A travers de nombreuses anecdotes, « les Français de Singapour » est le premier ouvrage thématique qui rend compte de la vie de la communauté française à Singapour et de sa participation à l'évolution de « la cité du lion ». Très tôt, la présence française marque de son empreinte la Singapour coloniale. Des religieux, puis des négociants, des planteurs et des aventuriers participent à son essor. Aujourd'hui, la communauté compte presque dix mille personnes et contribue toujours au développement du pays dans le domaine économique et culturel
Les auteurs de cet ouvrage, Danièle Weiler et Maxime Pilon, tous deux enseignants au Lycée Français de Sigapour, seront à la librairie Parenthèses le 8 mars prochain pour une rencontre littéraire. Lepetitjournal.com Singapour les a rencontrés avant leur départ pour Hong Kong.
Lepetitjournal.com : Vous venez d'achever un livre consacré aux Français à Singapour. Quelle en est son origine ?
Danièle Weiler et Maxime Pilon: A l'origine, il y avait deux envies d'écrire. Nous étions, l'un, intéressé par les religieuses de CHIJ, l'autre, par les femmes voyageuses en Asie. Mais il ne s'agissait à l'époque que de simples projets. C'est en parlant ensemble de nos envies réciproques, de nos recherches, que s'est imposée, il y a quatre ans, l'idée de réaliser un travail commun.
D'où est partie l'idée de travailler sur les Français à Singapour ?
L'envie d'approfondir nos connaissances sur notre pays d'adoption et le fait que rien n'avait été écrit sur les Français contrairement à d'autres communautés à Singapour comme les Américains, les Irlandais, les Japonais?
Aviez-vous vos élèves en tête en écrivant ce livre ?
Nous avions probablement nos élèves en tête. Nous les encourageons souvent à travailler des sujets sur leur pays de résidence. L'ouvrage tel qu'il est aujourd'hui s'adresse en réalité à un plus large public : les Français, les Singapouriens, les francophiles et les francophones, tous ceux qui sont intéressés par l'histoire de ce pays.
Quelle période le livre couvre-t-il ?
L'histoire couvre la période de 1819, date de la signature du traité par Sir Stamford Raffles, jusqu'à nos jours. L'histoire de Singapour sert de trame à celle des Français venus s'installer ou de passage. Nous avons pu ainsi replacer ces histoires individuelles dans un contexte, et mettre en scène ces Français qui d'une façon ou d'une autre ont contribué au développement de Singapour. A chaque période de l'histoire de Singapour, on retrouve des Français qui, de manière officielle ou dans le plus grand anonymat, participent au développement économique, politique, culturel? de Singapour ou traversent aussi les épisodes tragiques de Singapour.
La présence française était-elle importante ?
Selon des recensements britanniques ou des données consulaires françaises, les Français étaient 51 en 1871. Ils étaient entre 200 et 300 en 1965. Ce n'est qu'à la fin des années 1980 que la communauté française à Singapour a dépassé le millier.
Qui étaient-ils ?
Ce sont d'abord des missionnaires des MEP (Missions étrangères de Paris), des négociants ou des planteurs de tapioca, de gutta percha ou de café qui se sont installés sur l'île. Plus tard sont arrivés des entrepreneurs, des commerçants, des traders, ainsi que du personnel administratif. Dans les années plus récentes les multinationales ont envoyé de nombreux expatriés.
Certains des Français dont vous parlez dans votre ouvrage ont-ils eu un impact sur le Singapour que nous connaissons aujourd'hui ?
Absolument.Parmi les missionnaires, le Père Beurel peut être considéré comme le précurseur du développement du catholicisme et il a aussi développé l'éducation. On lui doit, notamment, le SJI (Saint Joseph Institution) et le CHIJ (Convent of Holy Infant Jesus). Les prêtres missionnaires ont également laissé des traces dans l'architecture, encore visibles aujourd'hui. Dans un autre domaine, la firme Brossard Mopin et l'un de ses ingénieurs Emile Brizay ont permis l'exploitation du bêton armé à Singapour.
Avez-vous eu des coups de c?ur pour certains Français ?
Oui. Par exemple pour Paul Brasier, le premier agent des Messageries Maritimes, une compagnie de transport, qui a eu un rôle important dans la société mondaine coloniale à Singapour, pour Gaston Dutronquoy, étrange personnage, qui a fondé un des premiers hôtels de Singapour, ou pour un certain Ducroux, agent communiste très engagé qui sera finalement arrêté à Singapour dans les années 30.
A partir de quelles sources avez-vous travaillé ?
Nous avons exploité les ressources locales aux archives nationales de Singapour ainsi qu'à la Bibliothèque nationale (NLB). Nous avons également exploité les archives diplomatiques à Paris, les archives consulaires à Nantes, et aussi les archives nationales à Londres ainsi que des bibliothèques en France et au Havre plus spécialisées. L'une des sources très précieuses à Singapour a été celle du Straits Times, qui existe depuis 1845. Les récits de voyage du XIXème siècle, ont été également une source de renseignements avec des Français qui livrent leurs impressions de voyage.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Nous n'avons pas manqué de sources, mais l'iconographie a parfois été difficile à trouver pour certaines périodes. Pour autant, le livre est très illustré. Les premières représentations de Singapour ont été peintes par les artistes des grandes expéditions et les Français ont laissé de superbes vues de Singapour. La première photographie a été faite par un Français, et ensuite les cartes postales ont permis de donner une idée plus précise du Singapour de l'époque. Les journaux locaux nous ont permis de trouver des illustrations originales. Et une illustratrice, Marion Cordonnier, a été choisie par l'éditeur pour quelques représentations qui faisaient défaut.
Propos recueillis par Bertrand Fouquoire - Dualexpat (www.lepetitjournal.com/singapour.html ) lundi 5 mars 2012
Rencontre littéraire avec Maxime Pilon et Danièle Weiler
Le jeudi 8 mars 2012, de 18h à 19h, à la librairie française Parenthèses : 2/F Duke of Wellington house, 14-24 Wellington Street, Central, Hong Kong
Danièle Weiler, après avoir étudié à l'école supérieure des Arts décoratifs de Paris, va enseigner à Tahiti, où elle s'intéresse à l'histoire des Polynésiens en collaboration avec le musée de Tahiti. Elle a vécu à Hong Kong où elle a été enseignante-bibliothécaire au lycée français. Elle vit à Singapour depuis 2001. Maxime Pilon habite à Singapour depuis 2001 où il est professeur d'histoire-géographie. Il a écrit de nombreux articles à propos de Singapour parus dans des guides de voyages et publications en ligne. Les deux auteurs ont, tous deux, été décorés des palmes académiques.