Édition internationale

EDUCATION - Hong Kong pour la liberté de conscience de ses élèves

 

Quinze ans après sa rétrocession à la Chine, Hong Kong n'est toujours pas prête à se faire assimiler politiquement. Les houleux et récents débats qui ont agité la société sur le thème de l'éducation depuis la rentrée en sont la preuve. Dans un pays dans lequel le souhait le plus ardent des familles, quel que soit leur niveau social, est que leurs enfants reçoivent la meilleure éducation possible et où le système scolaire est une source de compétitivité et de pression énormes pour les élèves, dont certains sont obligés d'apprendre à lire avant l'âge de trois ans pour rentrer dans la bonne école maternelle qui les préparera à la bonne école primaire, on comprend que le sujet soit mobilisateur.

Affiche - Hong Kong septembre 2012 - Crédit photo : SM

La genèse

Après dix années de préparation, l'introduction d'un cours d'éducation morale et nationale - dite MNE (Moral and National Education)- en tant que matière indépendante dans les programmes scolaires, était annoncée en octobre 2010 par le chef de l'exécutif alors en poste, Donald Tsang, dans son discours de politique générale pour 2011/2012.

Présentée comme le moyen de développer les attitudes positives des élèves et de valoriser des valeurs telles que la persévérance, le respect des autres ou encore la responsabilité, ainsi que celui d'instiller un plus grand sentiment d'appartenance à la "mère patrie" et de fierté nationale, cette mesure fût immédiatement désignée sous les termes de lavage de cerveaux à l'école par ses opposants.

Selon ces derniers, le programme d'éducation morale et nationale a pour but de faire le panégyrique du Parti communiste chinois tout en occultant les sujets les plus sensibles comme la répression de la place Tian'anmen en 1989. Il semble en effet que le manuel gouvernemental préparé pour ces cours intitulé "Le modèle Chinois" qualifie le Parti communiste de "progressiste, altruiste et solidaire" et qu'on puisse y lire un argumentaire en faveur du parti unique face à la démocratie et au pluripartisme, présentés comme étant facteurs de chaos.

Le gouvernement s'est pourtant entouré de précautions à propos de ce sujet sensible, multipliant les déclarations rassurantes. Mais dès cet été, il a été contraint de reculer : alors qu'il était initialement demandé aux écoles primaires de l'introduire à partir de la rentrée 2012 et aux écoles secondaires à partir de la rentrée 2013, le porte parole du gouvernement annonçait qu'il était mis en place une période transitoire de trois années pour introduire cette nouvelle matière de manière progressive et individualisée avant qu'elle ne devienne obligatoire en 2016. En outre, chaque école était incitée à mettre au point pour ce faire son propre matériel pédagogique.

Il faut dire que le nouveau chef de l'exécutif, Leung Chun-ying, intronisé le 1er juillet par le président chinois, Hu Jintao pour 5 ans conformément à la loi fondamentale de la région administrative de Hong Kong, savait qu'il aurait fort à faire pour convaincre les Hongkongais déjà descendus par milliers dans les rues pour réclamer sa démission dès sa prise de fonctions.

Tamar - Les manifestants font le siège du gouvernement - septembre 2012 - Crédit photo : SM

Bras de fer et contestation à la rentrée
Las, trois jours avant la rentrée scolaire, collégiens et étudiants, parents et professeurs plantaient leur tente place Tamar, à l'appel notamment du mouvement Scholarism. Ce mouvement, non affilié politiquement, fondé par un groupe de lycéens et d'étudiants le 29 mai 2011 est le premier groupe de pression à s'être opposé à la MNE. Il fût rapidement rejoint par d'autres groupes, comme le Parent's concern à l'initiative d'une pétition contre le projet, pétition portée par des personnalités de l'opposition telles que le cardinal Catholique de Hong Kong Joseph Zen, connu pour être un avocat de la démocratie et un défenseur du suffrage universel à Hong Kong et pour avoir ouvertement critiqué le gouvernement communiste Chinois, ou encore Ching Cheong, journaliste hongkongais condamné en 2006 par le gouvernement chinois à 5 ans de prison pour espionnage et libéré deux ans plus tard sans qu'un nouveau procès n'ait eu lieu.

Le lendemain, 77 écoles primaires parmi les plus prestigieuses (dont 57 écoles catholiques et 11 méthodistes), déclaraient fermement qu'elles refusaient d'introduire cette matière dans les trois ans. Le 3 septembre, le jour même de la rentrée, ce sont près de 8.000 manifestants qui entouraient le siège du gouvernement local.

L'opposition au projet n'a dès lors cessé de monter en puissance, culminant le 7 septembre dernier lorsqu'un sit-in réunissait plus de 100.000 manifestants au pied des bâtiments abritant le gouvernement de Hong Kong.

C'est dans ce contexte, et à la veille des élections renouvelant le parlement local, que le 8 septembre, le chef de l'exécutif annonçait devant la presse que son gouvernement "donnait autorité aux écoles de décider quand et comment elles souhaitaient introduire les cours de morale et d'instruction civique", renonçant de ce fait au caractère obligatoire de ces cours.

Vigilance autour d'un sujet qui n'est pas clos
L'annonce du retrait du projet a certes été accueillie avec soulagement par les opposants mais le gouvernement n'a pas renoncé. Il va maintenant rechercher d'autres méthodes, comme tenter de rétablir le dialogue pour convaincre une à une les écoles et leurs organismes de tutelle.

Alors que l'avenir de la MNE paraissait incertain, le 17 octobre dernier, le Ministre de l'éducation, Mr Eddie Ng Hak-kim, a clarifié les choses. Il a d'abord rappelé l'attachement du gouvernement hongkongais à l'éducation morale, nationale et civique et déclaré que la MNE ne sera pas retirée. Tout en rappelant que lorsque la loi a été préparée en 2001, le but était de développer l'identité nationale et pour cela d'introduire des éléments de la culture chinoise, et notamment la langue, l'histoire, le développement de la Chine et les challenges auxquels elle doit faire face, il a précisé qu'en l'état de la loi, les écoles peuvent librement introduire cette éducation dans leur programme, avec le matériel pédagogique qui leur semblera le plus adapté.

Si le discours de la méthode s'est assoupli, les objectifs restent les mêmes pour le gouvernement. Le sujet est loin d'être clôt et la question scolaire restera un sujet sensible à Hong Kong et ce d'autant qu'elle renvoie directement à celui de l'influence de la Chine.

Alors qu'à l'issue du scrutin du 9 septembre ayant renouvelé les députés du Legislative Council (Legco), Pékin garde la haute main sur la politique de la région administrative autonome, il semble que l'opposition qui n'a pas su tirer avantage des sujets de mécontentement des hongkongais doive continuer à se mobiliser si elle veut peser sur la Chine pour que celle ci respecte sa promesse initiale de maintenir les systèmes économiques et législatifs et le mode de vie hongkongais pendant 50 ans, ce qui passe aussi par le respect de la promesse de l'introduction du suffrage universel en 2017.

Florence Degoy (www.lepetitjournal.com/hongkong.html), lundi 22 octobre 2012

Avocate au barreau de Paris pendant quinze ans puis secrétaire générale d'une société de production audiovisuelle spécialisée dans les émissions de plateau, Florence Degoy, fraichement débarquée à Hong Kong, partage avec les lecteurs du petitjournal.com ses analyses et son intérêt pour les questions de société.

lpj 20
Publié le 22 octobre 2012, mis à jour le 20 mai 2024
Commentaires

Flash infos