Mohamed Ouzine, réalisateur de Samir dans la poussière est venu présenter son film à Cologne, ce mercredi 27 septembre dans le cadre du festival de films africains.
Lepetitjournal.com/cologne : Après "Une heure seulement" et "Caravane", "Samir dans la poussière" est votre 3ème film. Comment êtes-vous devenu réalisateur ?
Mohamed Ouzine : Le début c’est un livre de Josef Koudelka, un photographe immense qui a photographié notamment les bidonvilles de Nanterre. En voyant ces images, cela m’a tellement parlé que j’ai acheté un appareil photo. J’ai pris beaucoup de photos et un jour je photographiais une association qui organisait des rencontres entre les enfants et leurs mères incarcérées. Je me suis retrouvé avec une caméra et cela a fait un film, Une heure seulement. Cela a été un échec mais j’ai beaucoup appris.
Dans Samir dans la poussière, vous faites le portrait de votre neveu, jeune contrebandier qui transporte du carburant à dos de mule à la frontière marocaine. Qu’est-ce qui vous a conduit à réaliser ce documentaire ?
J’ai plutôt eu le besoin de tourner ce film. Je suis né en France d’une mère marocaine et d’un père algérien et quand j’étais enfant, j’allais souvent au Maghreb avec mes parents. A l’âge de l’adolescence, je préférais partir avec mes copains plutôt que d’aller au bled. Je ne suis pas retourné en Algérie jusqu’à ce que mon père décède en 2008. Dès que j’ai mis le pied en Algérie, j’ai vu ces visages parcheminés, tatoués, partout des vieux sur des mules. J’ai cru voir des formes mélancoliques dans les montagnes et j’ai eu envie de filmer cela.
Quel message souhaitez-vous faire passer à travers ce documentaire ?
S’il y a un message, c’est que Samir représente assez bien cette jeunesse désœuvrée dans ce coin d’Algérie, cette jeunesse qui attend.
C’est votre premier film tourné en Algérie. Vos liens sont-ils différents avec ce pays aujourd’hui ?
Oui j’ai un autre rapport avec ce pays car je continue à y aller beaucoup. J’ai l’impression que ces collines, ces montagnes dans cette région des contreforts de l’Atlas témoignent de quelque chose. Cela m’inspire énormément et j’ai très envie de refaire un film là-bas.
Le tournage a-t-il été compliqué à cause du sujet ?
Pour obtenir une autorisation de tournage, il faut avoir une production en Algérie. On avait donc une coproduction là-bas et on donne ensuite un projet de film qui n’est pas forcément le vrai projet. J’ai peu parlé de la contrebande de mazout mais le film le montre assez peu. Cela a été parfois inconfortable car les gens là-bas n’ont pas l’habitude de voir des caméras et il y a aussi les militaires. Il fallait aller pointer à la gendarmerie. Mais l’Etat algérien et le consulat en France ont été super avec moi.
Comment le film a-t-il été financé ?
On a eu un financement du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), de la région Centre où j’habite, du Doha Film Institute, la SACEM pour la musique et la Seine Saint Denis qui aide des films à partir d’un pré-montage.
Votre film a reçu plusieurs prix, notamment le Prix du jury du Moyen métrage le plus innovant du festival Visions du Réel 2016. Cette reconnaissance est-elle importante pour vous ?
C’est important pour le prochain film.
Quelles réactions avez-vous eues en Europe et en Algérie ?
Souvent on me dit : "c’est triste". Les gens sont soit touchés positivement soit touchés mais en colère. Peut-être parce que le rythme est très lent. Parfois on me dit que ce n’est pas un documentaire mais plus une fiction et cela mène souvent à des débats passionnants.
Quel est le cinéma que vous aimez ?
J’aime les grands espaces, les films sur la relation des hommes avec la nature, les films qui suggèrent plus qu’ils ne disent.
Que pensez-vous du cinéma algérien aujourd’hui ?
Il y a un grand dynamisme. Lors du festival de Béjaïa , j’ai vu des films incroyables. Il y a des réalisateurs comme Tariq Teguia (Rome plutôt que vous, Inland) qui font un cinéma particulier, avec assez peu de dialogues et beaucoup de choses suggérées.
Un projet de film en perspective ?
Oui. Ce sera un western… en Algérie.
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