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Pierre Wemaëre, du marketing parisien à la brousse béninoise

Pierre Wemaëre Bénin artemisia permaculturePierre Wemaëre Bénin artemisia permaculture
Écrit par Justine Hugues
Publié le 4 juillet 2018, mis à jour le 3 décembre 2020

Il y a deux ans, Pierre Wemaëre et sa famille laissaient derrière eux la région parisienne pour se lancer dans l’aventure de la brousse béninoise. Depuis sa ferme agro-écologique La Providence, Pierre, insatiable entrepreneur social, revient avec nous sur les points forts de son expérience, de la permaculture à la prévention du paludisme. 

 

« Quand nous sommes arrivés, il n’y avait rien : pas d’outil, pas de main d’œuvre, pas de budget. Ici, on s’en remet beaucoup à la providence, mais je n’avais pas démissionné et quitté ma vie française pour attendre que l’argent me tombe sur la tête ». Lorsque Pierre, sa compagne Marine et leurs trois enfants, Héloïse, Alban et Félix, débarquent à Banigbé, à 25km de Porto Novo et quelques heures de route de Cotonou,  le terrain de Saint-André de Banigbé est en friche et la précarité extrême dans le village. 

 

Envoyé comme volontaire par l’ONG catholique de solidarité internationale FIDESCO, Pierre a pour mission de développer une agriculture locale et solidaire sur les terres paroissiales, main dans la main avec la communauté. « L’idée était de redonner le goût de la terre aux jeunes qui ne pensent qu’à aller au Nigéria faire du business, mais aussi de mettre en place des activités avec les écoliers et de donner des moyens de subsistance aux plus démunis : veuves, orphelins, personnes âgées, malades », raconte Pierre.  

 

Comme un clin d’œil à leurs nouveaux voisins, pour qui la vie est inextricablement liée au destin, Pierre et Marine montent la ferme agro-écologique « La Providence ». L’amarante, les arachides et haricots deviennent vite le nouveau terrain de jeu des paroissiens, jeunes et vieux. 

 

 

Pierre Wemaere Bénin ferme La Providence
Vue aérienne de la ferme agro-écologique La Providence

 

Quand « Monsieur Artemisia » part au combat contre le paludisme

 

Fort de son expérience en droit rural et économie agricole, et armé d’une bonne dose de bon sens, Pierre développe une agriculture vivrière en permaculture, aux bénéfices de la communauté. «  L’idée est de produire et vendre des produits locaux et organiques à un prix dérisoire ». 

 

Parallèlement, celui qui a emporté la plante d’artemisia dans ses bagages, en guise d’antipaludéen, observe les ravages que fait la maladie dans les familles béninoises. «  Au Bénin, une étude a montré que 30% de l’absentéisme, dans le milieu scolaire ou professionnel, est lié au paludisme. C’est un véritable fléau », constate Pierre avec amertume. «  Or, les traitement classiques, ne sont pas accessibles : trop loin, trop chers, mal conservés. Il y aussi beaucoup de faux médicaments qui circulent. Imaginez que vous êtes malades et vous achetez un placébo ! » Pour Pierre, en dépit des critiques récurrentes de l’usage de la plante formulées par la médecine conventionnelle et les sages de l’OMS, l’artemisia a déjà donné des preuves cliniques de son efficacité pour prévenir et guérir le paludisme. « Nous sommes la preuve vivante que ça marche. Toute la famille ne boit que des tisanes d’artemisia depuis notre arrivée », illustre-t-il. Pierre part donc frapper aux portes, pour faire reconnaître la plante dans l’herbier national du Bénin dans un premier temps, avant de lancer sa production et commercialisation. 

 

Pierre Wemaere Bénin ferme La Providence
Pierre et Serge, gestionnaire de champ à La Providence

 

 

« Nous nous sommes heurtés à beaucoup de suspicions du côté de la médecine conventionnelle comme des guérisseurs traditionnels. Il y a pas mal d’intérêts économiques en jeu et l’on dérangeait un peu. Mais quand on voit l’ampleur que cela prend, c’est magnifique ! » L’artemisia de la ferme de La Providence est aujourd’hui commercialisée dans de nombreuses pharmacies du pays, dont la plus grosse de Cotonou. Ce qui a valu à Pierre le surnom de « Monsieur Artemisia ». Les élèves des écoles environnantes viennent régulièrement à la ferme pour des activités éducatives et ludiques, ainsi que pour boire des tisanes d’artemisia. « Aucun d’entre eux n’a fait de crise de paludisme depuis le début de l’année », se réjouit Pierre. Par ailleurs, le Français et son équipe locale dispensent des formations auprès de ceux qui aspirent à se lancer dans la culture de la plante, au Benin et dans les pays limitrophes.  « La filière s’organise peu à peu. L’idée n’est pas de créer un autre business parallèle de la malaria mais de garder ce but social d’un remède naturel et accessible à tous », précise Pierre. 

 

 

« Entre la France et le Bénin, nous avons fait le grand écart de l’acculturation »

 

« Le fait de se retrouver en brousse quand on vient de région parisienne, ce n’est pas évident », se souvient Pierre lors de ses débuts à Banigbé. « On perd tous nos repères, la moindre chose est compliquée. Nous avons vraiment fait un grand écart en terme d’acculturation ». 

 

Pierre Wemaere Bénin ferme La Providence
Pierre, aux côtés des veuves de la paroisse

 

Un grand écart facilité par l’accueil inconditionnel des Béninois et expatriés de la capitale. « Cela peut paraître cliché mais même les personnes les plus pauvres nous ont toujours ouvert leurs portes et accueillis comme des frères. Quant aux expatriés, ils ont immédiatement soutenu notre projet, ont partagé leur réseau, et nous ont permis de garder un bon équilibre entre vie locale et un peu plus de confort certains week-ends ». 

 

Pas question, pour l’instant, de revenir en France pour Pierre et sa famille, que ces deux années d’expérience ont transformés. Direction Douala au Cameroun, où Pierre a obtenu un poste dans une ONG française pour accompagner les entrepreneurs locaux. « Les enfants auront une vie un peu plus normale », dit-il en riant. Un salaire pour Pierre, la clim pour tout le monde peut-être, sans oublier les tisanes d’artemisia, qui continueront de bercer le quotidien de cette famille hors-norme. 

 

Justine Hugues
Publié le 4 juillet 2018, mis à jour le 3 décembre 2020

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