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FETE DE CHING MING – La société hongkongaise face à la mort

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 4 avril 2014, mis à jour le 28 février 2015

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Aujourd'hui 5 avril, à l'occasion de la fête de Ching Ming, les Hongkongais et la société chinoise en général se rendront dans un endroit soigneusement évité la plupart du temps en raison des mauvais esprits : les cimetières et columbariums.

Avec Chung Yueng à l'automne, Ching Ming est l'une des deux journées spécifiquement consacrées à la visite des défunts dans leur dernière demeure. A cette occasion les proches se réunissent sur la tombe ou près de la niche funéraire pour l'entretenir et se recueillir. Aux côtés de l'encens, ils brûlent des offrandes en papier qui parviennent ainsi jusqu'au défunt pour lui servir dans l'au-delà. Représentant traditionnellement de la fausse monnaie ou des incantations positives, les joss papers ont évolué avec la société moderne. On trouve aujourd'hui des reproductions de nourriture, moins chère que certains aliments réels comme le porc, mais aussi tous les accessoires de la vie actuelle : maison, téléphone, ordinateur, voiture, costume, climatisation? Entouré de tout le confort nécessaire, le défunt est ainsi incité à rester dans l'au-delà et à ne pas revenir hanter les vivants. Pour plus de sécurité, certaines familles se munissent de branches de saule, censées repousser les esprits qui rodent pendant la période de Ching Ming. Pour accompagner les joss papers, il est aussi commun d'offrir des fruits, des fleurs et des boissons. Le rituel terminé, les proches peuvent consommer ces offrandes pour symboliser une réunion de famille avec les ancêtres.

En dehors des jours "officiels" pour la célébration des morts, la société chinoise évite d'aborder le sujet. Il est de mauvais augure de parler de funérailles et de défunts. Les visites au cimetière sont limitées au strict nécessaire. Il n'est pas commun de s'y rendre par curiosité ou pour des recherches historiques. Certains proches refusent de toucher eux-mêmes l'urne contenant les cendres du défunt. Ils laissent cette tâche au maître de cérémonie. Les personnes travaillant dans le domaine funéraire sont d'ailleurs souvent mises à l'écart ou du moins approchées avec prudence. L'industrie peine à recruter car en plus de côtoyer quotidiennement des familles éplorées, les employés voient parfois leur propre entourage être mal à l'aise en leur présence voire prendre ses distances. Travailler en contact avec les morts est supposé apporter la mauvaise fortune et la malchance.

Un rituel funéraire nécessaire au passage dans l'au-delà

Lors du décès d'un proche, il faut pourtant que la famille s'immisce dans ce monde et s'occupe de la cérémonie. Dans le passé la grande majorité des funérailles suivaient les coutumes taoïstes. Avec le brassage qu'a connu Hong Kong ces dernières décennies, on assiste maintenant à des cérémonies venant d'autres cultes : chrétien, musulman, bouddhiste. Il faut aussi souligner que les funérailles traditionnelles peuvent grandement varier selon l'origine géographique du défunt, son âge ou les rites spécifiques pratiqués par ses proches.

Le corps est d'abord préparé par un embaumeur qui prend garde aux coutumes de chacun : veiller à fermer les yeux et la bouche du défunt, lui passer un certain nombre de couches de vêtements selon son origine géographique, respecter le maquillage prescrit par la famille. Les funérailles en elles-mêmes durent plusieurs heures. Les proches portent du blanc, accompagné de rubans et brassards de couleur selon leur degré de proximité avec le défunt : bleu pour les nièces et neveux, vert pour les petits-enfants par exemple. Comme l'au-delà est perçu comme un lieu plein d'esprits malins, il est nécessaire de procéder à une série de rituels pour faciliter le passage du défunt.

Des offrandes sont apportées à l'autel et des joss papers et de l'encens sont brulés pendant toute la cérémonie. Il convient tout d'abord "d'ouvrir un chemin" pour que l'esprit du défunt puisse communiquer avec sa famille. Les proches défilent devant le cercueil et s'inclinent un certain nombre de fois, défini par leur statut familial. Il est ensuite nécessaire "d'ouvrir les portes de l'enfer" afin de soulager l'esprit des maux apportés par chaque niveau de l'enfer. Leur nombre varie selon les coutumes et peut aller jusqu'à 18. Une fois l'office du moine terminé, la famille quitte les lieux sans regarder le portrait du défunt une dernière fois pour ne pas obstruer son passage dans l'au-delà. Elle se défait de ses vêtements de funérailles qui seront brûlés le 21ème jour après la mort.

