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RENCONTRE AVEC DEBORAH NAJAR à la tête de la fondation JPNF

Deborah Najar JossaDeborah Najar Jossa
Écrit par Kyra Dupont Troubetzkoy
Publié le 17 juillet 2018, mis à jour le 19 juillet 2018

A la tête de la Fondation Jean-Paul Najar (FJPN), Deborah Najar, reçoit Le Petit Journal pour un entretien exclusif et émouvant. Dans son musée aux allures de sanctuaire contemporain niché au cœur d’Alserkal, l’entrepreneuse philanthrope nous explique comment elle entretient la mémoire de feu son père, artiste et mécène, et œuvre à cultiver une nouvelle tradition muséale dans un environnement mercantile.

 

Le Petit Journal de Dubai : Pouvez-vous nous expliquer le B.A BA de votre œuvre ou la Fondation Jean-Paul Najar « pour les nuls » ?

 

Deborah Najar : Nous sommes un espace d’art contemporain ouvert depuis 2016 et basé à Alserkal. JPNF est né du désir d’exposer de l’art abstrait et conceptuel, en partageant soit les œuvres de la collection permanente, soit des prêts d’autres institutions et collections.

 

Vous n’êtes donc pas une galerie, mais un musée ?

 

D.N : En effet, la Fondation est reconnue par l’International Council of Museums de l’ONU (ICOM) et nous sommes donc un musée. Nous faisons aussi partie de l’Organisation Mondiale des Musées privés que je préside.

 

Comment est née l’idée d’un tel projet ?

 

D.N. : Lorsque Alserkal a annoncé son expansion, ils ont été séduits par un concept différent, un espace non commercial. Ils se sont associés à cette aventure et nous ont donné l’opportunité de concrétiser notre vision en nous subventionnant. Mario Jossa notre architecte, associé de Marcel Breuer qui est à l’origine, entre autre, du Withney Museum of American Art de New York ou du siège de l’Unesco à Paris, s’est engagé dans ce projet en relation avec le type d’art que nous exposons.

 

JPNF était une vision de votre père ?

 

D.N : En effet, c’est un projet esquissé à quatre mains. Nous avons démarré ensemble en 2013, mais mon père, Jean-Paul Najar, s’est malheureusement éteint en 2014. Il souhaitait partager toute cette époque d’artistes en Europe et aux Etats-Unis dans la lignée de l’abstraction de 1970 à aujourd’hui ; représenter ceux qui sont restés dans l’abstraction, à l’inverse des modes et qui ont maintenant la reconnaissance qu’ils méritent. On assiste à un vrai retour en faveur du courant abstrait et conceptuel.

 

Qui était votre père ?

 

D.N : Mon père est né en Argentine de père égyptien et de mère colombienne. Il a fait des études brillantes d’économie, mais il s’est rapidement intéressé à la pensée et à l’art. Il a surtout développé des amitiés avec les artistes qu’il a soutenu de maintes façons, que ce soit en organisant des expositions pour montrer leur travail, écrire le texte d’un catalogue… Tout au long de sa vie il a écrit, lu, pensé, publié, dessiné et collectionné à la façon d’un intellectuel de la Renaissance.

 

Vous êtes donc le passage de relais de cette œuvre qui était la sienne ?

 

D.N : Ce n’a jamais été un travail pour lui, mais un choix de vie. Et pour moi, c’est un projet qui me tient à cœur. Après dix ans passés à Dubaï, j’étais heureuse de donner corps à un espace où l’on puisse mettre en scène de belles expositions d’artistes méconnus de ce public. Quelle joie de retrouver leurs œuvres et de les partager avec une large audience – nous avons eu 30 000 visiteurs depuis l’ouverture – à travers notre programmation, mais aussi des ateliers éducatifs, des visites guidées dans les écoles et les universités. Nous accueillons des amateurs d’art parfois très pointus et érudits, mais aussi des béotiens.

 

Quelles sont les réactions devant l’art abstrait ?

 

D.N : Lors de visites guidées, il y a toujours un moment où le spectateur est touché. L’art abstrait est le reflet de nos âmes. Il y a toujours un rare instant où l’œil s’illumine, le cœur trébuche. Dans le livre d’or, des gens qui ne connaissent rien à l’art, font souvent le cadeau des remarques les plus profondes, pleines d’émotion et de vérité. Il n’est pas nécessaire d’en savoir des tonnes pour apprécier ce que nous exposons.

