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PAROLES D’EXPAT – Kevin Bosc : « Mon expatriation à Dublin a été celle qui a créé le plus d’appréhension en moi » (2/2)

Écrit par Lepetitjournal Dublin
Publié le 4 avril 2016, mis à jour le 2 mai 2016

 

Tout jeune trentenaire, Kevin Bosc est arrivé dans la capitale irlandaise depuis trois ans maintenant. D'abord employé chez Google il a créé et développe depuis avril 2015 sa propre startup dénommée Refer Me Please. Après avoir découvert cette dernière, il nous explique sa vie d'expatrié à Dublin.

Dans quel état d'esprit es-tu arrivé il y trois ans maintenant à Dublin ?

Je savais que Dublin était une ville très sympa, mais ce n'était pas à ce moment-là là destination dont je rêvais réellement. J'ai passé des entretiens ici, donc je me suis rendu compte que c'était une belle ville surtout le quartier dans lequel est situé Google. Car c'était un pays que je ne connaissais pas du tout. Je ne savais pas pour combien de temps j'allais rester puisque je signais pour un CDI. Cela signifiait que j'allais quand même devoir y rester quelques années et au départ je ne connaissais vraiment personne.Et même s'il faut reconnaître que je suis habitué à me recréer un groupe d'amis, des réseaux, puisque j'ai dû déménager sept ou huit fois sur les huit dernières années, c'était tout de même effrayant. Mon expatriation à Dublin a été celle qui a créé le plus d'appréhension en moi. Le fait de travailler chez Google où il doit y avoir plus de 69 nationalités, a quand même aidé à se faire des amis. Et puis l'avantage de Dublin, c'est sa taille. C'est une capitale assez petite comparée à d'autres, donc on ne se sent pas perdu comme à Londres. C'est une ville européenne à taille humaine, c'est vraiment agréable. Les gens dans la rue ne sont pas hyper stressés comme à Paris ou à Londres. Il y a une certaine qualité de vie unique. Donc l'arrivée a pu être effrayante, mais au bout d'une semaine tu t'aperçois que c'est une ville qui va t'accueillir sans problème. Avec cette atmosphère d'amabilité et de sécurité. Je n'ai vraiment pas eu de mal à m'adapter ici. Et puis j'ai participé à une multitude d'évènements pour rencontrer de nouvelles personnes, des expats notamment.

Par ailleurs, en arrivant à Dublin j'avais déjà un assez bon niveau d'Anglais puisque j'étais passé par Londres, où cela avait été difficile, par contre mon année aux Etats-Unis m'a permis d'avoir un très bon niveau et ici ça a encore bien décollé. J'ai parfait mon Anglais en continuant à me forcer à regarder des séries en Anglais, à écouter la radio irlandaise, à lire en Anglais. J'ai fait des gros progrès en termes de compréhension et après il suffit de pratiquer tous les jours. Il faut faire que ça pour pousser son oreille à comprendre, à découvrir du vocabulaire, des tournures de phrase aussi.

T'es-tu impliqué dans la communauté des expatriés à Dublin ?

Tout à fait, je fais partie des administrateurs du groupe Facebook « Expats in Dublin. » On a organisé pas mal d'évènements entre expats grâce à ça. Grâce aussi à Internations Dublin, c'est un genre de Facebook pour se connecter avec d'autres gens de Dublin et créer des évènements. Par exemple il y a quelques semaines, on a créé l'évènement BusinessNetworking. On a réuni une vingtaine de professionnels du secteur qui travaillent à Dublin, que des expats. Et l'on a échangé. Tout cela permet de rencontrer des nouvelles personnes, de se faire des amis mais aussi d'élargir son réseau.

Et à part ton travail, as-tu des occupations, des loisirs, as-tu rencontré des Irlandais(es)? ?

J'ai deux hobbies, la photo et je suis DJ. Pour la photographie, je me régale ici, il y a tellement de paysages incroyables. Sans même aller très loin de Dublin, il suffit d'aller à Howth ou à Dùn Lagohaire. A Dùn Lagohaire j'ai pris un coucher de soleil. Je m'étais mis au bout du Pier. C'était magnifique, j'étais seul et j?ai shooté. Je me suis vraiment régalé. En ce qui concerne, la musique, j'ai mixé dans plusieurs boîtes à Dublin. J'avais intégré la radio Fever pendant six/sept mois et désormais je mixe tous les vendredis soirs sur Babylon radio. J'ai rencontré des Irlandaises bien sûr. Ce qui est assez agréable c'est que nos cultures sont assez proches. Donc ai-je n'ai pas vécu de gros décalages, un gros clash de culture dans un couple. C'est assez agréable. La seule chose un peu effrayante, c'est l'accent, parfois je ne comprends rien (rires). J'ai toujours l'appréhension de découvrir un nouvel accent que je ne comprendrais pas. Donc je pense qu'il ne faut jamais avoir peur de dire « Pardon, je ne comprends pas ».

Quel rapport entretiens-tu avec la France ?