Les proches se réunissent ensuite autour d'un repas, le plus souvent végétarien et fait des offrandes apportées. Les personnes présentes offrent des enveloppes rouges contenant de l'argent à la famille qui leur donne en retour une enveloppe blanche avec un peu d'argent, une friandise et un mouchoir. Cet argent doit être dépensé avant de rentrer chez soi. Avant de franchir le seuil de sa porte il faut passer au dessus d'un feu. De nos jours une flamme de briquet passée sous les semelles est couramment utilisée. La période de deuil s'achève par une cérémonie finale le 49ème jour après le décès.

De l'enterrement à la crémation : un changement radical des pratiques

La famille a ensuite le choix entre plusieurs types de dernière demeure. Hong Kong dispose d'une petite trentaine de cimetières privés. Mais comme pour les vivants, le manque de place a fait s'envoler le prix de l'emplacement. Une tombe permanente peut couter 280 000 HKD. Il existe également 11 cimetières publics gérés par le Food and Environmental Hygiene Department (FEHD), ouverts à différentes confessions. Mais il est très difficile d'y obtenir un emplacement. Actuellement seule une poignée peut encore accueillir des dépouilles. Pour éviter le blocage, les tombes des cimetières publics ne peuvent être occupées plus de six ans. Les proches doivent ensuite faire procéder à l'exhumation et disposer de la dépouille d'une autre manière. La plupart se tournent alors vers la crémation.

En raisin du coût d'un enterrement, une proportion croissante de la population choisit d'emblée la crémation et le dépôt des cendres dans un columbarium. De très rare, cette pratique s'est imposée au fil du temps. Elle a longtemps été considérée comme une façon irrespectueuse de "brûler son proche en enfer", à l'image des offrandes en papier. De 50% de crémations dans les années 1980, Hong Kong approche maintenant les 90%. Le FEHD opère une dizaine de crématoriums. Mais eux aussi étant surchargés, l'attribution des niches pour entreposer les cendres se fait par tirage au sort à des périodes définies par le gouvernement. Une trentaine de columbariums privés existent sur le territoire, bien que leur nombre soit sujet à discussion. Devant la forte demande, des monuments ont été construits sans forcément avoir toutes les autorisations requises. Le gouvernement a lancé fin 2010 une campagne de prévention à l'égard des familles pour leur éviter d'acheter une niche à grands frais (100.000 HKD pour certaines) qui pourrait être détruite en cas d'irrégularités.

Le retour à la nature, une nouvelle forme de funérailles

Pour réduire les listes d'attente qui peuvent atteindre cinq ans, le gouvernement s'est engagé à construire 120.000 nouvelles niches d'ici 2016 et 100.000 de plus avant 2031. Etant donné le retard déjà pris, il sera difficile d'accommoder les 47.000 défunts hongkongais annuels avec ces seuls projets. C'est pourquoi les autorités mettent en avant de nouvelles formes de dernière demeure qui s'orientent vers le retour à la nature. Les familles peuvent choisir de disperser les cendres dans l'un des huit jardins du souvenir tenus par le FEHD ou en mer. Une cérémonie est organisée gratuitement pour l'entourage qui peut ensuite faire monter une plaque commémorative ou créer une page internet sur www.memorial.gov.hk en mémoire du défunt. L'entourage poste alors des offrandes virtuelles, assorties de photos et de messages de condoléances. Reflet des contraintes de la vie moderne, ces possibilités rencontrent un intérêt croissant dans la population. Lors de Ching Ming, les familles qui y ont eu recours se recueilleront donc sur le lieu de leur choix, mais pas dans un cimetière. Même dans le monde de l'éternité, les pratiques évoluent.

Gwen Schwartz (www.lepetitjourna.com/hongkong) samedi 5 avril 2014

Crédits photos Wikimedia commons et publicholidays.org

En savoir plus:

Sité dédié du Food and Environementl Hygiene Departement :
www.fehd.gov.hk/english/cc/index.html

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Publié le 4 avril 2014, mis à jour le 28 février 2015

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