L'infection palustre pendant la grossesse représente un problème de santé publique majeur, comportant des risques substantiels pour la mère, le f?tus puis le nouveau-né, notamment une pathologie associée au paludisme chez la mère et un faible poids de naissance de l'enfant. L'Institut de Recherche pour le développement (IRD) de Cotonou a mis en place un vaccin pour lutter contre cette infection. Adrian Luty, Directeur de Recherche à l'IRD nous en parle.
Présentation de l'Institut de recherche pour le développement de Cotonou
L'Institut de recherche pour le développement est une Institution gouvernementale française qui a pour vocation de faire de la recherche dans plusieurs domaines. La santé, l'hydrologie, l'agronomie, l'océanographie ont tous des unités de recherche au Bénin.
Le Directeur de recherche Adrian Luty dépend de l'unité de recherche en santé, MERIT UMR 2016, basée à Paris, à la Faculté de pharmacie de l'Université Descartes. Cette unité a pour but essentiellement les recherches en santé de la mère et de l'enfant, dont l'un des axes majeurs est la lutte contre le paludisme.
L'unité est associée à des partenaires béninois depuis 2004 avec la Faculté des Sciences et de la Santé de l'Université d'Abomey Calavi, et a pour vocation de faire de la recherche au Sud, avec le Sud et pour le Sud. Lorsque l'on rejoint cette unité en tant que chercheur, il est bien entendu que l'on va partir en expatriation le temps de la mission, en Afrique Subsaharienne notamment.
A la Faculté des Sciences et de la Santé de Cotonou, il existe deux laboratoires, l'un de biologie et l'autre de biologie moléculaire. Les projets actuels sont axés sur le paludisme. Adrian Luty est immunologiste et pour lui le plus intéressant est actuellement la mise en développement d'un vaccin qui vise à prévenir l'infection palustre chez la femme enceinte.
Pourquoi des recherches plutôt axées sur un vaccin à destination de la femme enceinte ?
La femme enceinte aurait une susceptibilité au parasite plus élevée, non seulement à cause d'une baisse d'immunité liée à la grossesse, mais également parce que le parasite trouve une nouvelle niche d'infection dans le placenta. Il peut même s'y installé sans qu'on le sache et la femme ne présentera aucun symptôme s'il n'y a pas d'examens systématiques réalisés.
Il existe déjà depuis longtemps une approche de traitement préventif intermittent, des médicaments que la femme enceinte doit prendre pendant la grossesse à partir du 2ème trimestre, à base de sulfadoxine ? pyriméthamine, la nivaquine n'étant plus totalement efficace. Le problème de ce traitement, comme pour la nivaquine devient la résistance.
Les réflexions ont donc été menées pour trouver un nouveau substitut à ce combiné, mais elles se sont jusqu'à présent toutes soldées par un échec. La prévention la plus efficace reste encore la moustiquaire imprégnée.
Le travail sur le développement d'un vaccin a duré plus de dix ans. Arriver au concept même d'un vaccin était assez rapide puisqu'il a été étudié que les femmes enceintes développaient une auto-immunité au fur et à mesure de leurs grossesses. Le vaccin vise plus particulièrement les femmes primi-geste, qui sont les plus à risque dans cette infection.
Quels sont les risques pour une femme enceinte qui attrape le palu ?
Une femme enceinte atteinte d'une infection palustre sera anémiée ce qui l'affaiblira durant la grossesse. Le f?tus, du fait que le parasite se niche dans le placenta, empêchant ce dernier d'assurer toutes ses fonctions nutritives naîtra avec un faible poids de naissance et sera plus susceptible d'attraper le palu par la suite du fait de son système immunitaire altéré. Le paludisme ne se transmet en général pas de la mère à l'enfant ni pendant la grossesse, ni au moment de la naissance.
