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LYNDA KIRBY, « la dame aux chapeaux » expose à la Galerie Nationale

Lynda KirbyLynda Kirby
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 16 mars 2019, mis à jour le 19 mars 2019

Si vous avez un jour croisé Lynda, grandes sont les chances que vous ne l’ayez pas oubliée : imaginez la sœur spirituelle de Mary Poppins dont elle a les yeux qui pétillent et le sourire plein de charme, et d’Anita Page (une star des années 20, connue à l’instar de Louise Brooks, non pour son bob à frange mais pour ses chapeaux fabuleux). Lynda ne sort en effet presque jamais de chez elle sans un de ses fantastiques bibi, ou à tout le moins une de ses broches anciennes, voire habillée en vintage des pieds à la tête. Une silhouette aux couleurs acidulées - le jour de notre rencontre elle porte une robe chemisier à la jupe plissée jaune paille imprimée de motifs géométriques et un bibi-turban mandarine - et au charme suranné qui détonne totalement dans la rue de la mégalopole émirienne.

Mais il serait dommage de vous arrêter à cette incongruité apparente : Lynda est un petit monde en soi, et une vraie mine d’érudition sur les accessoires de mode depuis l’ère Victorienne jusqu’aux années 80, l’âme d’un univers unique, désuet mais tout sauf poussiéreux. Suivez-nous à la découverte de son histoire et de sa fabuleuse collection qui sera exposé à la Galerie Nationale à partir de cette semaine.

Lynda Kirby
Photo Marie Jegaden 

 

 

Lepetitjournal.com/Dubaï : À quand remonte votre passion du vintage ?

 

Lynda Kirby : Le vintage a toujours fait partie de ma vie. Lorsque j’était enfant et que ma grand-mère passait du temps avec moi, c’était une excellente pâtissière et dans sa cuisine elle revêtait ce que l’on appelait à l’époque une “robe d’intérieur” (rien à voir avec un tablier informe), mais si nous devions sortir jusqu’à l’épicerie du coin de la rue racheter 3 œufs ou un paquet de farine, elle et moi nous nous rhabillions de pied en cap : tailleur, sac à main, gants, chapeau et broche… cette attention à l’élégance, cette sophistication quotidienne, cela m’a profondément marqué. C’est aussi elle qui pour mes 12 ans m’a offert ma toute première pièce : une broche bien sûr (rires).

 

Depuis quand avez-vous commencé à vendre une partie de vos collections ?

 

Cela fait neuf ans que je vends mes pièces auprès d’Arte Market et environ 19 ans que nous sommes arrivés à Dubaï. Avec quelques allers-retours dus au travail de mon mari : par exemple durant une période de vacance entre deux emplois nous sommes partis faire le tour du monde pendant six mois, et nous avons aussi habité 6 ans en Australie…

 

Vous souvenez-vous de votre premier achat ?

 

Ma toute première acquisition, oui je m’en souviens parfaitement, c’était un collier des années 50 en strass blanc, signé Weis. Il était étincelant et magnifique!

À l’époque comme encore aujourd’hui, ce qui m’attire c’est le mystère attaché à tous ces bijoux : qui les a portés, ce qu’ils ont vu ou entendu, oui parfois je me prends à rêver : et s’ils pouvaient parler?! À quelles fêtes merveilleuses ils ont dû se rendre, à quels rendez-vous romantiques…  C’est une des raisons pour lesquelles je n’achète absolument jamais en ligne ou auprès des grandes maisons de ventes aux enchères : je veux sentir, toucher, regarder de mes yeux, bavarder avec la personne qui va me vendre la pièce, en apprendre un peu plus sur l’histoire de l’objet. Parfois je m’y attache tellement que j’ai du mal à les vendre! Par exemple je me souviens de ce sac perlé, tout en cristaux des années 50, je l’ai acquis dans sa boîte et son emballage d’origine, il avait été acheté à New York sur la Cinquième avenue et avait fait le voyage de retour vers l’Angleterre au bras de sa propriétaire sur le Queen Mary ! Une fois rentrée chez elle, elle l’avait soigneusement rangé dans sa boîte pour ne plus jamais le sortir. Etait-ce le souvenir d’un flirt romantique? Ou au contraire d’un jour spécial comme ses fiançailles par exemple? Toujours est-il que ce sac était paré d’une aura magique, parfaitement préservé dans le temps. L’année dernière je suis partie en croisière avec mon mari,  je l’ai emporté avec moi. Pour une raison étrange,  j’avais l’impression de toucher un peu de son histoire, de faire ce petit geste sans commune logique j’avoue (rires)  mais qui en moi résonnait juste, comme un clin d’œil à son passé. Aujourd’hui je me sens prête à le laisser partir vers d’autres aventures, à laisser la prochaine femme qui aura le coup de foudre pour lui l’emporter avec elle. Oui, j’aime me sentir en connexion avec ces pièces incroyables, ce sont des pièces de musée mais j’aime les faire vivre. Pensez que j’ai fait un voyage sur l’Orient Express, et je me suis habillé en 1920 pendant tout le séjour… c’est une seconde peau pour moi, mais parfois j’oublie (rires)!

 

Quelles sont vos pièces les plus anciennes et vos périodes de prédilection ?


