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KATHLEEN CAILLIER – La beauté fait le point

Kathleen caillierKathleen caillier
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Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 mai 2018

Kathleen Caillier est née à Lafayette, Louisiane. Etudiante en médecine, elle était partie en France pour perfectionner son français. Là-bas, la peinture, vitale depuis son enfance, prit le dessus.  Elle se tourna alors vers les Beaux-arts, puis vers des études littéraires françaises. Aujourd’hui, sa carrière de peintre s’est affirmée dans le pointillisme et après avoir exposé à travers le monde, elle présente ce mois-ci son travail à La Galerie de l’Alliance Française de Dubai. Elle nous parle de son parcours et des endroits de beauté et d’inspiration rencontrés aux Emirats.

 

Kathleen caillier

 

Native de Louisiane, aviez-vous déjà une attirance pour la culture française avant de partir pour la France ?

 

Les Etats-Unis sont composés de plusieurs cultures. Même si nos ancêtres français ou autres sont loin derrière nous, nous nous considérons toujours issus de cette culture. Je viens effectivement d’une famille d'origine française. Bien que cédée à l’Amérique, la Louisiane a conservé le français comme langue de l’enseignement jusqu’à ce que ma mère aille à l’école. C’est ainsi que s’est immiscée dans la culture française de Louisiane la langue (anglaise) de ceux que mon arrière grand-mère appelait "des étrangers". Je me souviens le samedi soir quand elle arrivait dans le jardin et nous voyait jouer avec nos voisins, elle nous sermonnait : "Ne jouez pas avec les Américains!". Nous éclations de rire, petits américains que nous étions. Cette scène nous faisait frôler la conception des univers parallèles.

 

Parliez-vous déjà français ?

 

Non, et oui. Puisque l’anglais est devenue la langue vernaculaire en dehors de la maison, celle enseignée à l'école, elle est devenue la plus importante car c’est celle qui accompagne les jeux des enfants. Avec ma génération, ma famille n'utilisait le français que pour cacher les choses aux enfants, une langue de "grands". Grâce à l’avidité des enfants pour tout savoir, nous avons appris à comprendre le français. A sept ans, ma curiosité m'a aidée à persuader une voisine adolescente de me donner des cours de français pendant l'été. A l'époque déjà, je me rendais compte d'une richesse que nous avions eue qui était perdue. Je parlais donc un mélange des deux langues. Ma grand-mère aimait raconter des histoires et chanter de belles chansons en français. Puis j'ai appris le français à l'école, au lycée et à l'université. Plus tard, en France j'ai obtenu un Master de Lettres Modernes et Linguistique à l'université de Jussieu (Paris VII), devenue depuis Paris-Diderot.

 

 

Aux Etats-Unis, vos études étaient dans le champ du médical. À Tours en France, vous vous êtes tournée les Beaux-arts, puis la littérature française.

 

C'est une question de culture et de personne. Chaque individu nait avec des talents et accumule des désirs. Je peignais déjà jeune, mais bien que je vendais quelques peintures de fleurs à mes camarades de classe, j'estimais que mes ailes n'étaient pas assez solides.

Quand je suis venue en France, c’était pour perfectionner le français et repartir au bout de six mois. En France, j’ai trouvé de merveilleux centres d'intérêt : un pays charmant avec une grande ville historique tous les 100 km, chaque village avec son fromage, son vin, sa spécialité culinaire..., j'exagère à peine. L’épicurien en moi a choisi de rester, cela correspondait bien à cette partie de moi qui lisait le National Geographic tous les mois, imaginant les endroits à visiter, les paysages à peindre ou photographier. Le noyau était déjà dans l'enfance. Etudes médicales ou artistiques et littéraires, je suis toujours cette personne qui va vers les rencontres, tout en m'isolant pour peindre, lire et écrire.

 

Vous avez exposé dans un nombre incroyable de pays.

 

Je dois avouer que j'estime avoir eu énormément de chance partout où j'ai vécu. Je peux sortir peindre en tout lieu et  les rencontres que je fais lors de mes expéditions comme lors des expositions me sont bénéfiques. Les gens sont incroyablement curieux, gentils et riches d'expériences différentes et variées.

Je suis très heureuse d'avoir fait ma première exposition au Japon. Leurs règles m'ont formée. Quand on expose au Japon, la présence de l'artiste est exigée tous les jours de l'exposition. C'est une politesse que l'on doit faire aux visiteurs. Pour compenser mon côté timide, j'emmenais mon matériel et je peignais dans la galerie comme dans mon atelier. Cela m'a appris beaucoup de choses. Un monsieur en fauteuil roulant est venu tous les jours pour l'énergie que mes peintures lui donnaient.

 

Vous vous considérez comme une citoyenne du monde comme Montaigne.

