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C'est l'été et comme chaque année le Petit Journal vous propose un best of des articles les plus lus. Passez de belles vacances. Et, nous, on se retrouve à la rentrée.
La chroniqueuse hongkongaise Sony Chan s'impose dans les médias français : radio, télévision, théâtre, Youtube, l'humoriste saisit chaque occasion pour parler politique sans langue de bois.
Atypique. Provocatrice. Homme. Femme. Androgyne. Drôle. Irrévérencieuse. La liste des adjectifs peut sembler antinomique mais comment décrire Sony Chan sans user de la contradiction : l'humoriste hongkongaise ne souffre pas d'une étiquette et c'est la raison de son succès en France.
Chroniqueuse sur France Inter et humoriste dans l'émission Folie Passagère sur France 2, ces deux dernières années ont laissé peu de place à la contemplation dans son emploi du temps. Actuellement, c'est sur les planches qu'elle amuse les Parisiens avec son dernier spectacle « Différente comme vous et moi ».
« En France, être atypique est une force »
A son arrivée en France en 1997, rien ne la prédestinait à un tel succès. Après la rétrocession, elle quitte Hong Kong pour s'installer en Alsace avec ses parents. Sony Chan y entame des études d'architecture tout en suivant des cours de théâtre. Son diplôme en poche, elle travaille comme architecte sans oublier sa passion. « Je n'ai jamais voulu faire ce métier mais ça sert toujours pour le CV ! » En parallèle, elle enchaine les castings, se fait remarquer dans le monde de la mode, enregistre un album, se lance dans la comédie puis comme humoriste et chroniqueuse.
« Je sens que j'ai de la chance d'être en France. J'ai essayé de percer à Hong Kong mais c'est difficile parce que la scène locale est trop conventionnelle et laisse peu de place à la création. En France, au contraire, être atypique est une force. Bien sûr, ça prend du temps, mais on arrive à se faire une place. Alors qu'à Hong Kong, est-ce qu'un Occidental pourrait être à ce point médiatisé ? »
Ses forces qui ravissent les Français, ce sont son genre qui interpelle l'oeil et sa verve qui retient l'oreille. Né homme, doté d'un physique androgyne, Sony Chan brouille les pistes en affichant une identité féminine. Doit-on utiliser le « il » ou le « elle » ? Peu importe, l'humoriste s'offre la liberté d'être inclassable.
Des vidéos pour témoigner son soutien citoyen
Aujourd'hui, Sony Chan « vit dans une bulle » à Paris stimulée par ses projets qui laissent peu de temps au voyage. « La dernière fois que je suis venue à Hong Kong, c'était en 2007. Depuis, je n'ai pas trouvé le temps entre la télévision et la radio. Pendant deux ans, je ne voyais personne, je n'avais plus de vie sociale. Et puis dans ce métier, dès qu'on a un peu de temps, on fait tout pour ne plus en avoir. »
Il suffit de jeter un oeil à sa page Facebook pour constater l'effervescence de son quotidien : chaque semaine, l'humoriste poste des vidéos dans lesquelles elle enseigne une expression en cantonais et en français. A travers cet apparent cours de langue, Sony Chan en profite pour parler politique car malgré l'éloignement géographique, l'artiste reste concernée par la situation de son pays. « Avec ses vidéos, je témoigne de mon soutien citoyen. »
Et du soutien, selon elle, Hong Kong en a besoin : « Je suis inquiète pour son présent comme pour son futur. C'est de pire en pire ! On perd tout ce qui fait la spécificité de Hong Kong. Quand j'y suis, je ne comprends pas pourquoi je suis entourée de gens qui parlent mandarin, je ne comprends pas pourquoi on sert les clients chinois en priorité dans les restaurants, je ne comprends pas qu'on ne mette pas en avant la culture locale. On assiste vraiment à la destruction de l'identité hongkongaise. D'ailleurs, ça va plus vite que la volonté de Pékin. C'est à cause de l'élite hongkongaise qui lèche le cul de la Chine pour garantir sa position sociale.»
« Je ne peux pas me sentir française »
Ce franc-parler lui a valu d'être remarquée par des journalistes hongkongais qui l'ont contacté suite à une vidéo sur Youtube qui a été vue des milliers de fois. Sony Chan, à l'époque, jouait dans une émission de divertissement sur France 2. « Ce jour là, je chantais « On va s'aimer » avec un invité et pour le surprendre, à un moment donné, j'ai fait basculer le karaoké en cantonais avec des paroles qui critiquaient le gouvernement hongkongais. Les répercutions ont été dingues ! Ca a fait beaucoup de bruit, j'ai même été convoquée par la direction de la chaine ! Depuis la vidéo a été retirée de Youtube mais j'ai reçu un retour hyper positif de la part des Hongkongais qui ont été touchés par le geste. Vous savez, nous avons culturellement une pensée très pragmatique : quand nous ne sommes plus touchés par un problème, on n'y pense plus. Alors, les Hongkongais étaient agréablement surpris de me savoir depuis la France toujours concernée par la situation du pays. »
C'est suite à cette histoire que Sony Chan décide de publier ses vidéos sur Youtube pour garder un contact avec ses concitoyens qui l'ont inondée de mails. Car la chroniqueuse ne cache pas ses origines, après vingt ans passés en France. « Je ne peux pas me sentir française. Quand je rentre dans un magasin à Paris, on me parle en anglais ! Avec le visage que j'ai, je ne peux pas oublier mon identité ! J'accepte assez bien que les Français me considèrent comme une étrangère, en même temps je ne suis pas née ici. Mais j'ai des amis chinois qui sont nés en France et ils le vivent vraiment différemment. Encore une fois, c'est la question de l'identité nationale qui revient sur le tapis. On ne parle que de ça en France. »
Géraldine Ruiz (www.lepetitjournal.com) reprise du jeudi 10 mars 2016