Outre le lien professionnel que je garde quotidiennement avec la France. Je garde toujours un lien avec Valence où j'ai ma famille et beaucoup d'amis. J'essaye d'y retourner au moins une fois tous les deux-trois mois. Cela dépend du prix des billets, mais j'y vais quoi qu'il arrive pour les grosses occasions comme Noël, les anniversaires? Sinon de temps en temps c'est vrai que c'est plus qu'agréable d'aller se ressourcer quelques jours en France. Ce n'est pas très loin et pas très cher et ça fait toujours du bien de retrouver ses racines et la bonne nourriture. Savoir que tu pourras retrouver un bon vin, avec une bouteille à déboucher avec un bouchon en liège et pas à dévisser. Je continue à m'intéresser à la politique française puisque je continue à voter par procuration en France. Je m'intéresse aussi à la politique américaine, vraiment, mais je ne comprends pas tout. En Irlande par contre j'essaye, mais je ne comprends vraiment rien, je crois que y a pas de découpage clair entre la droite et la gauche. C'est un pays assez étrange, avec un rôle apparemment moindre dans les relations internationales. Après mon rêve est d'aller aux Etats-Unis donc je m'y intéresse forcément, surtout si Trump passe et ferme les frontières cela aura des répercussions sur ma vie et mon entreprise puisque je rêve d'y partir.

Selon toi, les nouvelles technologies de communication et de transport ont-elles modifié notre rapport à l'expatriation ?

Avant sans les nouvelles technologies, ne serait-ce que déménager dans une autre ville en France, c'était hors de question. J'allais vers l'inconnu je ne voulais pas. Désormais, on a tellement de moyens de communiquer, de rester en contact ou même carrément de revenir, surtout ici en Irlande, puisque le prix des billets d'avion a baissé. Tu te dis que finalement quoi qu'il se passe tu es relié à ton pays d'origine. En ce sens, l'expatriation est beaucoup plus facile qu'elle n'a pu l'être auparavant. C'est donc aussi pour ça que l'on est de plus en plus à partir ne serait-ce que pour quelques mois. Il peut aussi y avoir un léger côté négatif avec les nouvelles technologies. Les groupes sur Facebook par exemple, qui peuvent créer le risque ou la tentation de ne rester qu'entre Français. C'est dommage car oui, tu vas évoluer dans une zone de confort, mais finalement, tu vas passer à côté de ce qui fait le sel de l'expatriation, c'est-à-dire apprendre une nouvelle langue, découvrir une nouvelle culture, des nouvelles façons de penser. Les Irlandais de manière générale sont en plus assez ouverts. Personnellement, je n'ai jamais vu un Irlandais me refouler parce que j'essayais de lui parler. Je trouve qu'ils sont vraiment plus ouverts que les Français. Par contre créer une vraie relation d'amitié ce sera plus dur, car eux ils sont dans leur pays, leur ville et n'ont pas forcément besoin de devenir ami avec toi, alors que de l'autre côté on a vraiment envie d'avoir des amis irlandais.

« On se fait parfois du souci pour rien, il n'y a pas de danger, il faut oser ! »

Crois-tu qu'il faut se pousser soi-même à sortir de cette fameuse zone de confort ?

Durant mes études à la SKEMA j'ai été deux fois président du BDE (ndlr : Bureau des étudiants). Avoir été président du BDE à deux reprises m'a permis de grandir, cela peut paraître anodin mais c'est le cas. Devenir plus mature tout en restant étudiant.A l'époque je détestais parler en public, parler devant plus de trois personnes, j'avais vraiment beaucoup de mal. Devoir parler devant mon équipe, ou même devant un amphithéâtre complet m'a poussé à sortir de ma zone de confort justement et je pense que cette expérience-là m'a permis de m'expatrier par la suite et d'oser tenter certaines choses. Je considère qu'en fait il y a toujours environ dix secondes entre deux zones de confort mais qu'il faut oser faire le pas, oser franchir et vivre ces dix secondes. Par exemple les dix secondes qu'il y a entre le fait d'être silencieux dans ton coin et le moment où tu es lancé dans un discours devant une assemblée. Dans une présentation c'est un moment délicat mais quand tu l'as franchi, tu es bien. Donc c'est ça qui m'a poussé à partir notamment. On se fait parfois du souci pour rien, il n'y a pas de danger, il faut oser ! Rien ne va arriver de très mal. Pour reprendre l'exemple d'un discours en public, si tu fais une erreur, ce n'est pas grave, les gens ne vont pas te fusiller pour ça ! L'expatriation, t'y vas, si cela ne fonctionne pas tu peux rentrer en France, t'es pas banni de ton pays.

« Cela m'aura permis quoi qu'il arrive de vivre une sacrée expérience. »

Penses-tu revenir en France d'ici peu ?

Je n'ai vraiment pas l'objectif de rentrer en France. Si je ne passe pas le cap de la levée de fonds, je devrais sûrement rentrer temporairement en France et vivre chez mes parents pour me refaire et repartir. Mais mon objectif clair, c'est d'arriver à partir aux Etats-Unis car c'est là-bas que ça se passe. En Californie bien sûr mais même sur la Côte Est. Je retournerai peut-être plus tard en France, mais pour l'instant je n'y pense pas. Et même si je crée une vie de famille, je voudrai que ce soit une vie d'expatrié.

Si ta startup monte trop, tu n'as pas peur que les gros du secteur (Google, Facebook?) ne te coulent ou t'absorbent ?

Si les gros me coulent ça voudra que dire que j'étais une menace donc au final cela me fera plaisir. Non je n'ai pas peur, au moins j'aurais tenté et je n'aurais aucun regret. Si cela marche tant mieux, si cela ne marche pas tant pis, cela m'aura permis quoi qu'il arrive de vivre une sacrée expérience.

 

Si vous souhaitez poser des questions à Kevin, sur Refer Me Please, ou si avez besoin de conseils en termes d'entreprenariat, il vous répondra avec plaisir vous pouvez le contacter sur : Kevin@refer-me-please.com

Mathias Lenzi (www.lepetitjournal.com/dublin) Mardi 5 avril 2016.
Crédit photo : Kevin Bosc.
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Publié le 4 avril 2016, mis à jour le 2 mai 2016

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