Mes pièces les plus anciennes sont Georgiennes et Victoriennes, quelques pièces Edwardiennes, je collectionne de 1920 jusqu’a 1980. Je trouve qu’à partir de ces années la qualité n’est plus la même, les pièces vont de plus en plus être produites en masse, tandis que sur les pièces anciennes on sent vraiment la main de l’artisan, on voit les finesses du sertissage, les poinçons (qui attestent de la date de fabrication). Je collectionne en priorité ce que l’on a appelé le  “costume jewellery”, ou les bijoux et accessoires fantaisie. Une façon de concevoir les accessoires qui au fond ont été inventés par Gabrielle Chanel et Elsa Schiaparelli lorsqu’elles se sont tournées vers les ateliers d’orfèvrerie traditionnelle et leur ont passé commande de pièces plus spectaculaires, vibrantes de couleur et de formes audacieuses, sans faire appel aux pierres fines ou précieuses mais aux strass, aux verres colorés etc.… L’Age d’or de ces accessoires, c’est vraiment ma période de prédilection.

 

On ne peut pas dire que la mode vintage soit beaucoup représentée ici : Comment avez-vous conquis le public local ?

 

Le public des Emirats est curieux je dirais, et j’ai avec les années vraiment éduqué et convaincu une clientèle très fidèle qui me suit depuis longtemps, j’ai réussi à allumer une étincelle de passion chez des gens (locaux ou expatriés) qui parfois n’avaient absolument aucune idée de ce que “vintage “pouvait vouloir dire : non, on ne peut pas « commander 15 pièces identiques pour le mariage de sa cousine » « non il n’y en aura pas une autre de cette couleur-ci le mois prochain », « oui je suis certaine que ce chapeau ou cette broche datent bien de 1940 ou 1960… » et toutes ces femmes qui sont aujourd’hui devenues mes clientes et parfois mes amies, sont aussi sensibles à ce qui fait tout le charme des pièces anciennes : la garantie d’être unique, d’exprimer une part de votre individualité, de toucher un peu l’âme des élégantes du passé… Lorsque j’ai débuté je me suis lancée avec l’envie qu’un jour “toutes les femmes de Dubaï aient le goût de porter une broche vintage”, je n’y suis pas encore tout à fait parvenue, mais presque (rires)!

 

Et votre collection de chapeaux incroyable, dont une partie sera exposée avec les photos de Marie Jegaden sous la direction artistique de Bruno Fuscien-Trasan à La Galerie Nationale, pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Quant à cette exposition sur ma collection de chapeaux, oui j’en suis ravie, je trouve que les photos de Marie sont magnifiques, et si l’on parle d’âme, regardez comme chacun d’entre eux semble prendre vie, comme leurs couleurs sont incroyablement vives et chatoyantes! Toutes ces pièces que j’ai achetées partout dans le monde au cours des 40 dernières années et au cours de chacun de mes voyages ont vraiment ceci en commun : ce sont des pièces parfaitement préservées et entretenues, la qualité des tissus, des accessoires (comme les voilettes ou les décors) est impeccable : j’insiste sur ce point, vous aurez compris désormais le lien sentimental qui me lie à chacune des pièces de ma collection, mais c’est encore plus vrai peut-être pour les chapeaux, il ne s’agit pas juste de les accumuler et de les ranger dans une boîte au fond d’un placard. Chaque pièce est unique, certaines sont tout simplement introuvables, la majorité sont d’une qualité qui ne se retrouve que dans les grands musées de la mode, aucun d’entre eux n’a été restauré ou reconstruit, ils sont rigoureusement tous en leur état d’origine… ce qui ne les empêche pas d’être spectaculaires (rires)! Le “vintage” ne rime pas forcement avec vieilleries poussiéreuses et marché au puces, c’est aussi des pièces immaculées, préservées miraculeusement des dommages du temps, comme des petits messagers d’une époque révolue mais bien vivante, et d’un artisanat invraisemblable aujourd’hui disparu.

 

C’est plus qu’une passion au fond, c’est toute votre vie ?

 

Oui, on peut dire que je “vis en vintage” (rires) ! La décoration de ma maison bien sûr (un salon ancien entièrement Art Déco en bois de rose sculpté originaire de Singapour - ndlr) mes services à thé sont de porcelaine ancienne, j’écoute de la musique des années 20, j’aime les vieux films en noir et blanc, il n’y a pas un jour de ma vie où je ne porte pas au moins une pièce ancienne sur moi, et d’ailleurs en général je choisis l’accessoire en premier et la tenue qui le mettra en valeur ensuite… J’aime partager cette passion autour de moi, et c’est sans doute aussi ma sincérité peut-être plus que mon érudition qui me permet de toucher les gens. J’aime recevoir : tous les mardis je tiens un « high-tea » à l’anglaise, tout est vintage des petites cuillères jusqu’aux théières, les gâteaux sont faits maison et selon les recettes de ma grand mère, et mes amies et clientes peuvent échanger, bavarder, passer un petit moment hors du temps… Oui, on ne peut pas dire que je sois “comme tout le monde” (rires). Je me souviens de ce que mon mari m’a dit, un jour où des passants m’avaient peut être dévisagée plus que d’habitude, “Lynda, n’abandonne pas ta passion, si tu abandonnes le vintage, c’est toi que tu renies, Lynda ne serait plus Lynda!”

 

Pour trouver le stand de Lynda et suivre les jours d’ « ARTE, the maker’s Market », le marché des artisans tous made in EAU, c’est ICI  

 

Vernissage lundi 18 mars à partir de 18h

Photos  : Marie Jegaden 

Directeur artistique de l’exposition : Bruno Fuscien-Trasan

Où : La Galerie Nationale, Alserkal Avenue

Exposition jusqu’au 10 octobre 2019

 

Et pour suivre Lynda, c’est ICI

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Lynda Kirby galerie nationale
Photo Marie Jegaden 

 

 

 

 

 

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Publié le 16 mars 2019, mis à jour le 19 mars 2019

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