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AGENT ORANGE – Quatre décennies plus tard, enfin le temps des responsabilités ?

Écrit par Lepetitjournal Ho Chi Minh Ville
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 janvier 2018

Alors que Nguyên Phu Trong, secrétaire général du Parti communiste du Vietnam, avait déclaré en juillet que les relations entre le Vietnam et les Etats Unis avaient fait un « grand bond en avant », ces derniers n'ont toujours pas officiellement reconnu les conséquences dramatiques des épandages d'agent orange pendant la guerre. Une Viet Kieu de 73 ans pourrait faire évoluer les choses?

C'est le 10 août 1961 que l'armée américaine a pour la première fois utilisé l'agent orange au Vietnam, dans la province de Kontum. C'était le début de l'opération Ranch Hand dont l'un des objectifs était d'affaiblir les rebelles vietnamiens en rasant leurs champs et ainsi en les affamant.

En 10 ans, après plus de 6500 épandages et 75 millions de litres pulvérisés, 10 millions d'hectares de terres agricoles avaient été détruits et 12% des territoires du Sud Vietnam avaient été contaminés.

A certains endroits, le taux de concentration en TCDD (une dioxine réputée pour être la molécule la plus toxique jamais créée par l'homme) était plusieurs centaines de fois supérieur au taux recommandé par l'Agence de Protection de l'Environnement aux Etats Unis.

Dès 1966, les Nations Unies avaient déclaré que les Etats Unis violaient le Protocole de Genève de 1925 réglementant l'utilisation des armes biologiques et chimiques. Les Etats Unis avaient riposté à cette époque en affirmant que l'agent orange n'était qu'un désherbant utilisé pour détruire les cultures et plantations qui nourrissaient les guérilleros et non pas une arme destinée à tuer des êtres humains?

En parallèle, dès 1965, Arthur Galston, botaniste américain et à l'origine malgré lui de l'agent orange, commença à faire du lobbying auprès de la communauté scientifique et du gouvernement américain afin que l'utilisation de ce défoliant soit stoppé craignant les effets qu'il pourrait avoir sur les êtres humains et sur l'environnement. Mais ce n'est qu'en 1971, suite à la publication de ses conclusions sur l'impact de l'agent orange sur des rats de laboratoire que le Président Richard Nixon se décida à finalement bannir l'utilisation de cette substance.

Sauf qu'entre temps le mal était fait? L'usage intensif de substance hautement toxique avait entraîné de graves problèmes environnementaux et de terribles pénuries qui ont affamé des centaines de milliers de civils vietnamiens dans les années 60. Et elle a aussi provoqué de nombreuses maladies incurables qui continuent d'affecter les nouvelles générations?

Selon le gouvernement vietnamien, 4 millions de citoyens auraient été exposés à l'agent orange et 3 millions souffriraient encore de pathologies qui en résultent (maladies de peau, cancers, ?).

Depuis la fin de la guerre, plus de 500 000 enfants seraient nés avec des malformations génétiques?

Et encore aujourd'hui, certains entrepôts qui avaient servi à stocker l'argent orange pendant la guerre seraient toujours contaminés (le taux de dioxine dans la base aérienne de Danang par exemple serait encore 350 fois supérieur aux recommandations internationales).

La terre et les sédiments souillés continuent d'affecter la chaine alimentaire et le quotidien des Vietnamiens.

Le gouvernement américain dément quant à lui toujours le nombre de victimes. En effet, alors qu'il reconnait implicitement les conséquences de l'agent orange puisque plusieurs milliers de ses vétérans sont financièrement dédommagés pour des maladies qui y sont liées, il n'en a toujours pas officiellement reconnu les conséquences sur la population vietnamienne et aucune victime n'a jamais été indemnisée au Vietnam.

Un premier pas va cependant peut-être bientôt être fait, non pas au Vietnam ni aux Etats Unis, mais en France. Mme Trân Tô Nga, une Française d'origine vietnamienne victime de l'agent orange, a en effet intenté un procès contre vingt six entreprises américaines qui seraient impliquées dans la production ou l'approvisionnement de cette dioxine pendant la guerre. Parmi lesquelles on retrouve notamment Monsanto. Deux avocats français du cabinet William Bourdon & Forestier la défendent dans ce procès sans précédent et, même s'il ne permettra pas d'indemniser les victimes vietnamiennes puisqu'il ne concerne que cette Viet Kieu de 73 ans, ce procès pourrait redonner espoir à ces milliers de victimes et il est suivi avec beaucoup d'attention ici au Vietnam.

Une marche en soutien à Mme Trân Tô Nga et organisée par l'AVAO (Association des Victimes de l'Agent Orange, qui fête ses 10 ans cette année) a même réuni plus de 8 000 personnes à Ho Chi Minh Ville.

Cette marche a eu lieu en amont du 10 Août, Journée de l'Agent Orange, et au moment du lancement de la campagne Orange Pain 2015, qui a pour objectif de lever des fonds pour les victimes. Pour participer, il suffit d'envoyer DACAM par SMS au 1409 avant le 30 septembre. 18 000 VND par SMS seront reversés à l'AVAO (0,75 euro). 500 000 euros ont ainsi été collectés depuis la première campagne en 2011 et ont permis d'améliorer le quotidien des familles de victimes.

 

Marielle Capelle (lepetitjournal.com/Hochiminhville) 24 Août 2015

Lepetitjournal Ho Chi Minh Ville
Publié le 23 août 2015, mis à jour le 6 janvier 2018

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