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Maître Andy : "La danse du dragon à Hong Kong est une école de la vie"

Entre sueur, rires et concentration, les jeunes équipes d’hommes et de femmes perpétuent l’art ancestral de la danse du dragon, une tradition toujours bien vivante au cœur de Hong Kong. Malgré l’urbanisation galopante et les défis modernes, ces danseurs gardent intacte la magie de ce spectacle à la fois acrobatique et symbolique. Rencontre avec ceux qui font encore vibrer les écailles des dragons sous les néons de la ville.

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Écrit par Oceane Bertea
Publié le 3 juin 2025, mis à jour le 4 juin 2025

Un spectacle millénaire riche en symboles

Pratiquée depuis plus de 2000 ans en Chine, la danse du dragon (龙舞 ou 龙灯) est un spectacle traditionnel où une équipe d’acrobates anime un dragon articulé à l’aide de perches, au rythme des tambours et des gongs. Originaire des cours impériales Han (206 av. J.-C.–220 apr. J.-C.), cette danse était déjà utilisée pour impressionner les diplomates ou invoquer la pluie lors de sécheresses. Symbole de puissance et de chance, le dragon – maître des eaux et des tempêtes – est censé chasser les mauvais esprits lors des festivités comme le Nouvel An lunaire.

Leur structure, faite de bambou, de papier ou de tissu, peut atteindre 136 mètres (record du monde détenu par Singapour depuis 1988) et nécessite des mois de fabrication, culminant par le rituel sacré du « pointage des yeux », qui insuffle l’âme du dragon. Les danseurs, souvent formés aux arts martiaux, poursuivent une perle magique (龙珠) pendant 30 minutes de prouesses synchronisées, mêlant agilité et force. Entre légende, spiritualité et performance artistique, cette tradition perdure aujourd’hui et continue de fasciner les foules. Chaque année, lors de la Fête de la Mi-Automne, les rues de Tai Hang, à Hong Kong, s’embrasent au rythme de la légendaire Danse du Dragon de Feu. Classée au patrimoine culturel immatériel national, cette tradition remonte au XIXᵉ siècle, où elle fut créée pour conjurer une épidémie de peste. Le dragon, long de 67 mètres et orné de 12.000 bâtons d’encens, nécessite pas moins de 300 porteurs pour animer ses mouvements.

Je pratique depuis l'âge de quatre ans

Equipe pratiquant la danse du dragon

La pratique, symbole de cohésion reliant les générations demeure une richesse culturelle que les plus jeunes continuent de faire briller à Hong Kong. Nous avons rencontré des danseurs de l’association Kwok’s Kung Fu & Dragon Lion Dance Team Limited aux profils très différents allant d’avocats d’affaires exerçant ce sport pour relâcher la pression à un vidéaste ayant rejoint la tradition depuis l’école primaire et ne l’ayant jamais quitté depuis. 

Rendre le public heureux

Ces danseurs partagent ensemble leur passion et ce souhait de transmettre “Je suis fasciné par la danse du lion depuis l’âge de quatre ans. Je veux vraiment permettre à plus de gens de découvrir ce sport.”. Avec des entraînements d’au moins deux à trois fois par semaine, certains sacrifient leur temps passé en famille et avec les amis pour se retrouver après le travail ou l’école dans cette communauté. 

Chacun révèle l’exigence nécessaire pour produire la danse du dragon, une exigence et discipline qui se mêle au bonheur de partager cette culture avec les autres, “Il faut donner l'impression que le lion est vivant et rendre le public heureux. C'est physiquement exigeant, pourtant, ma passion l'emporte et je m'y sens bien.”. Le batteur du dragon explique “Dans une compétition, je me concentre sur la façon d'améliorer la performance à un niveau artistique, je dois être innovant pour correspondre au mouvement du dragon et donc penser à de nouveaux rythmes.

De plus en plus de femmes dansent

De plus, pendant des décennies, la danse du dragon fut une affaire exclusivement masculine. Selon les croyances, le dragon, une fois béni, devenait un objet sacré que les femmes ne devaient pas toucher. Cependant, lors de la rencontre avec Kwok’s Kung Fu & Dragon Lion Dance Team Limited, Maître Andy a mis l’accent sur la formation et l’initiation des femmes à cette tradition. Ying, danseuse positionnée à la tête du dragon témoigne justement que “Kwok’s m'a attiré parce qu'ils ont une équipe pleine de filles et j'ai trouvé que c'était génial car ça allait contre contre le stéréotype que seuls les garçons pouvaient le faire, c’est une des associations les plus avancées sur la question”. 

