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A l'occasion des 50 ans de l'Ecole des Loisirs, la librairie Parenthèses a reçu il y a quelques jours Susie Morgenstern, un auteur jeunesse d'origine américaine qui depuis ses débuts a fait le choix d'écrire en français. Pendant plus d'une heure, ses jeunes lecteurs ont pu se délecter de sa personnalité hors du commun et de sa verve inventive.
Lunettes roses en forme de c?ur, collier d'alphabet en bois autour du cou, Susie Morgenstern respire la fraicheur et la joie de vivre. La dame a pourtant 120 livres au compteur. Autant dire qu'elle n'en est pas à sa première lecture ni à sa première séance de dédicace. Mais il n'y a chez elle nulle trace de ces facilités, de ces "petits trucs" d'auteurs qu'on détecte parfois. C'est toujours avec sincérité et gourmandise que celle à qui l'on doit Les deux moitiés de l'amitié ou J'en ai marre de ma s?ur parle de sa vie et de ses livres, maniant l'autodérision avec autant d'aisance que sa plume.
Susie Morgenstern à la librairie Parenthèses, octobre 2015
Avec Susie, il n'y a en effet ni faux-semblant, ni de langue de bois. Directe, elle assume sa fierté et son bonheur d'écrivain : "en toute modestie, j'adore ce que j'écris, mais j'aime encore plus quand un enfant prend un de mes livres". Cet amour de l'écriture, Susie Morgenstern le cultive dès son plus jeune âge. A 6 ans, elle s'enferme déjà dans sa chambre pour copier des livres, des tonnes de livres. Ce qui lui plaît, c'est "l'acte physique d'écrire", les courbes, le trait qui se révèle sous la plume.
"J'ai besoin de victimes pour écrire"
Et c'est la maternité qui canalise et oriente finalement cet impérieux besoin. Son premier livre, qui en parait en 1977, est un alphabet hébreu destiné aux enfants. Susie ne changera pratiquement plus de registre. Chaque jour, elle turbine, s'exalte, couche sur le papier ses nombreuses intuitions comme si sa vie en dépendait. "Il y a une urgence en moi pour réaliser ces idées.", explique-t-elle. "Je suis une véritable usine, je suis très disciplinée, j'écris tous les jours, presque 6 à 7 heures par jour".
Ses idées, l'auteur les puise dans son quotidien, dans ses valeurs : la famille, la généalogie, la religion. Ses deux filles sont pour elle une grande source d'inspiration, un moteur mais aussi des correctrices avisées. "J'ai besoin de victimes pour écrire (rires). Elles diront sûrement que je les ai exploitées, mais elles auront l'héritage !", dit-elle dans un grand éclat de rire plein de franchise. Mais lorsqu'on lui demande pourquoi elle écrit en français et non dans sa langue maternelle, l'anglais, (Susie est née à Newark, New Jerseys), Susie ne lève aucun voile sur ce mystère. Elle répond simplement : "J'ai suivi mon mari en France. Puis, je me suis assise à mon bureau, et j'ai écrit. Lorsque j'ai relevé les yeux de la feuille, les mots étaient en français. Le français est devenu ma langue d'écriture. Mais je faisais des fautes (?). Je me souviens d'un manuscrit où j'avais mis tous les verbes à l'infinitif. J'entends encore les remontrances de mes filles !".
"Quand on écrit pour la jeunesse, on a envie d'être positif"
Sa seule panne d'écriture, l'Américaine, l'a connu il y a presque vingt ans, après la mort de son mari. Deux années pendant lesquelles Susie Morgenstern s'est éloignée de la jeunesse pour composer un livre d'amour dédié au défunt (Jacques a dit, aux Editions Bayard). "Quand on écrit pour la jeunesse, on a envie d'être positif (?) Mon deuil, je l'ai laissé aux adultes, car je ne voulais pas que la joie de vivre que je transmets dans les livres jeunesse soit ternie".
Des jokers pour ne pas aller à l'école, une princesse qui ne veut que d'un prince qui acceptera de lui gratter le dos, un petit garçon prêt à tout pour que ses parents achètent une télévision... Susie Morgenstern s'y entend en effet pour distraire les enfants. Ses livres sont peuplés d'êtres merveilleux et fantasques qui, l'air de rien, soulèvent aussi des questions philosophiques, historiques ou religieuses. Car, si Susie sait faire rire et rêver les petits, elle sait aussi les faire grandir.
Estelle Tchernychev (www.lepetitjournal.com/hong-kong) lundi 19 octobre 2015









