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DELPHINE GUARDIOLA – "J’ai atteint mon rêve de vie qui est de vivre à 100% pour l’art"

Écrit par Lepetitjournal Ho Chi Minh Ville
Publié le 7 février 2017, mis à jour le 8 février 2017

Delphine, plus connue sous le nom de Dédé, est une artiste basée à Saigon. Multi-tâche et touche à tout, elle a trouvé au Vietnam une vie qui lui colle parfaitement à la peau: explosive et passionnée. Elle nous raconte ici ce qui l'a amené au Vietnam et nous expose son point de vue sur les artistes en herbe locaux.

Lepetitjournal.com/Hochiminhville : Bonjour Delphine, présente-toi !

Delphine Guardiola : Je m'appelle Delphine mais je suis plus connue sous le nom de Dédé, et je viens d'Alsace. Depuis toute petite, j'ai toujours voulu faire du stylisme. J'ai donc fait un bac arts appliqués puis une prépa en art plastique, avant de partir à Paris et de faire du stylisme. J'ai par la suite bossé en retail et haute couture pendant 4 ans.

 

Depuis combien de temps es-tu au Vietnam ? Qu'est ce qui t'a amené ici ?

Cela fait 18 mois que je suis au Vietnam, et j'ai l'impression que ça fait beaucoup plus longtemps !

J'étais venue une première fois au Vietnam pour rejoindre un copain en vacances, et j'avais eu un coup de c?ur.

Je suis venue ensuite travailler avec des tribus qui pratiquent l'artisanat textile sur la base de volontariat et dans un esprit d'échange. J'en avais assez du milieu de la mode, et souhaitais me focaliser sur la fabrication artisanale. J'ai donc fait du volontariat textile, en commençant par le Vietnam. J'avais en tête de poursuivre en allant au Cambodge, Laos et Birmanie pendant 6 mois ; un peu comme un road trip, axé sur le textile et sur l'éthique en Asie du Sud Est, en allant à la rencontre de celles et ceux qui façonnent les patrimoines ethniques. Je n'ai jamais réussi à quitter le Vietnam? Je ne suis donc pas allée au Cambodge, Laos? !

Je suis restée à Sapa pendant 1 mois dans une famille de Dao puis Hmong - minorités ethniques - puis ai travaillé avec Sapa O'Chau, une organisation qui aide les tribus des villages alentours de Sapa en donnant une école aux enfants, des cours d'anglais?

J'ai ensuite fait 6 mois à Hanoi, me focalisant plus sur la création artistique, live painting, expositions, notamment à Hanoi Rock City. A côté, je donnais des cours d'arts plastiques et d'anglais dans un jardin d'enfant, je donnais aussi des cours de danse.

Je suis arrivée en Avril 2016 à Saigon, pour reprendre la direction du département mode dans un institut de Design. J'y enseignais la mode, organisation d'évènements, fashion show, coordination artistique, ainsi que la création de curriculum. En parallèle, je faisais pas mal de live painting, et des performances de danse.

Je suis récemment passée en freelance, pour garder un pied dans la création, et le monde actif créatif. J'ai lancé ma marque « Dédé de la lune », marque de vêtements & bijoux haut de gamme femme sur mesure, 100% fait main. Un concept de pièce unique, où jamais personne n'aura exactement la même pièce.

J'ai aussi créé un collectif d'artistes, appelé Indik'Art, qui cherche à réunir les talents cachés de Saigon. Une fois par mois, on organise en partenariat avec l'Indika un évènement autour d'un thème.
Notre 1er event était « open et auction », où les artistes exposaient et pouvaient vendre.
Notre 2ème event (qui aura lieu le 19 février) sera sur la performance art, comme un festival sur une journée entière, entre workshop de live drawing, brunch, live painting avec plusieurs artistes, des performances, concerts, circus show?
Celle du mois de mars, encore en préparation, sera sur l'audiovisuel.
Les bénéfices obtenus sont récoltés pour aider Sapa O'Chau !

Delphine à Sapa dans une famille Dao

 

Travaillant dans le domaine artistique, quelles sont pour toi les opportunités propres au Vietnam?

