Édition internationale

Clémence Guerrand : transmettre la musique comme un art de vivre

Pianiste et compositrice brillante, fondatrice de MAWOMA, le premier concours international pour jeunes femmes cheffes d’orchestre, Clémence Guerrand ouvre aujourd’hui à Dubaï son Académie internationale de piano LPC, Le Prestigieux Cours. Rencontre avec une artiste engagée qui, au-delà de son parcours exceptionnel, défend une vision exigeante et profondément humaine de la transmission musicale : celle d’un équilibre subtil entre rigueur et désir, travail et plaisir, émotion et confiance.

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Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 5 octobre 2025, mis à jour le 6 octobre 2025

Vous présenter Clémence Guerrand en quelques mots n’est pas simple, et forcément réducteur. Il est facile en revanche de rechercher sa biographie, sous laquelle un chapelet d’adjectifs vont s’égrener : femme de tête, pianiste, compositrice, concertiste d’exception, femme engagée, ambitieuse. Brillante élève du Conservatoire, puis de l’école Normale de Musique de Paris, fondatrice de MAWOMA (premier concours international pour jeunes femmes cheffes d’orchestres), membre du programme Young Leaders France-Asie… Elle est tout cela, et la rencontrer c’est rencontrer avant tout un cœur ardent, qui vibre de tout son être, avide de transmettre toute la beauté du monde, à travers son piano.

Nous vous la présentons aujourd’hui pour faire connaitre l’Académie internationale de Piano "LPC - Le Prestigieux Cours Clémence Guerrand" qu’elle vient d’ouvrir à Dubaï, et parler avec elle de cela précisément : la beauté de transmettre ce lien intime et profondément humain entre la musique et ceux qui l’apprennent, ceux qui la jouent.

 

Lepetitjournal.com/dubaï : Nous n’allons pas retracer votre carrière, mais votre histoire avec la musique me touche : quand avez-vous commencé à vous intéresser à la transmission, à l’enseignement ?

Clémence Guerrand : Adolescente, je pense dès mes 13 ans, je donne des petits cours particuliers. Ce n’est pas un simple job d’ado, j’ai eu la chance de grandir dans une famille ou je ne manquais de rien. Je vais vers cela parce que cela me parle, j’aime ce total don de soi que l’enseignement du piano implique. Je pense qu’on peut parler de vocation oui, j’ai tout de suite vu qu’en faisant ce don, en donnant les bonnes clefs, j’avais ce pouvoir de changer la vie d’une personne.

Apprendre le piano ce ne sont pas que des cours de musique, c’est bien plus ?

Le piano comme je l’enseigne oui, c’est bien plus. C’est avant tout la construction délicate de la confiance en soi, une façon d’aborder la musique à la fois fine, respectueuse des fondamentaux de la psychologie de l’enfant et de l’adulte, et extrêmement solide et rigoureuse.

La rigueur aujourd’hui est souvent un mot qui fait peur ?

Oui mais selon moi la rigueur est mal comprise, déviée par des années de malfaçon, de mauvaise pratique, ou d’abus.

La rigueur demande autant à celui qui la pratique qu’à celui qui l’enseigne.

La confiance en soi se construit aussi parce que l’enfant sait qu’on a des hautes espérances (et donc de hautes exigences) : savoir que l’adulte, l’enseignant croit en vous, qu’il attend de vous que vous montiez les marches l’une après l’autre, c’est cela précisément qui construit l’estime et la confiance en soi, de l’intérieur.

Quels sont vos souvenirs de votre petite enfance au piano ?

Dès mes trois ans, avec mon grand-père italien, qui lui-même avait fondé une école de musique, il était très exigeant, mais très vite je me souviens que le plaisir est arrivé, ce plaisir du travail bien fait : dès que l’on peut jouer des pièces, même très simples, en entier. Oui je me souviens bien de ce moment. Et puis le public bien sûr : c’est très important de jouer en public, le piano n’est pas fait pour jouer seul dans sa cuisine, c’est en soi un instrument de transmission, de communion.

Qu’est-ce que cette dimension, de jouer en public, peut apporter ?

Pour mon premier concert, j’ai 7 ans : et là je prends conscience de ce que cela fait physiquement, émotionnellement, de maitriser une œuvre, et de la partager. De ressentir et de voir de ses yeux le plaisir et l’émotion que l’on procure en jouant… c’est vraiment magique : rien ne surpasse cela… C’est une chance infinie que de pouvoir jouer sur scène très tôt, avec régularité, de se construire avec le public, cela construit et nourrit le désir, et c’est le désir qui permet toutes les émotions. Le travail du piano c’est cette tension entre la rigueur et le désir, et l’un et l’autre sont absolument essentiel. Pas de beauté ne se crée si l’un des deux vient à manquer.

Et le trac, l’appréhension, comment l’apprendre aux plus jeunes ?

Je n’aime pas parler de la « gestion » des émotions, bien que cela soit très à la mode aujourd’hui. Je pense qu’une émotion quelle qu’elle soit doit s’accueillir, se vivre. Impossible de monter sur scène sans ressentir des émotions fortes, contradictoires, qui vous emportent : mais cela, ça s’apprend justement. Non pas à les gérer, à les mettre en laisse, à les frustrer, mais à en façonner les différentes composantes, et à en faire une force, un feu qui vous anime, et non plus un danger.

