DAUPHINS ROSES - Une espèce en voie d'extinction à Hong Kong

 

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Troisième piste d'aéroport, pont Hong Kong-Macao-Zhuhai? les grands travaux décidés par le gouvernement de Hong-Kong et la Chine modifient considérablement le paysage au nord de l'île de Lantau, et impactent lourdement une faune marine déjà très fragilisée par la surpêche, le trafic maritime et la pollution. En ligne de mire, le dauphin blanc de Chine, plus communément appelé le dauphin rose, en raison de la pigmentation rose clair de sa peau. Sa survie, c'est le combat quotidien de Samuel Hung, spécialiste en biologie marine engagé depuis 20 ans auprès de cette espèce en voie de disparition.

Un nouvelle piste à 141 milliards de dollars

Ce n'est un secret pour personne, les autorités hongkongaises ont donné en mars dernier leur feu vert à l'agrandissement de Chek Lap Kok. Premier aéroport mondial pour le fret et troisième pour le trafic passager international, la plate-forme est au bord de la congestion. Selon les prévisions de l'autorité aéroportuaire, elle atteindra son seuil de saturation en 2016 ou 2017. Il est donc urgent selon les opérateurs de l'industrie aérienne d'augmenter sa capacité en construisant une troisième piste. Seul hic, le site actuel de l'aéroport ne peut accueillir le projet : 650 hectares seront donc pris sur la mer, l'équivalent de 34 Victoria parks !

Le dauphin rose de l'estuaire de la rivière des Perles

Une extension longue et coûteuse. 7 ans de travaux sont prévus à compter de 2016, a annoncé récemment Wilson Fung, le directeur exécutif du Hong Kong International Airport, pour une facture totale de 141 milliards de dollars. Mais c'est sans compter les éventuels retards, qui pourraient encore alourdir l'addition de 7,2 milliards par an. Autant dire que le projet ne doit souffrir d'aucun ralentissement... Ce montant considérable, explique Wilson Fung, inclut de nombreux changements (optimisation du Terminal 2, mise en place d'une nouvelle ligne automatique de trains, refonte du système de gestion des bagages, parkings, navettes, zone cargo?), même si la construction du troisième terminal reste le clou du chantier. Cette nouvelle piste devrait augmenter le trafic aérien de 30% à l'horizon 2023, comptabilisant 102 vols par heure, contre 68 à l'heure actuelle, soit 100 millions de voyageurs par an. 

Mais elle menace aussi de réduire comme peau de chagrin l'habitat naturel des dauphins roses au grand dam des associations environnementales. Un habitat déjà mis à mal par la construction du pont Hong Kong-Macao-Zhuhai, un projet stratégique de 42 km chiffré à 19 milliards de dollars qui, une fois achevé, reliera directement l'île de Hong Kong aux deux villes côtières de la province du Guangdong.

"La construction avant la conservation"

Président de la Hong Kong Dolphin Conservation Society, Samuel Hung affiche une mine soucieuse. Ce scientifique de 38 ans vit depuis presque vingt ans au rythme des dauphins de l'estuaire de la rivière des Perles. Observée pour la première fois dans les années 1600, cette espèce particulière qui appartient à la famille des dauphins à bosse de l'Indo-Pacifique, vit entre mer et rivière, nageant dans les eaux de Castle Peak, Tai O, Chek Lap Kok et Lung Kwu Chau. Mais le cétacé qui fut choisi en 1997 comme symbole de la rétrocession du Port parfumé à la Chine risque bientôt de grossir les rangs des espèces disparues.

Chantier du futur pont Hong Kong-Macao-Zuhai

Selon Samuel Hung, seuls 2500 dauphins vivent encore dans l'estuaire, Chine comprise. En 10 ans, 60% de la population a disparu. En 2013, la Société de protection des dauphins de Hong Kong n'en recensait plus que 62 dans les eaux du territoire contre 158 en 2003.

