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Mourad Kahoul, la pêche comme un art, et la mer dans le sang

mourad kahoul mourad kahoul
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 2 août 2022, mis à jour le 2 août 2022

Sans être journaliste spécialisé en gastronomie et à l’affût de toutes les nouvelles du milieu, il est facile de tomber sur la présence médiatique de Mourad Kahoul. Très actif et impliqué politiquement dans la défense acharnée des intérêts des petits pêcheurs et de la pêche artisanale en Méditerranée, adoré des « têtes couronnées » de la haute cuisine française et souvent immortalisé en leur compagnie, bref Mourad Kahoul n’est pas un visage inconnu du grand public. Mais ce n’est pas son image, ou cette image, à laquelle vous devriez vous arrêter : prenez le temps de l’écouter parler sans relâche et avec une passion sans faille de son métier, exercé avec autant de feu de père en fils et qu’il renouvelle depuis son arrivée ici aux Emirats. Et surtout, prenez le temps d’aller à sa rencontre et de goûter ce qu’il défend si bien : du « vrai » poisson, pêché et préparé respectueusement, en  moins de 24 heures de la mer à votre assiette !

 

Lepetitjournal.com/dubai : Comment se passe votre installation à Dubaï, comment exercez-vous votre métier de poissonnier artisan ici ?

Mourad Kahoul : L’autre jour, j’ai rencontré une dame de 85 ans qui vient de s’installer avec sa fille, elle avait envie d’une bouillabaisse, pensait que ce ne serait pas possible ici, elle avait fait sa petite liste avec tous les produits qu’il lui fallait, elle avait presque perdu espoir… et en bavardant elle m’a fait confiance. Après tout s’il y en a un qui sait comment la faire la bouillabaisse ici c’est un Marseillais comme moi (rires) ! Je ne travaille qu’avec des artisans : des bateaux de petite pêche, je les connais presque tous, j’ai été président de la fédération pendant longtemps, et j’aime la France, j’adorais ma ville, ma vie… profondément. Si je suis parti c’est que je ne pouvais plus travailler, on m’a trop mis de bâtons dans les roues, la vie, le métier étaient devenus impossibles : ici au contraire si je veux bosser 7 jours sur 7, me donner à fond jusqu’à dormir 3 heures par 24 heures pour être au plus près de mes consommateurs, pour leur proposer la meilleure qualité, la pêche la plus fraîche possible, personne ne trouve rien à redire, au contraire.

 

Ici je me suis senti accueilli dans un pays magnifique, avec un potentiel et une envie de grandir incroyables.

Accueilli à bras ouverts parce que je suis venu avec l’envie de travailler, de transmettre, d’apprendre aussi : ce n’est pas que je connaissais tout sur la pêche locale non plus ! Et la paix, la sérénité, la tranquillité partout, cela n’a pas de prix. Vous savez j’ai ma fille avec moi, elle a dix ans, cet été quand un ami nous a demandé « mais qu’est-ce que vous trouvez aux Emirats, pourquoi ça vous plait ? Qu’est-ce qui vous attire là-bas ?! » et ma gamine, du haut de ses 10 pommes, elle lui a répondu « la paix ». C’est fort ça quand même ! Et quand on a ça, des enfants qui peuvent grandir sereins, libre d’aller et venir avec des amis du monde entier, forcement on travaille mieux aussi. Et moi j’adore ça, mon métier, bosser, vraiment c’est ma passion.

 

Et cette passion elle se traduit comment ici à Dubaï ?

 

Mon truc à moi c’est une pêche ultra responsable, une traçabilité et des pratiques de respect de fraîcheur et d’hygiène irréprochables. Traçabilité, qualité, protocole. J’importe ici la pêche dans la nuit de dimanche à lundi en fret, elle sera le mercredi dans votre assiette aux Émirats, en 24 heures de la mer à la table. Je suis le plus rapide (rires) !!! J’ai commencé ici avec Gulf Food et les grands chefs, les grands hôtels, mais j’ai eu envie aussi d’ouvrir aux consommateurs en direct : d’abord avec ma « poissonnerie virtuelle » où vous pouvez suivre le produit en direct du bac jusqu’à votre assiette, et puis avec un atelier, où tous les samedis matin je tiens mes portes ouvertes en direct à Al Quoz, je fais déguster, vous pouvez choisir vos produits, commander les plateaux de coquillages, ou les caisses de barbecue pour le weekend ! Et ça c’est une petite idée toute simple qui m’est venue en fréquentant les Emiriens, peu à peu ils ont appris à me connaître et à apprécier ce que je fais et moi j’ai écouté leurs envies : comme ces brochettes avec de la lotte, du saumon, du cabillaud, des crevettes, des petits légumes, tout fait à la demande, franchement au coin du feu de camp c’est super ! Tous mes produits peuvent être vendus sous vide et se gardent sans problème 7 jours au frigo. Tout ce que j’importe je le connais, je connais le producteur, le pêcheur, le coin de mer, la filière, tout ! Par exemple mes huîtres ce sont des Saint Vaast Royales, il n’y a que chez moi que vous les trouverez, mon Turbot c’est celui de Ludovic un ami de 20 ans….

