Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

La recherche au service des agriculteurs sénégalais

Essai-champs OKEssai-champs OK
T. Krasova-Wade
Écrit par Gaëlle Picut
Publié le 16 octobre 2018, mis à jour le 6 janvier 2021

Des chercheurs d’un laboratoire mixte, sénégalo-français, travaillent sur des biofertilisants, une technologie alternative aux engrais chimiques, respectueuse de l’environnement et peu coûteuse. Objectif : diffuser cette technique auprès des agriculteurs sénégalais.

Le secteur agricole emploie encore près d’un tiers de la population active au Sénégal. Malgré des contraintes climatiques, l’agriculture y est relativement développée et diversifiée, comparée aux autres pays de la zone Sahel. Elle repose à la fois sur des cultures de rente, destinées à l’exportation (arachide, coton) et sur des cultures vivrières de subsistance (mil, sorgho, maïs, niébé). Le riz, culture traditionnelle en Casamance, se développe fortement dans la vallée du fleuve Sénégal suite au Programme national pour l’autosuffisance en riz (PNAR) lancé par le gouvernement en 2010.

Cependant, les sols agricoles sénégalais sont vulnérables et souvent pauvres. Par ailleurs, l’utilisation massive des pesticides et des engrais chimiques fragilisent l’équilibre naturel. Face à cela, le Sénégal cherche à développer des stratégies agricoles visant à la préservation de la qualité des sols (agriculture durable) tout en maintenant une bonne productivité.

Des chercheurs du Laboratoire Commun de Microbiologie (LCM) de Dakar, réunissant l’ISRA (Institut Sénégalais de Recherche Agricole), l’IRD (Institut de Recherche et de Développement français) et l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop de Dakar) travaillent sur des produits naturels, préservant la biodiversité naturelle et permettant d’améliorer la productivité agricole.

L’idée est d’enrichir les sols en apportant des minéraux nécessaires à la croissance des plantes tels que l’azote ou le phosphore de manière naturelle. En effet, ces minéraux peuvent être tirés de l’utilisation de bactéries symbiotiques tels que le rhizobium (pour l'azote) et de champignons mycorhiziens (pour le phosphore). On parle alors de biofertilisants. En plus d’un pouvoir de biofertilisation, ces micro-organismes ont également un pouvoir de bioprotection.

 « Notre travail, explique Antoine Le Quéré, chercheur à l’IRD, est d’identifier et de sélectionner les bactéries ou champignons les plus prometteurs. Environ 4000 souches de ces micro-organismes sont conservées au LCM à Bel Air ». Ensuite, ces bactéries ou champignons sont multipliés. Le laboratoire prépare alors l’inoculum (la substance qui contient ces germes vivants) et teste son efficacité en serres puis en champs, dans des parcelles d’expérimentation dans plusieurs régions du Sénégal afin d'évaluer l'effet des paramètres pédoclimatiques (NDLR : le pédoclimat est l’ensemble des conditions de température et d'humidité du profil d'un sol), par exemple, à Diohine, village situé dans la zone d’observation de Niakhar (région de Fatick) ou à Kelle Guèye, village situé dans la région de Louga.

Parcelles

L’inoculation est l’apport en masse au niveau de la plante de ces micro-organismes symbiotiques. Elle permet d’améliorer la croissance des cultures en les aidant à s’approvisionner en éléments nutritifs et en eau très souvent limités dans les sols des régions arides ou semi-arides. Cette technique s’applique à une large gamme de plantes et constitue une alternative aux engrais chimiques coûteux et polluants.

 « A l’heure actuelle, cette méthode d’inoculation est sous-utilisée par les agriculteurs en Afrique de l’Ouest, constate Antoine Le Queré. C’est pour cette raison que nous avons initié une démarche partenariale afin que tout le monde travaille ensemble et que nos recherches puissent s’inscrire dans un projet de société ». Sont ainsi réunis au sein d'un groupe de travail, des représentants du laboratoire de recherche, des paysans via le Conseil National de Concertation et de Coopération des ruraux (CNCR) et des personnes de l’Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural (ANCAR).

La prochaine étape est de mettre en place une filière de production locale d’inoculum biologique dans différentes régions agricoles afin que davantage d’agriculteurs puissent en profiter.

Antoine Le Queré s’intéresse particulièrement au haricot local communément appelé niébé. « Les valeurs nutritives de cette plante légumineuse sont importantes, notamment en termes de protéines. Dans certains cas, cela constitue la principale source de protéines disponible pour les familles rurales du Nord du Sénégal ». Il existe une grande variété de niébés. Antoine mène des recherches en partenariat avec Tatiana Krasova-Wade, chercheuse IRD au LCM et Amy Bodian, chercheuse ISRA au Centre d'Étude Régional pour l'amélioration et l'adaptation à la sècheresse (CERAAS) pour savoir quelle variété de niébé réagit le mieux à l’inoculum et quel inoculum est le plus efficace selon la variété de niébé utilisée, le type de sol ou la zone climatique.  « Faire en sorte qu’il pousse mieux a une vraie utilité sociale » estime-t-il.

Mais cela nécessite une évolution des pratiques culturelles chez les paysans, pour qu’ils changent de variété de niébé ou pour utiliser l’inoculum.

Semoir
Test de semoir « 2 en 1 » prototype permettant de semer et biofertiliser simultanément. (Photo: A. Le Quéré)

Par ailleurs, le laboratoire est en train de mettre au point avec les agriculteurs, des artisans et des représentants du CNCR, un semoir 2 en 1, capable de semer des graines (de niébé, d'arachide ou de mil) et d’épandre en même temps le biofertilisant dans le champ. « Cet outil permettra de favoriser l’usage de cet inoculum et son appropriation par les paysans » espère Tatiana Krasova-Wade. Elément favorable : le matériel agricole, dont les semoirs, sont subventionnés par l’État sénégalais à hauteur de 70% depuis 2015.

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions