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Le Danemark et la France commémorent le 10ᵉ anniversaire des attaques terroristes

Dix ans après les attentats de Paris et de Copenhague, responsables politiques, survivants et experts se sont réunis dans la capitale danoise pour défendre une démocratie mise à l'épreuve par le terrorisme. Au cœur des débats : liberté d'expression, mémoire des victimes et transmission aux nouvelles générations.

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©Sibylle de Valence
Écrit par Sibylle de Valence
Publié le 15 décembre 2025

 

« Nous assistons à un rétrécissement de la liberté d'expression, avec un phénomène d'autocensure dans le débat public », alerte Francois Molins, figure centrale de la justice française dans la lutte contre le terrorisme, invité à l'initiative de l'Ambassade de France au Danemark, l'association Finn Nørgaard et Nordic Safe Cities.

Le 14 février 2015, Copenhague était frappée par une fusillade visant un débat sur la liberté d'expression au centre culturel Krudttønden, suivie d'une attaque contre la synagogue de la ville. Deux personnes y perdaient la vie : le réalisateur Finn Nørgaard et Dan Uzan, jeune volontaire de la communauté juive. Quelques mois plus tard, le 13 novembre, Paris subissait l'un des attentats les plus meurtriers de son histoire : 149 victimes et plus de 1500 blessés sur dix sites, du stade de France, aux terrasses parisiennes, jusqu'au Bataclan. Des attaques visant le cœur même de la démocratie.

 

La liberté d'expression, ligne rouge démocratique

Ancien procureur général du parquet de Paris, François Molins a été au cœur des grandes affaires terroristes de la dernière décennie. Il a confié avoir été paralysé en entrant au Bataclan, confronté à « une véritable scène de guerre » : 90 corps entassés dans un silence glaçant. Pour lui, le 13 novembre marque un basculement « dans la logique de la tuerie de masse, où chacun devient une cible potentielle. »

Face à cette violence, la liberté d'expression reste, selon lui, un pilier non négociable. « Quand les gens ont peur d'offenser, même par l'humour, on entre déjà dans une forme de censure. » Il rappelle que la critique et l'ironie sont essentielles aux démocraties et compatibles avec la foi religieuse. « On peut rire de Dieu », cite-t-il, reprenant une phrase attribuée au pape François.
Un point de vue partagé par Frederik Stjernfelt, professeur à l'Université d'Aalborg : « Une liberté d'expression qui ne dérange jamais n'est pas une véritable liberté. »

 

Frederik Stjernfelt et Francois Molins débattent sur la liberté d'expression dans les salons de l'Ambassade de France / ©Tayf Shaker
Frederik Stjernfelt et Francois Molins débattent sur la liberté d'expression dans les salons de l'Ambassade de France ce 12 décembre / ©Tayf Shaker

 

Menaces hybrides, quand la démocratie est attaquée de l'intérieur

Au Parlement danois, à Christiansborg, les témoignages de survivants ont posé une question centrale : dans quelle société choisissons-nous de vivre ? Experts et responsables politiques ont évoqué l'évolution des menaces. Si les attentats sont l'expression violente et visible du terrorisme, la désinformation sur les réseaux sociaux, la polarisation des débats et l'autocensure forment des menaces hybrides qui fragilisent les démocraties de l'intérieur.

Le terrorisme a évolué et s'est adapté à l'espace numérique, devenant plus difficile à détecter. Liberté d'expression, confiance et cohésion sociale sont mises à mal sans confrontation directe. Dans ce contexte, la cohésion sociale n'est pas seulement un enjeu démocratique, mais relève de la sécurité nationale.

François Zimeray, victime de l'attentat de Krudttønden alors qu'il occupait la fonction d'ambassadeur, s'inquiète : « Nous avons créé une génération qui n'a pas connu les libertés que nous avons connues. Comment en faire des défenseurs de libertés qu'ils n'ont pas connues ? »

 

La mémoire, rempart de la démocratie

Pour François Molins, la mémoire est un outil de résilience : « la verbalisation aide à supporter ». Entretenir le souvenir, transmettre aux jeunes générations, cultiver le lien social, faire de ces événements communs une part de notre identité collective pour ne pas céder à l'oubli. Le projet de Musée-mémorial du terrorisme à Paris qu'il préside s'inscrit justement dans cette volonté de transmission.

 


« 2015 a été un test pour nos démocraties, mettant à l'épreuve leur capacité à répondre à la violence sans renoncer à ce qu'elles sont. », affirme Christophe Parisot, ambassadeur de France au Danemark. « La France et le Danemark partagent une destinée commune. L'Europe doit y répondre collectivement pour protéger ses valeurs et ses libertés. »

Commémoration devant l'ambassade de France
Commémoration devant l'ambassade de France, en présence de Christophe Parisot - Ambassadeur de France, Pia Toftdal - secrétaire générale Finn Nørgaard Association, Søren Gade - Président du Parlement danois, Jeppe Albers - Fondateur & CEO Nordic Safe Cities et Vincent Caure - député francais. ©Tayf Shaker

 

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