Le chercheur en biologie marine ne mâche pas ses mots pour dénoncer l'attitude hypocrite des autorités hongkongaises, peu pressées de protéger les dauphins: "Le gouvernement construit d'abord, et conserve ensuite. Absurde ! Il faut le faire en parallèle, voire en prévention. Car une fois ces grands travaux achevés, que va-t-il rester à protéger ?". Des solutions, son association en a pourtant proposé. "Cela fait dix ans que nous demandons la création d'un parc marin au sud-ouest de l'île de Lantau. Il va enfin voir le jour en 2016/2017, avec la fin des grands travaux. Mais, si les dauphins migrent, vont-ils vraiment revenir ?", s'interroge Hung, en balayant du regard la mer azur, à la recherche d'un cétacé. Son équipe patrouille deux fois par semaine en bateau, afin d'étudier les impacts des chantiers en cours sur l'habitat et les conditions de vie des mammifères, qui sont aujourd'hui réduits à la survie.

"Il faut se battre pour protéger la nature"

L'intensification du trafic marin, la surpêche, l'urbanisation et l'industrialisation massive des côtes du Guangdong ont en effet entrainé une baisse de la natalité et une surmortalité de l'espèce. La pollution marine et les métaux lourds qui contaminent leur sang et leurs organes affaiblissent le système immunitaire des dauphins et augmentent la mortalité infantile. Les femelles mammifères transmettent en effet directement les produits toxiques à leurs bébés pendant la gestation.

Samuel raconte la dernière naissance à laquelle il a assisté, les larmes aux yeux : "la mère n'a fait aucun mal à son petit, elle lui a juste transmis ce qu'elle a ingurgité. La voir essayer de réanimer son bébé mort-né sans comprendre est déchirant et donne raison à mon travail. Il faut se battre pour protéger la nature". L'expansion des hommes sur la mer n'empiète en effet pas seulement sur le territoire des dauphins roses, explique le scientifique, elle les prive également de nourriture et affecte leurs sens. Perturbés par la pollution sonore, "les dauphins ne parviennent plus à s'orienter, à repérer le danger ni à chasser". Affamés, ils deviennent moins sociables. Pour tenter de survivre, les individus partent désormais seuls à la recherche de nourriture, délaissant le groupe et le jeu.

Et si Samuel blâme les grands travaux qui refaçonnent le nord de l'île de Lantau, il met également en cause la société des loisirs et le consumérisme animalier qui sont aussi responsables à ses yeux du laisser-faire et de l'immobilisme. Aquariums, zoos, parcs de loisirs "on donne tout à regarder, tout le temps. Je me bats contre cette collection d'animaux sous verre. Aujourd'hui, on perd la magie de l'instant volé à la nature, de l'extase à surprendre un animal dans son habitat naturel, en étant le témoin silencieux de la vie qui s'écoule ". 

Samuel Hung et l'équipe de Hong Kong Dolphin Conservation Society

 A Tai O, petit village de pêcheurs de l'île de Lantau, quatre ou cinq compagnies proposent des "tours" d'observation des dauphins, pour 20$. "Les visiteurs sont déconnectés de la réalité : ils préfèrent penser "20$" plutôt que respect des dauphins. C'est une catastrophe", s'insurge Samuel, qui dénonce l'impréparation de ces visites et les troubles qu'elles génèrent. Les pêcheurs ignorent en effet tout du code de bonne conduite à tenir pour observer les mammifères sans leur nuire. Résultat, les bateaux ne limitent pas leur vitesse, encerclent les dauphins, causant stress et même quelquefois des blessures graves. Mais, si les jours des dauphins roses sont comptés, Samuel et son équipe gardent néanmoins l'espoir de sauver ce qui peut l'être encore. Défense du projet de parcs marins, sensibilisation des jeunes générations?, ils restent proactifs pour ne rien regretter.

Estelle Tchernychev (www.lepetitjournal.com/hong-kong) lundi 20 juillet 2015

Crédits photos Estelle Tcherbychev

Infos pratiques: Hong Kong dolphin watch Tour operator respectueux des dauphins roses Prévoir 4/5h d'excursion. Avec 97% de chance d'observer des dauphins, la compagnie s'engage toutefois à réitérer l'excursion gratuitement si aucun dauphin n'a pu être observé. http://www.hkdolphinwatch.com Lire également: AEROPORT ? Vers une troisième piste à Chek Lap Kok PONT HKZM ? Hong Kong tente de combler son retard sur Macao et Zhuhai