 

Je n'ai lu que Les Essais de Montaigne. Comment ne pas aimer Montaigne ? J'étais lycéenne, j'écrivais mon journal depuis des années. Comment ne pas voir dans Les Essais, un esprit frère qui cherche à se comprendre dans le contexte du monde qui l'entoure. Je sortais de l'enfance, je cherchais quelle sorte d'adulte je voudrais être. Des phrases qui résonnent encore en moi : « Le bonheur du sage consiste à aimer la vie et à la goûter pleinement », « C'est une perfection absolue et pour ainsi dire divine que de savoir jouir loyalement de son être ».

J'aimais son humilité "Que sais-je?" était sa devise, suivant l'exemple de Socrate. Quand on lui demandait d'où venait-il, il répondait "Je suis du monde".

Quand on peint, écrit ou fait toute forme d'art, on arrive à des moments de méditation où on ressent la globalité de l'expérience humaine, un petit être dans l'infini mais important, nécessaire et non-négligeable. Avant même de prendre un crayon ou pinceau dans le but créatif ou expressif, j'étais déjà très attirée par le monde. Le monde qui m'entourait et le monde plus au large. Des gens attendent la retraite pour commencer à voyager, Montaigne a attendu d'être malade. J'ai choisi de commencer mes voyages tôt, et je continue.

 

Vous présentez à La Galerie des tableaux avec la technique du pointillisme.

 

Un cours de dessin aux Beaux Arts de Tours, le professeur nous demande de faire un triptyque de mouvement avec des moyens minimes. J'ai pris mon crayon et j'ai dessiné le vent dans les nuages. Il est resté derrière moi, interdit, d'abord sidéré dans le bon sens "C'est exactement ça", puis le doute "Le pointillisme n'a jamais fait naître d’autre mouvement dans la peinture".

Cela ne l'a pas empêché de sortir de mes mains grâce aux crayons de couleurs ou pinceaux. Je crée toujours ce qui désire sortir. Des années plus tard, de retour d'un voyage en Egypte, j'avais besoin de reproduire ce que j'avais vu. J'avais quelques idées : ce grain de sable si petit qui compose des choses si grandes ("Atomes et Particules" est devenu le titre de plusieurs de mes expositions), et aussi quelques contraintes : un joli petit bébé qui ne me permettait pas de passer plusieurs heures sur la peinture. J'ai donc pensé au support, à l'apport et au style. C'est devenu une évidence : la gouache sur papier canson, en petites taches. Le pointillisme. Cela m'a pris six mois pour terminer la première version de « Egypte » : atomes du temps" en travaillant deux heures la plupart des après-midis. J'ai découvert une autre façon de travailler la peinture, en longueur, comme pour mes dessins et les dessins préparatifs. Je pouvais être interrompue et revenir quand je voulais, sans que la qualité de peinture sèche et se gâte. A la suite de cette gouache j'ai fait des quantités d'huiles. Avec le temps c'est devenu le style que j'expose le plus.

 

 

Quelles sont les beautés de la nature et de la culture des Emirats qui vous émerveillent ?

 

Le désert à perte de vue, les petits animaux qui s'y cachent, l'eau aigue-marine délavée, fraiche aux yeux et tiède au corps, le sable fin qui se lève dans les airs et affadit le paysage pour rendre le SkyLine presque invisible. Le brouillard des matinées d'hiver où le paysage semble s'étendre à l'infini, caché, effacé par une ouate blanche et cotonneuse. La verdure inespérée d'Abu Dhabi, les forêts de gratte-ciels néanmoins harmonieux de DubaÏ, l'élégance de la Burj Khalifa, l'énergie de créer. La discrétion des Emiriens qui protègent leurs traditions, les maisons à tours à vent, la gentillesse des populations venues d'ailleurs. Les arbres qui fleurissent, le Ghaf qui résiste même aux abords du désert, les avenues égayées par les bordures de pétunias, les palais luxueux et éclatants face à la simplicité des gens, la chaleur moite et étouffante pire qu'en Louisiane. La sidération d'apprendre qu'il y a près de 50 ans, il n'y avait presque rien. En un mot, un tout sidérant qui se permet d'exister en beauté. Je comprends la vénération de ce peuple à Sheikh Zayed.

 

Kathleen Caillier

 

 

‘Vagabondage’ à La Galerie du 9 mai au 9 juin 2018.

La Galerie est ouverte de 9h à 20h dimanche à mercredi. Jeudi et samedi jusqu'à 17h.

Horaires durant le mois de Ramadan : de 9h à 18h du dimanche au mercredi, de 9h à 13h le jeudi et de 10h à 16h le samedi.

 

 

Pour plus d'infos cliquez ici 

 

Propos recueillis par Anne Cabanel

 

 

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