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PORTRAIT - Anne Bedos, un caractère bien huilé

Écrit par Lepetitjournal Dublin
Publié le 25 mai 2010, mis à jour le 13 novembre 2012

A la tête de l'entreprise Rothar, Anne Bedos et son équipe redonne une nouvelle vie aux vélos usagés de Dublin. Créée il y a deux ans, l'activité est en plein essor. Au-delà du simple domaine économique, Anne a des idéaux qu'elle défend à travers son entreprise. L'exemple d'une expatriée volontaire, visionnaire et courageuse.

 

Toute de noir vêtue, comme la couleur du cambouis qu'elle a sur les mains , Anne répare un des nombreux vélos du nouveau local de Rothar, qui signifie bicyclette en irlandais. Cette entreprise créée il y a deux ans est la seule à Dublin qui redonne une seconde vie aux vélos usagés (ou abandonnés) pour ensuite les revendre. Anne, qui a suivi des études de sciences politiques à Lille, débarque à Dublin en 2003. Après être passée par « tous les boulots les plus pénibles », elle trouve un job auprès de l'équivalent irlandais du ministère de la Solidarité. Mais la récession guette, puis fait d'elle, avec son licenciement, l'un des nombreux dommages collatéraux de la crise économique. C'est alors qu'elle décide de se lancer, de passer à un autre braquet : devenir entrepreneuse. En 2008, elle consacre toutes ses économies dans le projet Rothar et loue un minuscule garage au nord de la Liffey.

L'ambiance chaleureuse de l'Irlande

Deux ans plus tard, elle est plutôt satisfaite : «  Les affaires marchent bien, on revend une grosse vingtaine de vélos par semaine, plus les réparations. L'entreprise est à but non lucratif mais je n'échappe pas aux taxes et je dois payer mon employé ». Elle qui vit des allocations chômage espère pouvoir se payer en juillet prochain. L'activité est assurée par une quinzaine de bénévoles, pour la  plupart irlandais. Toute cette équipe est installée dans un nouveau local plus grand sur Phibsborough road depuis deux mois. On a du mal à imaginer le take away indien dans tout ce bric à brac de vélos suspendus, de chaînes, de boulons et autres clés à molettes. « Ce qui me marque le plus, c'est l'enthousiasme avec lequel ces bénévoles viennent ici. La bonne humeur des Irlandais, leur optimisme, toute cette ambiance chaleureuse, c'est ce qui me plaît le plus ici. ». En se retrouvant hôtesse d'accueil après ses études de sciences politiques par manque d'opportunités professionnelles, elle s'ennuyait fermement en France. « J'ai choisi de partir en Irlande un peu sur un coup de tête, pour suivre mon copain suédois de l'époque. », sourit-elle. Depuis, elle ne le regrette pas. L'idée de Rothar lui est venue du manque criant d'infrastructures et d'incitation à la pratique du deux-roues dans la capitale irlandaise. « Des vélos étaient abandonnés aux quatre coins de la ville et finissaient tous à la casse", se souvient-elle. "Je crois qu'il existait une réelle culture du vélo dans les années 80 mais le boom économique des années 90 et et l'avènement du matérialisme est venu tout balayer. Mais avec la crise, c'est en train de changer, le succès du « vélib' » installé en septembre dernier en est la preuve. »

Robin des bois

La majeure partie de sa clientèle est aisée, plutôt sensibilisée aux questions environnementales et à l'écologie. Elle explique ses tarifs relativement élevés (à partir de 100?) par le poids des charges qu'elle doit honorer et les prix du marché en Irlande. Ce qui ne l'empêche pas de faire des dons à des associations et de mener une action de réinsertion auprès de détenus de la prison toute proche. « Rothar fonctionne un peu à la Robin des bois », assure-t-elle. Spécialisée dans l'étude des genres, elle cherche aussi à démonter les clichés machistes à travers cette activité peu banale pour une fille : « Malgré les apparences, il existe une grande différenciation homme/femme dans cette société. Et lorsque quelqu'un rentre dans la boutique, cette personne a plus facilement tendance à se tourner vers mon mécanicien que vers moi. » Quand on lui demande si elle compte rester en Irlande, elle répond : « J'ai une vie sociale, je suis attachée à ce pays, mais je ne me vois pas finir mes jours ici. L'insularité rend parfois claustrophobe et le système de santé n'est pas au point. Je pense donc à terme quitter le pays. » Cela veut-il dire pour autant retourner en France? « Pour l'instant, il n'en est pas question. Beaucoup d'autres pays m'attirent... » Autant de nouveaux projets et d'aventures en perspective pour cette femme qui n'a pas hésité à mettre les mains dans la graisse.

Clément Chassot (Lepetitjournal.com-Dublin) mercredi 26 mai 2010

Adresse : 171 Phibsborough road, Dublin 7
ou rendez-vous sur le site www.rothar.ie

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Publié le 25 mai 2010, mis à jour le 13 novembre 2012

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