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Beate Uhse, entre héroïsme et érotisme

Beate UhseBeate Uhse
© Capture d'écran YouTube
Écrit par Juliana Bitton
Publié le 1 décembre 2020

Avant tout célèbre pour ses sex-shops, Beate Rotermund-Uhse, née Köstlin en 1919 à Wargenau au bord de la mer Baltique, était également une grande aviatrice et cascadeuse, elle a sauvé sa famille en pleine guerre. 

Pionnière de la révolution sexuelle en Allemagne mais aussi dans le monde entier, le courage de Beate a permis à cette femme avant-gardiste de prendre son destin en main. D’abord aviatrice à 17 ans puis à la tête d’un énorme business, Beate Uhse n’est pas seulement une femme d’affaires extraordinaire, c’est aussi un modèle ayant permis à de nombreuses personnes d’avoir une vie sexuelle épanouie. Celle qui s'est éteinte le  à Saint-Gall, Suisse aurait aujourd'hui près de 100 ans. Voici son portrait.

 

Un rêve d’enfant devenant réalité

En 1927, Beate a huit ans lorsque son frère lui raconte la légende d’Icare, ce personnage de la mythologie grecque possédant des ailes. Depuis ce jour, Beate rêve de voler dans le ciel et de devenir pilote. Bien qu’à l’époque l’idée d’une femme pilote pouvait être surprenante et que ses parents n’aient pas tout de suite accepté qu’elle suive cette voie, Beate est parvenue à ses fins. A 17 ans, elle découvre l’incroyable sensation de voler à l’école de pilotage de Rangsdorf près de Berlin. Le 25 octobre 1937, jour de son anniversaire, elle obtient son brevet d’aviation et réalise son rêve.

Ne souhaitant laisser un homme l’empêcher de devenir pilote, elle n’a jamais voulu épouser l’homme qu’elle aime, son instructeur Hans-Jürgen Uhse. Mais à la vieille de la 2e Guerre mondiale, ils se marient selon la procédure d’urgence appelée « Kriegstrauung » (« mariage de guerre » en français).

 

Beate Uhse aviation
© Pixabay

 


Etant reconnue à travers le pays comme une excellente aviatrice, Beate Uhse travaille durement pendant la guerre malgré la naissance de son enfant qui est confié à une nourrice peu de temps après la mort de son mari sur le front. Elle assure de nombreux convois et aide les unités combattantes. Elle frôle la mort à plusieurs reprises, mais son talent la sauve à chaque fois. Mais en avril 1945, la ville de Berlin est encerclée par les troupes soviétiques et Beate doit être évacuée. Elle refuse cependant d’abandonner son fils et la nourrice. Elle se retrouve donc à remettre en état de vol un avion qu’elle n’a jamais piloté auparavant et décolle direction l’ouest accompagnée de son fils, la nourrice, deux blessés qu’on lui a confiés ainsi que le mécanicien de bord. Une fois qu’elle atterrit, elle est faite prisonnière par les troupes anglaises et une fois libérée elle s’installe à Flensbourg avec son fils. La capitulation allemande marquera la fin de sa carrière de pilote.

 

Un parcours de combattante qui finit par payer

Mais Beate ne baisse pas les bras. Sa carrière dans le commerce débute dans la difficulté et la nécessité. Beate doit élever seule son enfant et subvenir à leurs besoins à tous deux. Participant au marché noir du Danemark, elle découvre le quotidien des femmes ayant subi la guerre. La sexualité est difficile à gérer durant cette période car l’argent et l’espoir d’un bel avenir manquent terriblement aux couples. Les femmes sont dans une situation très précaire car la guerre a provoqué famine et destruction. Les « Trümmerfrauen » (« femmes des ruines » en français) se font souvent avorter et vivent dans des conditions déplorables.

 

Beate Uhse
© Capture d'écran YouTube

 


Beate, dont la mère médecin lui a apporté une bonne éducation sexuelle, décide alors de se renseigner sur la méthode du docteur Ogino, qui explique comment fonctionne le cycle menstruel. Elle réalise des brochures informatives sur la contraception et la sexualité et en vend des milliers d’exemplaires. Le projet fonctionnant bien, elle décide de vendre des brochures y compris à Hambourg et Brême. Des milliers d’Allemands lui demandent des conseils sur la sexualité, la contraception et l’érotisme. Plus tard, elle commercialisera également des préservatifs ainsi que des livres s’adressant aux couples. Son succès dans le monde de la sexualité est incontestable.

 

La fondation d’un empire autour des sex-shops

En 1951, Beate ouvre une entreprise à son nom où travaillent quatre employés. Ils sont ensuite au nombre de 14 deux ans plus tard. En 1962, après s’être remariée et avoir eu un deuxième enfant, elle ouvre à Flensbourg le tout premier sex-shop du monde. Les articles sont destinés à « l’hygiène du couple » et le magasin provoque de nombreuses critiques car il porterait atteinte « aux bonnes mœurs ». Beate subit des répercussions l’excluant parfois de certains lieux publics. Mais le succès commercial de l’entreprise est indéniable et la popularité de Beate ne fait que grimper. Quelques années plus tard, Beate achète son premier avion, un Cessna 172 et réalise grâce à cet achat son plus grand rêve.

Après avoir divorcé de son 2e mari puis vaincu un cancer de l’estomac, Beate réalise de grandes choses pour son âge comme passer un brevet de plongée sous-marine à 75 ans ! En 1996, Beate Uhse ouvre un musée de l’art érotique qui porte son nom : le Beate-Uhse-Erotikmuseum. Situé au centre-ville de Berlin dans le quartier de Charlottenburg, il s’étale sur trois étages et le premier étage est consacré au sex-shop. Mais, le musée a été fermé en 2014 puis rasé pour laisser place à de nouveaux bâtiments.

 

Beate Uhse sex-shop
GeorgHH, Public domain, © Wikimedia Commons

 


D’abord décorée en 1989 de la croix de chevalier de l'ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne, Beate Uhse est ensuite nommée citoyenne d’honneur de la ville de Flensbourg en 1999. La même année, le groupe Beate Uhse entre en Bourse et le succès de Beate dans le business du sexe est à son apogée. Malheureusement, Beate meurt deux ans plus tard à l'âge de 81 ans à la suite d’une sévère pneumonie et avec elle, c’est tout un empire qui disparaît peu à peu.

 

Le groupe Beate Uhse, un groupe éternel ?

Le groupe Beate Uhse a connu des hauts et des bas. En grandes difficultés pendant des années après la mort de sa fondatrice, il dépose finalement le bilan en 2017. L’accès gratuit via internet à la pornographie a causé de fortes baisses de fréquentation dans les sex-shops et les magasins du groupe Beate Uhse en ont subi les frais. L’année suivante, le groupe se transforme et prend un nouveau nom et se dote d'un nouveau partenaire. L’entreprise devient « Be You GmbH » et comprend le commerce de détail et en ligne, les marques Beate Uhse, Adam & Eve en France et la filiale Pabo aux Pays-Bas.

Cependant, ce sera un nouvel échec pour l’entreprise érotique qui a de nouveau déposé le bilan. Finalement c’est le groupe néerlandais Erotic Distribution Company qui a racheté la marque Beate Uhse. Quasiment tous les sex-shops ont depuis été fermés. Cependant, des ventes sont réalisées à travers le site internet et avec le confinement, la vie sexuelle et l’érotisme sont en augmentation en Allemagne, ce qui devrait accélérer les ventes. L’héritage de Beate Uhse semble donc entre de bonnes mains !

 

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