 

Vous avez la pêche dans le sang !

 

Il faut avoir le métier au cœur, la fibre de pêcheur ça ne s’achète pas ! Dans tout ce que je vends il y a tout ce que j’ai appris, de mon père en tout premier, cinq générations de pêcheurs de thon dans la méditerranée, ce n’est pas rien : c’est une histoire, l’histoire d’un savoir-faire unique, des connaissances fines, complexes, des traditions, un vrai artisanat a préserver : mon père il aurait dû être classé « Trésor National » comme les grands artisans au Japon! Et puis je me suis formé, toujours par passion, par exemple j’ai passé 3 ans au Japon justement, auprès de Maître Kimura, à apprendre avec lui sur ces marchés où le kilo de thon part plus cher que le diamant ! Et puis en rencontrant des grands chefs, des cœurs passionnés comme le mien, avec qui avec les années on a construit une relation quasi-fraternelle, et auprès de qui j’ai tant appris : Joël Robuchon, Alain Passard…. C’est ce que je veux transmettre aussi, pas seulement des produits « vrais », que les gens retrouvent le goût et la confiance dans les produits de la mer. Pas du « saumon » de mauvais supermarché tellement rose qu’il brille dans le noir, ou du thon traité ! Les gens qui vous vendent ça sont des assassins, il n’y a pas d’autre mot ! Être poissonnier comme je l’entends moi c’est trouver et vendre des vrais produits, de vrais pêcheurs, dans le respect. Le respect à 360 degrés : de la mer, des produits, de la nature, des pêcheurs, et du consommateur. Ce que je veux c’est ramener les gens à la pêche, dans tous les sens du terme. On a fait ce chemin, lentement, mais il se fait, pour les produits de la terre : élevages respectueux, traçabilité, mise en valeur des petits producteurs passionnés, dévoués, et de leur produits… On doit le faire aussi pour les produits de la mer !

 

Qu’est-ce que vous avez envie de faire, de transmettre ici aux Emirats ?

 

Ce sont les autorités locales qui sont venues me solliciter, pour des conférences sur la traçabilité. Ils ont cette capacité fantastique d’être à la recherche constante de talents et de les accueillir, d’écouter ce que chacun peut leur apporter. C’est une force unique. Je suis plein de projets, j’ai mille envies à la minute (rires) : emmener les gens pêcher avec moi, cuisiner sur le bateau, avoir un bar à poissons et faire griller les langoustes sur le port, que sais-je ! Et je suis certain que beaucoup se réaliseront ! Les Émiriens aiment profondément leur pays, ils vous poussent en avant, en faisant le pari que si vous réussissez, c’est une victoire dont ils profiteront eux aussi, dont leur pays profitera. En 4 ans ici j’ai accompli ce qui m’aurait, c’est triste à dire, pris 15 ou 25 ans en France.

 

Vous êtes heureux ici?

 

Vous savez, Dubaï est souvent regardé à travers le prisme de clichés absurdes. En particulier par des gens qui n’y ont jamais mis les pieds !…. « Ah,  mais qu’est-ce que tu vas faire là-bas, ce ne sont que des bédouins ! » Bon déjà, pour quelqu’un qui comme moi est né de mère algérienne d’origine Berbère et de père Napolitain, « bédouins » ça ne veut pas dire grand-chose (rires), mais en plus, nous les Européens, qui avions les plus belles forêts, le plus beau littoral du monde et les avons transformés en désert de béton, comment peut-on se permettre de dire une chose pareille à des gens qui ont fait pousser un monde, et même des forêts, en plein désert ?!

 

Si Dieu le veut je ne bougerai plus ! Je prends énormément de plaisir à aller à la rencontre de ce pays, à développer une attention aux produits, à leurs ressources aussi : pêcher moins et vendre mieux, transmettre tout ce que j’ai appris à mon tour, former des gens, m’impliquer dans la préservation et le développement des ressources, si on a la générosité de me donner cette chance je vais la saisir bien entendu, c’est un devoir moral, une forme de respect mutuel qui nourrit un cercle vertueux. Que du bonheur au fond. Beaucoup de travail, mais quand on aime… on ne prend pas vraiment de retraite (rires) !

 

 

Pour profiter de la marée, venir aux matinées Portes Ouvertes et commander votre bouillabaisse, vos plateaux de fruits mer, les brochettes sur mesure et tous les beaux produits de Mourad c’est ici :

 

Al Quoz industrial area 4, 7B Street

Commandes: 0526368480

 

 

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