L'actuel vaccin entre dans sa phase première de test
Dans le développement d'un vaccin, une fois ce dernier produit, on va faire les premiers tests chez l'homme. Pour l'instant les pays tests pour ce vaccin sont le Bénin et l'Allemagne, le laboratoire béninois travaillant en lien étroit avec un laboratoire allemand.
Le but de ces tests est de voir si le vaccin administré a des effets secondaires, s'il n'est pas nocif et s'il est immunogène, c'est-à-dire s'il produit effectivement des anticorps.
Les personnes volontaires pour les tests ne sont absolument pas des femmes enceintes, mais, au démarrage dans une phase test 1, une dizaine de personnes subdivisée en petit groupe. Ces personnes vont recevoir au fur et à mesure des doses plus importantes de vaccin pour voir combien de doses il est possible d'administrer sans effets secondaires et pour voir si la réponse en anticorps est meilleure au fur et à mesure des doses reçues.
Le démarrage se fait en Allemagne sur des volontaires hommes et femmes, puis au Bénin avec uniquement des femmes qui n'ont encore jamais eu d'enfant et qui vont s'engager tout le temps que dureront les tests à ne pas tomber enceinte.
On administre trois vaccins décalés d'un mois puis un quatrième vaccin six mois après. L'étude devrait démarrer au mois de juin au Bénin lorsque le comité allemand aura donné son accord à l'issue des tests réalisés sur la dizaine de volontaires.
A l'issue de cet essai de phase 1, on saura si le vaccin est efficace. Si tout va bien on passe à des essais de phase 2, qui se déroule à plus grande échelle avec une centaine de volontaires. Durant cette phase on peut envisager de recruter des volontaires qui ont le souhait de tomber enceintes. On les vaccinera au préalable et on pourra par la suite étudier les effets du vaccins sur le déroulement de la grossesse (sans que ces femmes ne reçoivent de vaccin durant la grossesse !). Il faudra donc attendre un peu plus longtemps pour voir également s'il y a des effets sur le bébé à naitre.
Ce vaccin qui vise à prévenir l'infection palustre chez la femme enceinte est une première mondiale
D'une part on peut dire que c'est une très bonne chose pour le Bénin d'être pilote dans cette recherche. Si ça marche au Bénin on pourra tester ce vaccin dans d'autres pays.
Il existe un autre vaccin développé par les laboratoires GlaxoSmithKline qui cible les nouveaux nés. Ce vaccin est en phase test 4. Il a développé une efficacité certaine, moindre que ce qui était escompté au départ pour les nouveaux nés, mais il a donné plus de résultats sur les enfants plus âgés. Il a été décidé d'administrer au cours de cette phase 4, quatre doses de vaccin aux nouveau nés. L'OMS a tranché en disant qu'elle n'était pas totalement convaincue et qu'il fallait faire en sorte que le vaccin soit administré comme s'il s'agissait de la vraie vie afin de voir l'attitude des parents vis à vis de ce vaccin. En réalité sur un vaccin efficace à environ 50% des cas, il s'agit de savoir si les parents engageront les démarches pour faire vacciner leurs enfants jusqu'au bout, à savoir trois vaccins à un mois d'intervalle les premiers mois de la vie puis un quatrième vaccin six mois plus tard.
C'est malgré tout prometteur dans les avancées de la recherche sur le vaccin anti-palu, on espère qu'il y aura d'autre recherches engagées sur d'autres cibles et d'une efficacité plus importante par la suite.
Les recherches sur ce vaccin sont en majeure partie financées par la Fondation Bill Gates et par les laboratoires GlaxoSmithKline. Le vaccin à destination des femmes primi-geste l'est par les fonds pour la santé de l'Union Européenne.
Interview réalisée auprès d'Adrian Luty, Directeur de recherche à l'IRD de Cotonou
Florence Bourreau (www.lepetitjournal.com/cotonou) lundi 25 avril 2016
Sources : wikipédia et article Europe 1 du 24 avril 2015 « Vaccin anti-paludisme : une protection réelle mais limitée »