Édition internationale

HAINAN – L’île aux richesses ostentatoires

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 5 janvier 2018

A l'évocation des stations balnéaires chinoises, la plupart des occidentaux imaginent des barres de HLM grisâtres sur une plage où s'entassent des vacanciers moroses. Bref, rien de bien alléchant. Mais pour certains, la réalité est toute autre? A Hainan, une île tropicale au sud de la Chine, les hôtels de luxe internationaux surplombent des plages de sable fin à perte de vue. Bienvenue dans le paradis de l'excès !

L'affiche du salon du luxe 2012 : "Hainan rendez-vous"

 

Autrefois une île sauvage, Hainan a connu un développement spectaculaire. Lors des trois premiers mois de l'année 2010, le taux de croissance du PIB de la région a été le plus élevé de Chine, atteignant les 25,1%. C'est grâce au développement d'infrastructures touristiques de luxe et à ses sublimes paysages naturels que l'île est devenue le rendez-vous des milliardaires chinois.

 

Plus, toujours plus !

A Hainan, les jeunes Lolitas chinoises se prélassent sur le yatch de leur petit ami fortuné, arborant leur dernier maillot de bain Burberry. La chaleur moite achève de griller leur peau dorée, selon les canons de beauté à l'occidental. Au sein de ce microcosme paradisiaque, une règle d'or s'est imposée : plus, toujours plus. En effet, les élites financières chinoises fraichement enrichies souhaitent à tout prix afficher leur train de vie luxueux, la culture bling n'étant rien d'autre qu'un vaste étalage social.

Pour Delphine Lignières, la jeune française qui organise chaque année le salon du luxe à Hainan (« Hainan rendez-vous ») : "Le tourisme chinois se développe à toute allure mais il manquait un côté glamour, quelque chose qui permette à cette nouvelle classe aisée de vivre, de toucher cet art de vivre". Ce désir de glamour se traduit concrètement dans les résultats du salon. En 2012, une vingtaine de jets privés et de yatchs ont été vendus en trois jours, sans compter les décapotables aux couleurs flamboyantes, les téléphones portables incrustés de diamants et les collections de bijoux à faire pâlir les princesses de Dubaï.

Mais les 10.000 visiteurs sélectionnés sur invitation « VIP » et séjournant dans les 223 palaces dont 20 quatre étoiles et 13 cinq étoiles (en moyenne 350 euros la nuit) ne se sont pas contentés de consommer. Hainan est également l'île de la fête et des affaires. Ce sont dans les boites de nuit locales ou lors des « yatch parties » que les hommes d'affaires chinois nouent des relations professionnelles et concluent de juteux contrats. En Chine, il faut rassurer le client en lui démontrant sa solidité financière et sociale dans un cadre de rêve.

 

L'affiche du Hainan rendez-vous 2010

 

Un paradis qui se fissure

Hainan est un véritable monde à part. L'île constitue la plus petite province du pays et bénéficie du statut de « zone économique spéciale » (au même titre de Shenzhen), ce qui lui permet d'attirer les investissements étrangers grâce à ses avantages juridiques. Si le gouvernement chinois prétend revendiquer la souveraineté sur Hainan, il ferme pour l'instant les yeux sur les dérives de la culture de l'excès, profondément contraires aux valeurs du communisme. Malgré les éditos acides parus dans Le Quotidien du peuple, les hauts dignitaires du parti, qui apparaissent au classement des plus fortunés, possèdent pour la plupart une luxueuse villa sur l'île. Il semblerait que les descendants de Mao soient plus préoccupé par l'opportunité économique qui consisterait à faire de Hainan « une destination touristique de niveau international » d'ici 2020 que par l'égalité des classes sociales.

 

Pourtant, rien ne prouve que cet objectif soit réaliste. Le compte à rebours de l'explosion de la bulle immobilière a déjà commencé avec des sommets atteints à 10.000 euros le mètre carré. En 2009, les prix de l'immobilier ont augmenté de 50% selon les statistiques officielles. Mais c'est surtout l'esprit insulaire de Hainan qui empêche la station balnéaire d'avoir un véritable rayonnement international. 95% des touristes viennent de Chine continentale et l'obtention d'un visa pour y séjourner est une procédure longue et aléatoire pour les étrangers. Si, en tant qu'occidental, vous arrivez à franchir cette première barrière administrative, ne vous attendez pas à aisément vous fondre au sein de la jet set chinoise. Hainan a été conçue par les Chinois, pour les Chinois. Une fois sur place, rejoindre l'hôtel est une mission infernale. Les chauffeurs de taxis ne parlent pas un mot d'anglais et si vous décidez de vous orienter par vous même, impossible de trouver une carte de l'île, il faudra décrypter les panneaux routiers en chinois.

 

L'île de Hainan, un complexe touristique de luxe pour les Chinois enrichis

 

Le problème majeur de Hainan ne vient donc ni des restrictions du parti communiste qui ne demande qu'à développer des régions touristiques, ni des prix exorbitants qui ne font pas reculer les vacanciers de Saint Tropez mais d'un clivage culturel fondamental. L'île semble pour l'instant être réservée à un petit cercle de riches Chinois, qui cherchent plus à exhiber leur dernière Ferrari qu'à faire l'expérience de l'ouverture internationale. L'attitude des milliardaires chinois, qui ne demandent qu'à adopter le luxe à l'occidental et à arborer des marques européennes tout en excluant les étrangers qui s'aventurent sur leur territoire est profondément paradoxale. Si les vacanciers venus d'ailleurs ne semblent pas être les bienvenus, les occidentaux peuvent tout de même tirer profit de l'île ostentatoire, à travers les maisons de luxe pour qui Hainan est le marché d'exportation idéal?

 

Clara Leonard (www.lepetitjournal.com/hongkong.html) jeudi 31 mai 2012

 

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Publié le 31 mai 2012, mis à jour le 5 janvier 2018
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