 

Votre musée donne l’impression d’être une célébration en l’honneur de votre père. On sent sa présence, comme si vous continuiez à dialoguer avec lui ?

 

D.N : Grâce à mon père et avec la JPNF, j’ai ce privilège de pouvoir maintenir des relations avec des artistes que je connais depuis ma naissance. Nous montons des expositions ensemble, dialoguons et ce sont les plus beaux moments. C’est le vrai plaisir dans l’art de collectionneur d’avoir cette chance d’échanger avec eux et d’aller au plus profond de soi-même.

 

Quelles sont les expositions à venir ?

 

D.N : Nous travaillons sur des désirs d’expositions, et aussi en lien avec l’actualité. Le 8 novembre nous accueillons l’artiste suisse Olivier Mosset sur une idée du commissaire d’exposition Hervé Mikaeloff pour les 50 ans du mouvement BMPT (Buren, Mosset, Parmentier, Toroni). Olivier Mosset fera un mural dans la Fondation. C’est aussi une belle histoire d’homme d’avoir pu monter cette exposition autour de la foire d’Abu Dhabi qui a eu lieu au même moment. Nous avons reçu le soutien de l’ambassade de Suisse et de la société privée de services financiers ADS Securities. C’est la première fois que nous avons un sponsor et cela nous change la vie. Nous pouvons nous concentrer sur le contenu, publier un vrai catalogue. C’est aussi une grande nouvelle dans le mécénat d’entreprise au Moyen-Orient. C’est un indicateur de la qualité de notre travail, une reconnaissance.

 

Comment avez-vous financé la JPNF jusque-là, ce bel espace, des expositions gratuites dans un environnement mercantile ?

 

D.N : En premier lieu, grâce au revenu des ventes de mes sociétés, mais aujourd’hui nous devons absolument trouver l’adhésion de sponsors. C’est très compliqué car il y a ici une certaine organisation de la scène artistique depuis dix ans. Nous n’avons aucune motivation fiscale à faire valoir la philanthropie comme en Europe ou aux Etats-Unis. Ce serait merveilleux de voir d’autres mesures de la part du gouvernement comme celle du statut d’association qui a été simplifié dernièrement. Nous avons ainsi été reconnus comme association à but non lucratif. Cela permet à des entités comme la nôtre d’être soutenue et de perdurer.

 

Vous semblez complètement à contre courant du mercantilisme ambiant ?

 

D.N : Nous sommes, il est vrai, très à contre courant du mercantilisme et très pionnier. S’il fallait faire la liste de toutes les « première fois », elle serait interminable. Nous avons d’ailleurs ajouté la mention « museum of contemporary art » à notre logo pour éviter la confusion avec une galerie. Certaines personnes comprennent difficilement que rien n’est à vendre. On a tout le temps des demandes d’achat. Il y a encore tout un travail de pédagogie, de philanthropie à réaliser. Notre mission est d’apporter quelque chose à la société. Cela fait partie du processus d’expliquer ce qu’est un musée contrairement à une galerie. Je suis une chef d’entreprise, sauf que je ne suis pas millionnaire et que je ne gagne pas d’argent et n’en gagnerais jamais. C’est quelque chose de tout à fait farfelu dans notre environnement. Avec l’arrivée du Louvre Abu Dhabi, il y aura une évolution. J’imagine qu’on ne leur demandera pas si une œuvre comme la Joconde est à vendre, où alors j’aimerais le savoir !

 

Vous avez encore de quoi exposer longtemps ? Il y a comme un mythe autour de la collection de votre père… Où est-elle stockée?

 

D.N : On ne s’en inquiète pas. J’en ai encore pour très longtemps et nous empruntons aussi énormément. La majorité de la collection est ici et il y a aussi beaucoup d’archives et des œuvres sur papier, des cartes postales, des catalogues d’exposition, des livres d’art que nous prêtons à NYU à Abu Dhabi. Nous avons aussi toute une collection de vieux vinyles que nous passons parfois lors de soirées où un invité commente la musique en lien avec la période et l’exposition du moment. Nous sortons les vieilles platines et les hauts parleurs d’époque, on apprend en musique et la fondation a une acoustique formidable !

 

jpnf museum

 

A noter dans vos agendas :

 

Depuis le 8 novembre - Exposition Olivier Mosset

 

En mars 2018 exposition François Morellet en même temps que sa 1ère exposition majeure à la Fondation DIA

 

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Publié le 17 juillet 2018, mis à jour le 19 juillet 2018

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