Sans émotion pas de transmission ?

Oui : ressentir des émotions fortes, comme le trac, c’est se sentir vivant, et c’est grâce à cette énergie que tout notre être va se concentrer corps et âme, et donner, transmettre, le meilleur de soi.

Imaginer donner un récital sous calmant : que va-t-il rester ? peut-être une garantie de ne pas commettre la moindre faute, un calme trompeur : où seront la beauté, la finesse, la personnalité de l’interprétation, l’âme ? … A l’inverse donner un récital en ne se reposant que sur l’émotion, sans rigueur, sans travail, cela ne fonctionne pas non plus.

Ce n’est pas parce que vous considérez le piano comme un art ou l’on joue aussi l’invisible, les émotions, les sensations… que vous « vendez du rêve » ou de la magie… ?

Absolument : l’enseignement tel que je le je pratique c’est beaucoup de travail, il n’existe pas de baguette magique pour arriver à créer de la magie, à créer ce moment de transcendance.

Le cursus académique que je propose c’est un cursus d’excellence.

Je me heurte parfois à cette phrase très commune « mais je ne veux pas en faire un pianiste professionnel ». Oui mais comment savoir si c’est sa voie si on n’essaye pas ? Cette question ne peut de toute façon pas se poser avant les 5 premières années d’apprentissage, car il faut commencer par s’approprier les bases et se nourrir à minima d'un répertoire musical varié.

On ne peut pas se projeter en tant que parent sur un enfant, son désir seul décidera de son chemin, mais on ne peut pas non plus déterminer où il ira sans lui donner la chance de maitriser les meilleures bases possibles, et, s’il en a le désir, de se retrousser les manches et d’aller vers le plaisir. Le plaisir n’est pas donné, et il ne faut pas s’en servir comme prétexte à abandonner. Il ne peut naître que par le désir et le travail.

Beaucoup de parents nous disent : « Mon enfant veut faire du piano pour le plaisir, pour s’amuser. » Bien sûr, le piano est d’abord un jeu ; d’ailleurs, il s’agit bien de jouer du piano. Mais il y a souvent, dans l’ombre de cette idée une forme de diabolisation de la notion d’effort, alors que c'est justement dans l'effort que l'on prend confiance et que le plaisir arrive, et qui permet que l’effort ne soit pas vécu comme une contrainte.

Avec mon approche pédagogique et l’empathie avec laquelle je la pratique, je fais toujours – toujours ! – le pari de la réussite. Mais la réussite demande du temps, de la régularité, et oui : de la rigueur.

Est-ce un défaut de notre époque ? Tout vouloir si vite, à la demande ?

Pour moi c’est une imposture morale que de faire croire que l’à peu près suffit, et que le plaisir on le reçoit sans effort. Le piano ne souffre pas l’à peu près, mais j’irais même plus loin : le respect de soi en fait ne souffre pas l’à peu près.

C’est la répétition rigoureuse qui travaille la mémoire, la proprioception, et offre le plaisir dans la complexité infinie que la pratique d’un instrument où l’on doit lire une langue étrangère (les notes de la partition, sur deux clefs), maitriser ses deux mains et ses pieds dans des gestes différenciés, et créer un son, une musique de toute pièce. Aucun autre instrument, aucune autre discipline n’est aussi exigeante, et n’apporte autant à l’enfant.

La musique à ce titre ne devrait pas être rangée dans les activités parascolaires ?

Non : la musique devrait être enseignée et poursuivie avec la même discipline et la même assiduité que le curriculum scolaire. On me dit souvent : « Je ne veux pas forcer mon enfant à faire du piano », alors que tous les jours nous obligeons nos enfants à aller à l’école, même s’ils n’en ont pas toujours envie, l’éducation académique scolaire “va de soi” pour les parents. Or je crois qu’il y a une différence entre forcer un enfant à faire quelque chose qu’il refuse sans respecter son intégrité - comme de le forcer à manger - et le pousser, sans attendre de lui qu’il valide chaque jour ce choix - vers des domaines essentiels, tels que la musique, qui est on le sait désormais fondamentale à la construction neuro-congnitive. C’est un devoir mais surtout un droit essentiel. Aujourd’hui et depuis longtemps l’impact de la musique classique sur le cerveau est démontré, elle apaise et stimule des zones du cerveau qui sans elle sont laissées à l’abandon.

"Un pays dans lequel n'existe plus, le soir, une chambre, dans laquelle un enfant apprend le grec ou le violon est un pays perdu", Est ce que Leon Schwartzenberg aurait dû ajouter “et qui apprend le piano”?

Ah je ne sais pas, mais je sais que la pratique du piano fait grandir les enfants avec une plasticité humaine …différente. Des enfants qui ont un rapport à leur singularité, à leur intimité, autrement plus solide. Qui ont une capacité à se retrouver, se canaliser, à sublimer leurs émotions, à interagir avec les émotions des autres… alors oui, si plus d’enfants apprenaient le piano, je suis persuadée que l’espèce humaine en général serait différente, et que notre monde en serait meilleur.

Places limitées - entretien sur sélection 

Contact : leprestigieuxcours@gmail.com

 

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