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Gauguin : de Copenhague à Tahiti

Le nom de Paul Gauguin est indissociable des paysages paradisiaques de la Polynésie. Pourtant, l'artiste fut marié à une Danoise, Mette-Sophie Gad, et le Danemark fut le théâtre d'une rupture personnelle et professionnelle qui le poussa vers son destin exotique. C'est cette période danoise difficile qui a paradoxalement catalysé le tournant radical qui allait faire de lui l'un des maîtres du post-Impressionnisme, aux dépens de sa vie familiale.

Gauguin entre Danemark et FranceGauguin entre Danemark et France
Écrit par Gwladys N'Djem Nadi
Publié le 26 novembre 2025, mis à jour le 3 décembre 2025

 

Gauguin et l’échec Danois

Après avoir abandonné sa carrière lucrative d'agent de change à Paris en 1882 pour se consacrer entièrement à l'art, les difficultés financières s'accumulent. Son épouse, Mette-Sophie Gad, décide alors de rejoindre sa famille à Copenhague avec leurs cinq enfants. Gauguin la suit en novembre 1884, espérant y trouver à la fois stabilité et débouchés.
Mais ce séjour danois fut un échec personnel. Gauguin, l'ancien boursier parisien désormais artiste bohème, se heurte au conformisme de la bourgeoisie danoise. Sa peinture est incomprise - jugée trop radicale par le milieu académique danois - et la vie avec la famille de Mette s'avère difficile et celle-ci est excédée par l'irresponsabilité financière de l’artiste.
En juin 1885, Gauguin prend la décision radicale de quitter le Danemark et sa famille pour retourner seul en France, laissant derrière lui Mette et les enfants. Cette date marque la rupture définitive de la vie conjugale.

 

Mette la résiliente

Après quelques années en France, Gauguin exprime un besoin viscéral de fuir la civilisation occidentale, qu'il juge hypocrite et stérile. Il s'embarque pour Tahiti en avril 1891, cherchant un monde « plus simple et plus élémentaire » pour y vivre d'« extase, de calme et d'art ». Son départ pour la Polynésie fut l'acte final de l'abandon de sa responsabilité familiale. Mette a alors utilisé ses compétences linguistiques pour se lancer dans le travail de traductrice entre le français et le danois, une activité qui lui a permis de gagner sa vie et d'élever seule ses 5 enfants. De plus, elle est restée dépositaire des toiles que Gauguin avait laissées derrière lui, y compris ses propres œuvres et la collection d'œuvres impressionnistes qu'il avait constituée (Pissarro, Cézanne, etc.). Elle a organisé la vente progressive de ces toiles pour faire vivre sa famille.

Le couple ne divorcera jamais officiellement, mais ne se reverra plus.

 

Photo de Gauguin et sa femme Mette
©Photo_studio_Julie_Laurberg_and_Franzisk_Portrait of Mette and Paul Gauguin 1885

 

Malgré la rupture personnelle et la rancœur qu'elle nourrissait pour l'abandon de sa famille par son mari, Mette a aussi joué un rôle essentiel dans la reconnaissance de Gauguin. Elle a activement soutenu et organisé des expositions des œuvres de Gauguin au Danemark, notamment en 1889, et en gérant les œuvres qu'il lui envoyait de Tahiti. Paul Gauguin lui-même lui écrivait pour lui donner des instructions sur les titres des tableaux pour les catalogues, y compris pour l'exposition de 1893.

Le fait qu'elle ait été contrainte de vendre les œuvres de son mari et sa collection personnelle a eu une conséquence majeure et positive : ces tableaux constituent la base des collections impressionnistes et post-impressionnistes danoises conservées aujourd'hui, notamment à la Glyptotek de Copenhague où une exposition est à découvrir jusqu'à fin 2026.

 

 

Gauguin, la vie polynésienne

En Polynésie, Gauguin se construit une nouvelle vie et crée ses œuvres les plus célèbres, peignant des scènes de la vie locale et de jeunes femmes polynésiennes.

Gauguin cherche à s'immerger totalement dans la culture indigène. Il prend pour compagnes des jeunes filles. La plus célèbre, Teha'amana (ou Tehura), aurait eu environ 13 ans lors de leur union. On peut donc affirmer que Gauguin a noué des relations successives avec des adolescentes. Ce fait immoral est un élément constant de son mode de vie en Polynésie et bien entendu un sujet de controverse important dans l'étude de son œuvre aujourd'hui.
Gauguin peint donc ces Vahinés dans des compositions colorées et synthétiques, souvent dépeintes dans des attitudes de repos ou de méditation, comme dans ses chefs-d'œuvre Femmes de Tahiti ou Nafea Faaipoipo.

 

Femmes tahitiennes par Gauguin
©Femmes tahitiennes par Gauguin_Glyptotek

 

Le Danemark, par le biais de son mariage raté, fut donc le point de départ de son exil. Un exil qui coûta à Gauguin sa famille, mais lui donna l'inspiration nécessaire pour laisser une empreinte indélébile sur l'histoire de l'art mondial.

 

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