Récit - Pratiquez-vous le MEITHEAL ?

Catherine Gagneux est Consule Honoraire à Galway. Elle a ainsi une connection privilégiée avec la communauté francaise installée dans l’ouest de l'île d'Émeraude. Elle nous livre ici le récit d’une belle histoire qui traduit parfaitement la notion de solidarité en Irlande !
Il y a peine deux mois, un famille française, Mélanie, Jeremy et leur fils Finn vivaient, pensaient-ils paisiblement, dans la maison de leur rêve, un vieux cottage en toit de chaume qui venait d’être changé, entourés de leurs poules et du fournil à pain. Ils acquirent cette maison située à dans la petite ville de Glenamaddy dans le comté de Galway il y a près de 14 ans et se sont depuis parfaitement intégrés au rythme de la communauté. Comme tout bon voisin, ils donnent des coups de main, rendent visite à leur voisine âgée, participent aux évènements, encouragent l’équipe locale… Puis un soir, cette petite vie tranquille va tourner au cauchemar lorsque leur Cottage fut détruit par le feu.
Cette maison était un peu plus que leur foyer: elle abritait près de 300 ans de souvenirs de familles diverses et un vieux fer d’âne qui était incrusté dans un des murs et qu’ils retrouvèrent dans les débris.
Au fil du temps elle servait même de référence à la petite route communale comme étant ‘ The Old cottage road’ et beaucoup des habitants y associaient des souvenirs de leur enfance. Et puis, depuis quelques années, Jeremy y avait installé son fourneau à pain ce qui avait grandement participé à son intégration auprès de ses voisins et avec sa famille, la réputation de Jeremy s’associant à celle de son pain dans tout le comté de Galway : généreux, honnête, sans prétention et avec beaucoup d’authenticité !
En apprenant la triste nouvelle, j’ai aussitôt appelé Jeremy pour savoir de quoi il avait besoin, etc…et il me répondit sur un ton très jovial: ‘ Tout va super bien, nous n’avons besoin de rien !’ De quoi me laisser dubitative…Mais il commença à me décrire les élans de solidarité qu’ils recevaient
de leurs voisins et de la commune. Je me décidai donc à lui rendre visite afin de lui apporter de quoi nourrir (et rafraichir !) ces bénévoles.
Depuis l’incendie, non seulement une chaine humaine extraordinaire venait de se mettre en place : nettoyage des débris, cagnottes, hébergement, dons, etc…mais ces voisins commençaient déjà à rassembler main d’œuvre et matériaux nécessaires pour reconstruire la maison ! Une espèce d’orchestre d’entraide venait de se mettre en place au-delà de Glenamaddy, jouant à l’unisson sous la baguette exceptionnelle du TD Michael Fitzmaurice qui se fit un point d’honneur de rebâtir cette maison en moins d’un mois.
Chaque jour passant, Jeremy m’envoyait des mises à jours accompagnées d’emojis de solidarité et qui pour moi se caractérisent en 4 photos. Ma première photo préférée est celle de la dalle de béton avec le premier parpaing…quel symbole !
Je comprenais un peu mieux que Jeremy et sa famille faisaient l’expérience d’une aide bien plus importante que le côté financier et matériel : une solidarité qui est naturelle, innée en Irlande, qui rassemble, qui donne de l’élan, qui donne de l’espoir et surtout qui montre l’efficacité d’une entre-aide franche, honnête et bien organisée.
Des amis, des voisins de tous les âges (de 20 à 70 ans) et de différentes nationalités se sont réunis d’un commun accord et ont permis de reconstruire un foyer. Mais pour Jeremy, ils ont érigé un palais !
Ma deuxième photo favorite est celle de la parade de la St Patrick ; une fois de plus la communauté de Glenamaddy a voulu marquer sa détermination pour aider cette famille française en la faisant participer au défilé sous les applaudissements et encouragements de la population. On y voit que du bonheur et de la fierté.
Alors oui, quand Jeremy et Mélanie me disent que tout va bien, je les crois bien volontiers car ils sont portés par une vague de générosité qui leur a redonner espoir dans l’humanité et ce dont chacun d’entre nous sommes capables de faire. La seule chose dont ils avaient encore besoin c'était de partager leur histoire pour qu’elle puisse inspirer le maximum de personnes à s’ouvrir auprès des autres, quel que soit le geste, qu’il soit honnête et sans attente de retour, il sera d’autant plus grand.
Anatole France affirmait que ‘Ce que l'on aime dans la bonté, ce n’est pas le prix qu’elle coûte, c’est le bien qu’elle fait’. En Irlande, en Gaélique, il y a juste un seul mot, le ‘MEITHEAL’ pour lequel il n’existe pas de traduction exacte en français mais qui se décrit par ces gestes, par cette belle histoire, non pas de bonté irlandaise, mais de bon sens, de bonté humaine trop souvent oubliée.

Catherine Gagneux