sont une minorité mais ils ont également une longue histoire ici. En plus, les Français de Hong Kong représentent la plus grande communauté d’expatriés français en Asie.
Est-ce que ce point de vue français vous a appris quelque chose sur votre propre ville ?
Bien sûr ! Quand tu es né dans une ville et que tu y vis depuis toujours, tu ne vois plus certaines choses. Par exemple, quand je dois aller dans les Nouveaux Territoires, ça prend peut-être une heure, et je me plains, « wow c’est si loin ! ». Alors que les Français que j’ai interviewés, eux, justement m’ont beaucoup dit que ce qu’ils adoraient à Hong Kong c’était que tout soit à portée de main, la ville, la nature, la montagne, la plage.
Nous pouvons apprendre de nos différences
Pourquoi avez-vous appelé votre pièce Pas de deux à Hong Kong ?
L’année dernière, c’était un titre très générique Les Français à Hong Kong. Cette fois-ci je voulais quelque chose de plus artistique, d’où Pas de deux à Hong Kong qui réfère à l’art du ballet.
Les acteurs et moi, on est Chinois et on parle aux Français donc il fallait trouver une sorte de langage commun et trouver ce qui nous réunit à Hong Kong, ce qu’on ressent au sujet de Hong Kong, mais aussi nos différences… car finalement, à un instant T, on considère tous Hong Kong comme notre maison. Et je pense que ce processus, d’apprendre à se connaitre, nos sentiments, nos différences, c’est le même que lors d’une rencontre amoureuse. C’est l’image que j’avais en tête, la rencontre de deux individus, d’où Un pas de deux.
Pour le titre en cantonais, j’ai choisi une traduction non littérale, 香西法蘭港 qu’on peut traduire par « Hong – français – Kong », comme une danse entre Hong Kong et les Français. Les Hongkongais aiment bien mélanger les termes, ajouter de l’anglais, jouer avec les mots.
Pas de deux à Hong Kong
1h30, en cantonais et anglais avec sous-titres en mandarin et anglais.
Theatre, Sheung Wan Civic Centre
31 mai à 20h, 1er juin à 15h et 20h ; 2 juin à 15h.