Le 24 février dernier marquait les trois ans de la guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie. Depuis 2022, la République d'Irlande a accueilli près de 100 000 réfugiés ukrainiens. Plusieurs organismes ont vu le jour pour les aider à chaque étape de leur intégration (logements, travail, écoles…). Récit du parcours d'Olha Chekmaieva, membre de l'Ukrainian Action in Ireland à Dublin.


En arrivant dans les locaux de l'Ukrainian Action in Ireland au sein du quartier arboré de Rathmines, l'hospitalité est de mise. Sur une table, un grand panneau indique les différentes activités par groupe d'âges, proposées aux enfants et aux adultes, qui viennent chercher du répit dans ce centre, alors que la guerre fait toujours rage dans leur pays. Leçons de piano, cours de yoga ou de danse contemporaine, tout le monde peut exprimer ses talents et se changer peu ou prou les idées. « Du temps extra-scolaire est proposé aux enfants avec la pratique de la gymnastique ou des échecs », explique Olha Chekmaieva, en charge de la communication. L'inscription dans les écoles a été assez simple : « les directions d'établissements nous ont dit que le port de l'uniforme n'était pas une nécessité. Les élèves se sont senti les bienvenus. »
un ami m'a appelé en panique en me disant qu'il voyait des tanks russes s'approchant de son village
Olha Chekmaieva est arrivée en Irlande, en avril 2022, après un long périple. « Je suis venue seule ». Originaire d'Odessa, elle se remémore le début des hostilités : « un ami m'a appelé en panique en me disant qu'il voyait des tanks russes s'approchant de son village ». « Je ne trouvais plus le sommeil. De plus, nous étions soumis aux nombreuses coupures d'électricité ».
Olha prend alors la difficile décision de partir. « J'ai pris un sac et je me suis rendue à la frontière moldave. Mais dans cette situation, vous ne savez pas vraiment quoi faire ».
À l'époque, la crise du Covid-19 était toujours présente et « lors de mon arrivée en Roumanie, des centres Covid étaient utilisés pour nous recueillir », poursuit-elle.
La peur et l'incertitude se sont mêlées aux images d'horreur venues de Boutcha.
« En Roumanie, il y avait des vols directs pour Dublin ». Confrontée à une nouvelle réalité et maîtrisant parfaitement l'anglais, elle s'envole. Après l'atterrissage, « j'étais traumatisée. Nous ne savions pas ce qui allait se passer ». « Nous sommes venus ici pour être en sécurité ».
La crise du logement et ses complexités
Un premier obstacle se fait ressentir : celui d'obtenir un logement dans la capitale. En proie à une crise dans ce domaine, la République d'Irlande offrait au départ des places dans des hôtels, et même des monastères, aux réfugiés ukrainiens. « J'étais alors dans un gymnase », raconte Olha Chekmaieva.
Depuis 2023, un système de logements temporaires (comité d'aide au développement, CAD) a été mis en place, mais entrer dans le marché locatif traditionnel s'avère compliqué.
De son côté, la population irlandaise s'est mobilisée en proposant des habitations, rapporte Emma Lane-Spollen, coordinatrice nationale à l'Ukraine Civil Emergency Response. Les propriétaires se voient accorder un paiement hors-taxes de 800 euros par mois pour chaque propriété utilisée dans le cadre de l'accueil, via le Programme de Reconnaissance d'Hébergement (ARP). Cependant, une coupe de 200 euros par le gouvernement est évoquée.

« Pour les enfants, notamment, il est très difficile d'être relogé tous les mois », indique Emma Lane-Spollen. Quant à Olha Chekmaieva, elle insiste sur le fait que « la solidarité est primordiale ».
J'aime mon pays et je veux avoir le choix entre rentrer ou rester en Irlande
Un avenir incertain
Les Ukrainiens installés en Irlande ont gardé un fort contact avec leurs familles et amis restés dans leur pays. « Aujourd'hui, nous n'avons pas de solution pour retourner en Ukraine », déplore Olha Chekmaieva. « Nous l'avons quittée par force ». « J'ai peur de voir ma maison détruite ».
« Je connais une enfant qui est arrivée ici à l'âge de trois ans et demi, aujourd'hui, elle a sept ans et a passé plus de la moitié de sa vie hors d'Ukraine ».
Depuis le retour de Donal Trump au pouvoir, « tous mes espoirs sont brisés ».
« J'aime mon pays et je veux avoir le choix entre rentrer ou rester en Irlande ». « Je ne peux plus rien planifier des mois à l'avance ».
Le travail représente une petite lumière : « ici, nous avons un certain nombre d'opportunités liées au volontariat et aux investissements réalisés pour la communauté ukrainienne », éléments essentiels pour rester soudés.
Marion Allard-Latour
Crédit photos : Ukrainian Action in Ireland
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