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Différences culturelles entre Français et Allemands, une force ?

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© Airbus SAS 2013. All rights reserved
Écrit par Valérie Keyser
Publié le 4 août 2014, mis à jour le 16 octobre 2019

Marwan Lahoud, Directeur Général Délégué à la Stratégie et à l'International d'Airbus Group, est venu présenter à Francfort le géant mondial de l'aéronautique et son approche du management interculturel franco-allemand.


Organisée à l'initiative de Christophe Braouet, président de la Société franco-allemande de Francfort, la conférence de Marwan Lahoud a fait se déplacer à la Villa Bonn du très chic quartier de Westend de la capitale de la finance, de très nombreux Allemands et Français le 22 juillet dernier, pourtant sur les starting-blocks des départs en vacances. Couples mixtes, salariés d'entreprises internationales, membres d'associations ou de clubs franco-allemands de la région de la Hesse, tous ont probablement été confrontés à un moment donné au phénomène à la fois passionnant et déroutant des incompréhensions voire des conflits liés aux différences culturelles. Cela valait donc bien la peine d'aller honorer pour l'occasion l'aller-retour Toulouse-Francfort de Marwan Lahoud ! Airbus, organisation multinationale forte de son expérience du brassage des cultures constitue en effet le laboratoire idéal d'étude comportementale dans ce bouillon de salariés d'origines diverses - principalement entre Français et Allemands - et peut se féliciter d'avoir gagné son pari de faire des différences culturelles un véritable atout.
 

Marwan Lahoud présente Airbus

Christophe Braouet et Marwan Lahoud, photo Valérie Keyser, lepetitjournal.com/francfort


Airbus, en quelques chiffres

Marwan Lahoud, Français né au Liban, polytechnicien et ingénieur de l'armement, indique avoir rejoint le secteur de l'aérospatiale en 1998. « J'étais loin de me douter que 16 ans plus tard, je viendrais parler à Francfort du succès du groupe Airbus porté par deux nations, la France et l'Allemagne », annoncera-t-il en guise d'introduction. Non sans humour et se qualifiant lui-même de « vendeur d'avions » avant tout, il avouera même caresser l'espoir de repartir à Toulouse avec quelques commandes en poche à l'issue de la conférence, avant de présenter le groupe emblématique.


Un peu d'histoire

Alors qu'à la fin de la 2e Guerre Mondiale, l'industrie aéronautique allemande a été très limitée et l'aviation militaire totalement interdite, Airbus mène en 1960, une coopération de part et d'autre du Rhin dans le domaine de l'aviation commerciale afin de faire face au géant américain. C'est en 1963 que le coup d'envoi d'une coopération intense entre la France et l'Allemagne va être lancé avec la signature du Traité de l'Elysée par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer. Cette coopération va concerner de nombreux domaines comme la jeunesse et l'éducation mais aussi le cadre de la politique de défense et de réarmement. Il fallait définir des stratégies communes et une politique d'échanges de personnel militaire entre les deux pays. C'est en 2000 avec la création d'EADS qu'une nouvelle étape va être franchie. En 14 ans, les effectifs vont être doublés, le chiffre d'affaires va augmenter de plus de 80 % et le  le carnet de commandes va quadrupler.  De plus, 30 milliards d'euros ont été investis dans la recherche et le développement.


Le groupe Airbus regroupe trois grands secteurs

Le groupe Airbus - anciennement EADS - dont le chiffre d'affaires s'élève à 59,25 milliards d'euros et possède un carnet de commandes de 686,73 milliards d'euros, se décompose en trois grands domaines d'activités : les avions civils de plus de 100 sièges, les hélicoptères civils, militaires et le domaine  spatial, de la défense et des solutions de sécurité. En Allemagne, comme en France, Airbus Group est le fournisseur numéro un pour la Défense. Le groupe emploie 144.000 salariés dont 100.000 sont répartis entre la France et l'Allemagne. Parmi les 44.000 salariés restants, 18.000 travaillent au Royaume-Uni, 15.000 en Espagne et les quelques  milliers sont dispatchés dans le reste du monde. 90 % des effectifs sont ainsi basés en Europe de l'Ouest.


