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Africa Convergence : Grandeur et cynisme au sommet.

Africa-ConvergenceAfrica-Convergence
Erwan Le Bihan
Écrit par Erwan Le Bihan
Publié le 27 juin 2018, mis à jour le 6 janvier 2021

L’idée première qui a présidé l’organisation d’Africa Convergence, c’est d’organiser la conversation entre le continent des penseurs et le continent des acteurs 

 

C’est en ces termes qu’Abdelmalek Alaoui, Initiateur de la rencontre, éditorialiste et directeur général de Guépard group, a ouvert les débats. L’objectif de cette conférence internationale, de l’aveux de ses organisateurs, est en effet de faire entrer en dialogue les acteurs de l’économie africaine, penseurs comme exécutants. Sur le thème de « l’exécution stratégique », ce sont près de 300 participants qui ont assisté, les 21 et 22 juin, à la 3ème édition d’Africa Convergence dans la capitale Sénégalaise.

Réunis au Pullman Teranga, l’audience a vu se succéder des intervenants prestigieux, issus principalement du milieu des affaires, mais aussi du champ politique et universitaire. L’attractivité, la croissance, l’énergie, la ville intelligente, les infrastructures, la transformation digitale ou encore la création de valeur, sont autant de thèmes que les intervenants se sont efforcé de passer en revue. Toutefois, si comme le proclament ses organisateurs, la conférence « tient toute ses promesses », elle souffre de certains écueils.

 

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Ce sont sous les auspices de Mr. Alioune Sarr, Ministre du Commerce, du Secteur informel, de la Consommation, de la Promotion des produits locaux et des PME, que s’est ouverte la conférence. Ce fut l’occasion pour Monsieur le ministre d’évoquer les grands défis de l’exécution dans le contexte particulier du Sénégal. Néanmoins, c’est à l’échelle du continent que les intervenants se sont penché sur les défis à venir : pour Patrice Fonlladosa, PDG de Veolia Afrique-Moyen-Orient, il est primordial d’anticiper le bond démographique qui aboutira d’ici 2050 au doublement de la population africaine. Aussi, la réussite de l’événement, qui doit beaucoup aux talents de rhéteur de son fondateur, était articulé notamment autour de la notion de « co-émergence » ou de « co-développement ». C’est une des particularités de cette conférence, et qui mérite d’être soulignée, tant les intervenants ont investi la question du renouvellement des relations entre les économies africaines d’une part, et celles des pays les plus développés, européens en particulier, de l’autre. Par ailleurs, l’intervention de Zouera Youssoufou a été particulièrement remarquée : la présidente de la fondation Dangote a rappelé que l’émergence, si elle ne profite pas aux « laissés pour compte » ne permettra pas l’essor d’une classe moyenne dans les pays africains. Engagée pour la baisse de la mortalité infantile, pour celle de la malnutrition ou encore en faveur de la scolarisation, elle a évoqué l’exemple de Lagos : près de 50% de la population y est circonscrite aux bidonvilles, exclue des bienfaits que procurent le développement, les infrastructures. En revanche, à la tête des « afro-optimiste », Pascal de Izaguirre, PDG de Corsair international, a rappelé l’immense potentiel que représente le marché africain.

 

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Monsieur Pascal De Izaguirre

 

Particulièrement remarqué, le Professeur Souleymane Bachir Diagne a convoqué Socrate, pour mieux expliquer quels sont les critères de l’attractivité : ces derniers ne tiennent pas tant à la beauté (le philosophe antique étant renommé pour sa laideur) mais plutôt au caractère « tape-à-l’œil ». Selon lui, aucune des barrières à l’attractivité n’est insurmontable, pourvu que l’on prenne suffisamment de perspective, et qu’une volonté intangible soit à la barre.

 

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Monsieur le professeur Souleymane Bachir Diagne 

 

Par ailleurs, il faut apporter à ces premières observations certaines nuances que le cynisme ambiant peine à dissimuler. Ainsi, Mr. Fonlladosa, en sa qualité de président du Medef Afrique Subsaharienne, a rappelé que son organisation est financée par les cotisation de ses adhérents, majoritairement constitués de PME. Toutefois, c’est bien la voie des grandes multinationales qui s’est exprimée à la tribune. Ainsi, Pascal de Izaguirre, entre deux appels à la « bienveillance » et au « supplément d’âme » a adressé des remontrances cinglantes aux pays africains : selon lui, les accords bilatéraux en matière de trafic aérien, les compagnies nationales, les réglementations sont autant d’outils politiques qui constituent des obstacles au développement des affaires. Aussi, au détour de son intervention, on a pu entendre le professeur Souleymane Bachir Diagne faire un éloge de la gentillesse – pour mieux saluer l’attitude du personnel de Corsair.  Plus encore, c’est l’intervention de Christopher Dembik, Responsable de l'analyse macroéconomique chez Saxo Bank, qui participe de cette ambiance toute particulière : « je vais peut-être choquer certains, mais quand il s’agit d’investir dans un pays, ce qui intéresse l’investisseur c’est la stabilité du pouvoir politique et non pas la démocratie ». Prenant l’exemple de la Chine, celui-ci a rappelé, dans le cadre des échanges qui avait pour thème l’attractivité, que seule la stabilité économique importe aux investisseurs, avec assez peu de mansuétude pour le reste de la population. Voilà en somme une morale bien instruite. Le tout était ponctué de « pause networking » qui sont, à n’en point douter, un élément central de la conférence, favorisant la mise en relation de futurs partenaires commerciaux.

 

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Monsieur Christopher Dembik

 

Aussi, derrière les ambitions affichées de la conférence, celles d’un sommet économique, le politique est palpable parmi les interventions successives. On peut déplorer à ce titre que certains parmi les panels d’invités se soient livrés à un triste exercice professoral, distribuant les bons points aux « bons élèves », fustigeant les « cancres » du développement à l’occidentale parmi les pays africains.

Toutefois, chez d’autres, on voit poindre les aspirations à un modèle original de développement africain, départi des canons occidentaux, et selon des modalités que regroupe le terme de « co-développement ». De plus, il faut souligner la fraîcheur qui parcours les plénières, qui tient à la diversité au sein des panels, et qui est à mettre au crédit des organisateurs : les interventions d’un philosophe, de philanthropes, d’économistes viennent donner de la hauteur à la réflexion des praticiens de l’économie, participant de la construction d’un espace innovant et enrichissant de débat.

 

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