Chaque année, le Digital News Report rend compte de notre rapport aux médias et à l’information. Comment et où s’informe-t-on en 2023 ? Focus sur les grandes tendances allemandes en quelques chiffres.


Recensant plus de 93 000 réponses, un questionnaire créé par l’entreprise YouGov pour le Reuters Institute est à l’origine de ce rapport paru en juin 2023. Distribué dans près d’une cinquantaine de pays, il nous permet d’en savoir plus sur les liens qu'entretiennent journalistes et population.
Après une année riche en scandales médiatiques où corruption, conflit et manifestation font les gros titres, les chercheurs de l’université d’Oxford et les collaborateurs du Reuters Institute identifient plusieurs thèmes clés dans leur rapport.
Pour interpréter les mutations de la sphère médiatique et du comportement des individus vis-à-vis de l’informations, ils s’appuient sur la participation financière ou interactive aux informations, sur la prise d’envergure des algorithmes et le choix des supports médiatiques, sur les critiques adressées aux médias, sur l’apport du service public à l’information ou encore sur la capacité à payer un ou des abonnements pour y avoir accès.
Je crois ce que je vois
Premier domaine dans lequel les Allemands se différencient de leurs voisins français : la confiance dans les médias. Avec les débats sur la liberté de la presse et la possession des médias, on peut parler de réelle défiance dans l'hexagone. En France, 55% des Français disent entendre régulièrement des critiques à l’égard des médias. L’Allemagne affiche quant à elle l’un des taux les plus faibles d’Europe : 34%. Cela se reflète également dans la confiance accordée aux médias. En Allemagne, 43% de la population croit la plupart du temps aux informations qu’elle voit. En France, ce chiffre ne dépasse pas 30%.

Plutôt que de se fier au cliché “les Français sont râleurs” vs. “les Allemands sont disciplinés”, cet écart s’explique par une critique moins présente de la sphère publique envers les médias en Allemagne. En effet, la dégradation des rapports entre journalistes et personnalités politiques déteint rapidement sur la relation de la population aux médias.
Le tournant du numérique
Dans leur consommation de l’information, les Allemands donnent du fil à retordre à leurs grands médias traditionnels. Internet vient définitivement doubler la télévision en termes d’audience, obligeant Bild, Süddeutsche Zeitung ou encore Der Spiegel à changer de cap.
Face au recul des ventes de quotidiens imprimés, les journaux allemands enregistrent une baisse de 9,16% d’exemplaires parus chaque jour entre la fin 2022 et le début de l’année 2023. Sascha Hölig est chercheur spécialisé dans les médias à l'Institut Hans-Bredow depuis 2013. Dans sa synthèse du Digital News Report centrée sur l’Allemagne, il identifie un point positif qui vient rééquilibrer la balance : les abonnements numériques payants ont eux augmenté, signifiant que les Allemands sont toujours prêts à payer pour l’information.
Pour autant, cette augmentation ne suffit pas à combler le manque à gagner créé par le déclin de la presse papier. Ces mutations entraînent de profonds remaniements au sein des entreprises qui risquent d’amener à de nombreuses suppressions de poste.

Le service public toujours en tête
Comment évoquer la relation entre les médias et la population allemande sans mentionner le scandale de la Rundfunk Berlin Brandenburg (RBB) ? Survenu à la fin de l’année 2022, cette affaire amena à la condamnation de la directrice et du président de cette antenne de l’ARD, le service public radio et TV allemand, pour une gestion déplacée des contrats et des avantages que comprennent les services publics de radiodiffusion.
Pour autant, l’Allemagne garde confiance dans son service public. 44% des sondés consultant au moins une fois par semaine les nouvelles de l’ARD : c’est plus que n’importe quel autre média allemand.
Ce chiffre doit cependant être nuancé : lorsqu’on le compare aux années précédentes, il est en baisse, suivant un mouvement de désintérêt pour l’information. Face au caractère lourd et sérieux des sujets à la une tels que la guerre en Ukraine, la politique ou le Covid, une partie importante des consommateurs d’information cherchent à esquiver ce matraquage.
Vers une information positive via les réseaux sociaux ?
L’Allemagne fait aussi partie des pays touchés. Pour illustrer cette tendance générale à l’échelle mondiale, 36% des sondés cherchent “souvent” à éviter l’information. Parmi eux. 53% zappent vers une autre chaîne lorsqu’on leur propose des informations à l'écran.
Le rapport mentionne un court extrait d’une réponse d’un homme de 55 ans, originaire d’Allemagne : “En général, je souhaite un ton plus léger. C'est bon pour mon esprit et cela me rend moins anxieux.”
La relation entre le public et le journalisme plie mais ne rompt pas. Face au souhait d’une information plus tournée vers les solutions que vers les problèmes, les médias doivent opérer une adaptation rapide. L’évolution des supports médiatiques pose elle aussi un grand défi aux journaux et radios allemands qui devront tenir compte de l’utilisation croissante des réseaux sociaux comme source principale d’information par des jeunes citoyens.
Pour en savoir plus : à l’échelle internationale, le court résumé vidéo de l’Institut Reuters offre une bonne vision d’ensemble des thèmes de l’année :
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