Un fabricant et exportateur d'objets volants

La « devise » de l'entreprise « We make it fly », « Nous faisons voler des objets », annonce tout de suite la couleur : pour des raisons de praticité, la langue commune aux salariés du groupe Airbus reste avant tout l'anglais. La plus grande partie du portefeuille est en croissance, 78 % de celui-ci étant consacrés au civil. « Airbus est avant tout manufacturier d'objets volants et un gros exportateur puisque 78 % du carnet de commande sont réalisés à l'extérieur de l'Europe tandis que 22 % proviennent d'Europe, ce qui représente 2/3 du chiffre d'affaires hors Europe » précisera Marwan Lahoud. Cependant même avec un succès commercial et une brillante percée sur le marché asiatique avec plus de 6000 commandes d'avions civils, Airbus doit faire face à des contraintes financières importantes qui l'amènent à relocaliser sa production, à transférer les coûts de recherche et développement vers la sous-traitance avec l'objectif de se consacrer à son cœur de métier et à supprimer des postes aussi bien en France qu'en Allemagne. Devant cet état un peu alarmant, Marwan Lahoud ajoutera avec optimisme « Alors que nous supprimons des postes dans Airbus Espace et Défense, nous sommes aussi créateurs d'emplois dans Airbus et Airbus hélicoptères. Le nombre de postes créés s'élève ainsi à 2000 par an ».


Scènes de ménage et dialogue de sourds entre Français et Allemands

Chez Airbus, Français et Allemands sont ainsi amenés à travailler ensemble au quotidien. Géographiquement voisins, partenaires économiques essentiels au sein de l'Europe, la France et l'Allemagne présentent cependant de fortes différences culturelles, qui se traduisent par un style de communication et de direction qui leur est propre en entreprise. Aussi, si les valeurs fondamentales des Allemands reposent entre autres sur l'argent, le profit ou la sécurité, de nombreux Français trouvent leur satisfaction dans le pouvoir, l'originalité et le défi. Il existe également de nombreux homophones présents à la fois dans la langue allemande que française qui sont en réalité de véritables faux-amis plongeant subitement les partenaires Français et Allemands dans la plus totale incompréhension.

Par exemple pour un Allemand le mot « improvisation » laisse imaginer que la personne qui en fait preuve n'est pas très sérieuse et se rapproche plutôt de la notion de dilettantisme tandis que pour un Français celui-ci plutôt positif décrit sa capacité à gérer l'imprévu. Le mot catastrophe est perçu par un Allemand comme quelque chose de très grave alors qu'un Français pourra utiliser ce mot à toutes les sauces... le café renversé sur le pantalon ou le bus qui n'est pas à l'heure sont aussi pour lui des catastrophes. Ou encore dans la phrase « Il faudrait peut-être s'occuper de ce dossier », l'Allemand habitué à une communication directe ne percevra pas le caractère d'urgence de la demande et songera dans un premier temps à identifier la personne qui sera en charge du dossier. Le Français au contraire utilisant le conditionnel et les phrases alambiquées sans modération, comprendra derrière ce message en apparence ampli de bienséance qu'il s'agit de « s'y mettre tout de suite ! ».
Comment fonctionner ensemble et obtenir des résultats positifs lorsque les valeurs et perceptions d'individus amenés à travailler sur des projets communs diffèrent à ce point ? Pourtant selon Marwan Lahoud, c'est l'addition de toutes ces différences qui fait le secret de la réussite de toutes les organisations humaines.


Pour une coopération franco-allemande réussie

Une coopération peut prendre beaucoup de temps. Pour qu'elle réussisse, il s'avère fondamental de prendre des cours de langue, mais aussi de civilisation pour mieux appréhender la culture du partenaire, de bien connaître également les systèmes éducatifs respectifs qui permettront de mieux comprendre le fonctionnement des individus dans le monde du travail. Il est impératif de trouver une définition commune de mots, et non pas gommer les différences mais les additionner et jouer la carte de la complémentarité des cultures pour qu'elles deviennent une véritable force de la coopération franco-allemande. Un des échecs dans un 1er temps lié à l'A380 a été de laisser les outils diverger entre le site de Toulouse-Blagnac et Hambourg. Il est donc nécessaire de déplacer les salariés mais aussi d'utiliser des outils communs, avoir des Ressources Humaines communes, un service informatique commun, les mêmes outils financiers et des processus identiques.

« Tout comme les voyages forment la jeunesse, la mobilité géographique forme les salariés » conclura Marwan Lahoud avant de s'envoler au pays du pastel et de la violette.

 

Valérie Keyser
Publié le 4 août 2014, mis à jour le 16 octobre 2019

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