Ici, il y a beaucoup plus d'ouverture et d'opportunités. Je ne sais si c'est le fait d'être expat ou si il y a « plus de place », mais ici, quand tu as envie de faire quelque chose, tu le fais.

Il y a une grosse communauté artistique, et les gens répondent facilement et de manière positive aux projets qu'on propose. Depuis que j'ai lancé Indik'Art, je suis beaucoup sollicitée pour des lives paintings et autres performances. On me propose aussi beaucoup de collaborations.

C'est sans doute une tendance, mais je vois que beaucoup de lieux souhaitent développer une approche plus artistique. Cela vient peut être aussi du fait que le Vietnam s'ouvre de plus en plus à la culture.

 

Tu enseignes le stylisme et le graphisme à la jeunesse vietnamienne. Les sources d'inspiration « type » - tels que musées, expositions, monuments historiques ? ne courent pas les rues ici. Comment guides-tu tes élèves pour qu'ils soient créatifs?

Moi, personnellement, j'ai toujours puisé mon inspiration à travers les personnes qui m'entourent, l'énergie humaine qu'ils dégagent. C'est pour ça que le Vietnam est très intéressant pour moi. Il y a une énergie qui émane de la population qui est intense, tellement plus intense que ce qu'on a en France ! Une humanité, une joie de vivre et un partage hors pair.

Pour mes étudiants, je les pousse à trouver l'inspiration dans ce qui les entoure. Qu'ils se concentrent sur leur propre style de vie. Je fais aussi souvent le parallèle avec le street art & pop art, pour leur montrer que tout ne vient pas des musées, et que la mode se nourrit du design. Je leur recommande aussi des artistes pour qu'ils s'inspirent de leur chemin de création.

Le Vietnam est en ébullition permanente. Est-ce difficile de ne pas s'éparpiller, tant les opportunités sont nombreuses ?

Ça, c'est un peu mon problème (rire) !

Mais plus sérieusement, s'il y a un vrai problème, ce serait un problème financier, car la création ne rapporte pas. L'art n'est pas encore dans les centres d'intérêt, donc ce n'est dans l'immédiat, pas encore rentable.

Au-delà de ça, je peux toucher à tout ! Ce qui est bien dans ma situation, c'est que j'ai un fond de revenu qui me permet de vivre, et tout mon temps est investi dans l'art et la création. J'ai donc atteint mon rêve de vie, qui est de vivre à 100% pour l'art.

 

Quelle évolution artistique prévois-tu pour le Vietnam de demain ?

J'ai l'espoir que de par l'ouverture du Vietnam sur le monde, les designers arrivent à une ouverture d'esprit, d'affirmer leur identité vietnamienne sur un plan créatif.

L'identité vietnamienne est très forte, mais on ne la retrouve pas encore dans l'art ou le design. J'espère que les futurs designers se rendront compte de cette force-là, et l'utiliseront pour pouvoir créer leur propre identité. Il faut qu'ils s'affirment. Ils s'affirment déjà en tant que techniciens, il faut maintenant qu'ils affirment haut et fort leur potentiel artistique !

A ton avis, que devront travailler en priorité les créateurs Vietnamiens de demain pour y arriver ?

Ils doivent évoluer sur leur communication, et être capables de parler au Vietnamien lambda. Tout le monde fantasme sur les Etats-Unis, donc les créateurs font beaucoup de copie. Il faudrait qu'ils anticipent la réaction des gens et communiquent sur leur vision. Etre créatif et affirmer son identité.

Il faut s'assurer que les personnes à qui on s'adresse comprennent bien notre langage, et ça les designers vietnamiens ont encore du travail à faire. La jeunesse vietnamienne est très dynamique et comprend très vite. Il faut qu'ils comprennent que le futur est entre leurs mains et non dans celui des anciens...

 

 


Propos recueillis par Nathalie Mulot (lepetitjournal.com/Hochiminhville) 8 Février 2017

Lepetitjournal Ho Chi Minh Ville
Publié le 7 février 2017, mis à jour le 8 février 2017