Le Maitre à la gauche de l'image supervisant une équipe masculine de danse du dragon
Le Maitre à la gauche de l'image supervisant une équipe masculine de danseurs du dragon 

Je respecte une tradition familiale

Maître Andy Kwok Man Lung : Je suis l'entraîneur principal et le chef d'équipe de l'équipe actuelle de Cross Kung Fu et de Danse du Lion et Dragon. J'ai 51 ans et nous sommes cinq entraîneurs. L'idée de superviser cette équipe est une forme de tradition familiale, mon père est le directeur de l’association mais il a aussi été maître (coach). Seulement, lui était maître à temps partiel, j’ai donc eu l'idée de me consacrer à temps plein à l'amélioration de l'entraînement des équipes car je crois que c’est là une des clés pour le développement des équipes.

Notre association pourrait être décrite comme une grande famille aux multiples branches, tel un arbre. Chaque membre est comme une petite-fille ou un oncle (suk 叔) par rapport aux autres. Elle est basée sur les relations familiales chinoises et ces titres sont une forme de respect mutuel.

Nos danseurs ont un look cool

Comment les inciter les jeunes à participer à la danse du dragon ?

Cette tradition est comme tout autre sport : populaire, elle implique technique, art, etc. Mais nous avons besoin de jeunes, car les anciens ne peuvent pas perpétuer cette pratique indéfiniment; nous avons besoin d'une relève. Pour ce faire, nous présentons cette tradition aux jeunes au collège, en primaire et même au lycée. Certaines écoles de Hong Kong proposent des cours de danse du lion et du dragon. Les réseaux sociaux sont un autre moyen de promouvoir cette tradition. Nous avons beaucoup de choses à partager avec la communauté : les belles couleurs que nous portons, la technicité, la beauté des mouvements, les histoires qui se cachent derrière… Tout cela crée un contenu qui les attire. Par ailleurs, nos danseurs ont un look cool, ce qui est un peu différent de mon enfance, où j'étais habituée à des styles plus traditionnels.

Les réseaux sociaux ont également encouragé les femmes à s'engager de plus en plus dans cette pratique. Les filles ont changé de mentalité et se sentent plus à l'aise pour participer. C'est mon devoir de les accueillir et de leur donner le sentiment d'appartenir à nos équipes. Il y a peut-être 20 ans, les femmes pensaient que ce sport était réservé aux hommes et qu'elles ne pouvaient pas le pratiquer, mais les choses ont changé.

La discipline est essentielle dans notre pratique

Lorsque nous recrutons, nous examinons principalement la motivation et la personnalité des candidats. Nous organisons un entretien avec eux, car ce que nous recherchons, c'est la discipline, elle est essentielle dans notre pratique.

Que souhaitez-vous enseigner aux élèves et qu'attendez-vous d'eux ?

Nous espérons que chacun puisse développer sa personnalité grâce à ce sport. Nous valorisons leur épanouissement et leur développement personnel. Lorsqu'ils dansent ensemble, nous attendons d'eux un fort esprit d'équipe. L'esprit d'équipe implique avant tout la tolérance : il faut accepter les différences de chacun tout en composant pour la même création. La clé du succès dans cette danse est de veiller à ce que personne n'aille plus vite ni plus lentement, c'est pourquoi l'esprit d'équipe est si important, surtout dans ce sport. Si un membre ne parvient pas à suivre, c’est toute l'équipe échoue. Une bonne performance naît donc de cette synchronisation et de cette tolérance mutuelle. Cela implique d'apprendre à coopérer avec les autres membres.

Plus je vieillis, plus je suis patient

En tant qu'entraîneur, quel est le plus grand défi de votre travail ?

Il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup. J'ai une équipe d'une dizaine de personnes à qui je dois apprendre à se coordonner tout en gérant leurs performances et leurs rôles uniques. Chacun doit atteindre des objectifs différents et chacun a des demandes différentes. Cela demande beaucoup de patience, mais aussi une grande clarté dans les explications données afin de les aider à comprendre leur tâche, la vitesse d'exécution, etc.

Ces qualités sont essentielles pour un coach, mais elles viennent avec le temps. Plus je vieillis, plus je suis patient avec eux.

Quels sont vos prochains projets ?

Nous nous entraînons pour plusieurs compétitions à venir, la prochaine étant prévue en mai. Nous allons concourir contre d'autres associations de Hong Kong. Cela nous aiderait à être candidat pour l'équipe de Hong Kong l'année prochaine.

Nous devons également nous préparer pour une compétition internationale où Hong Kong rencontrera des équipes de Singapour, de Malaisie, de Taïwan et de Macao.

 

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