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Sylvestre Amoussou : "Le rôle du cinéaste est de susciter des débats"

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Écrit par Magali Hamon
Publié le 26 septembre 2017, mis à jour le 11 janvier 2021

Le réalisateur béninois Sylvestre Amoussou est venu présenter son dernier film “L’orage africain, un continent sous influence” dimanche soir au Filmforum du Musée Ludwig dans le cadre du festival de films africains. Le cinéaste nous a accordé une interview à l’issue de la projection

 

Lepetitjournal.com/cologne : "L’Orage africain, un continent sous influence" raconte l’histoire d’un président africain imaginaire qui décide de nationaliser tous les moyens de production installés sur son territoire par des étrangers : puits de pétrole, mines d’or, de diamants, etc. Comment est née l’idée de ce film ?

Sylvestre Amoussou : Je voyage beaucoup en Afrique, j’ai écouté la jeunesse et remarqué que partout les jeunes étaient en train de se poser des questions sur leur devenir. On parle beaucoup du continent africain comme d’un continent riche : comment cela se fait-il qu’il soit aussi pauvre en surface ? Il y a beaucoup de prédateurs qui viennent de l’extérieur et seulement ceux-là s’enrichissent alors que les gens à qui appartiennent la terre et le sous-sol, eux,  ne profitent pas. Ils ont des dirigeants qui pour la plupart ne s'en préoccupent pas car ils sont mis à la tête des Etats par des commanditaires.

Vous avez décroché le 2ème prix au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), édition 2017. C’est la première fois qu’un Béninois atteint un tel niveau dans le palmarès d’une compétition de cinéma. Comment avez-vous réagi ?

J’ai été très heureux parce que le film est un travail de plusieurs années. J’ai également reçu le Prix Spécial de l’Assemblée Nationale du Burkina Faso, c’était extraordinaire. Je me suis dit que les politiques m’avaient compris et entendu et les professionnels du cinéma m’ont aussi récompensé. Dans la salle, c’était l’enthousiasme.

Vous incarnez vous-même ce chef d’Etat africain. Pourquoi ce choix ?

Je l’ai toujours fait. Dès mon début au théâtre, j’ai signé des contrats en tant que comédien puis les rôles au cinéma se sont enchaînés. Récemment j’ai joué dans Bienvenue à Marly- Gomont, Il a déjà tes yeux, etc. Les rôles que je ne retrouve pas au cinéma, je les écris. J’ai réalisé sept courts-métrages avant de passer aux long-métrages dans lesquels j’ai toujours joué. C’est un exercice que j’aime et que j’ai toujours fait.

Comment avez-vous trouvé les financements ?

Le film a été financé par des gens qui me connaissent et qui ont aimé Africa Paradis et Un pas en avant, notamment des chefs d’entreprise du Bénin, des privés et quelques amis en France. On s’est endettés et on a emprunté pour pouvoir faire le film car c’était un sujet qui me tenait vraiment à cœur. J’ai mis dix ans pour le faire car je voulais être au plus près de la réalité même si c’est une fiction.

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Vous dénoncez dans votre film l’exploitation économique de l’Afrique, vous a-t-on reproché d’être contre l’Occident ? Cela vous a-t-il valu des critiques ?

Pour le moment non car le film va sortir, mais les Africains sont enthousiastes car c’est un sujet qui les touche directement. Je m’attends à recevoir des critiques positives comme négatives en Europe. Le rôle du cinéaste est aussi de susciter des débats.

Est-ce que ce film dénonce également la vague de privatisations engagées par Patrice Talon depuis son arrivée au pouvoir il y a un an et demi maintenant ?

Le film n’a rien à voir avec Patrice Talon. Il faut le laisser aller à mi-mandat pour faire le point et voir ce qui a fonctionné ou pas. Pour l’instant, c’est trop tôt pour pouvoir émettre un quelconque jugement.

Quelle votre position par rapport au mouvement actuel de rejet du franc CFA par certains ?

Je suis à 100% pour le rejet du franc CFA et pour avoir une monnaie communautaire. Je suis pour qu’on sorte de cette monnaie et qu’on ait la paix car aujourd’hui le trésor public français garde 50% de nos réserves de changes !

Vous êtes réalisateur, producteur, acteur et scénariste. N’est-ce pas difficile de porter toutes ces casquettes ?

C’est vrai que c’est très difficile, mais au départ ce n’était pas un choix. Un réalisateur a envie d’avoir un producteur qui finance et qui l’accompagne mais quand on n’a pas de producteur, on le fait. C'est un investissement. Mais aujourd’hui des acteurs comme Guillaume Canet et Josiane Balasko écrivent, jouent et réalisent le film.

La plupart de vos films traitent des sujets délicats qui montrent la beauté de l'Afrique mais dénoncent aussi les problèmes qui sapent le développement de ce continent. Quel est le message que vous souhaitez véhiculer ?

L’éveil des consciences. Mon message c'est : "Jeunesse africaine, prenez votre destin en main, c’est à vous de construire l’Afrique !" Je précise que ce n’est pas un film contre les peuples, car les Européens ne sont pas nos ennemis et on combat les mêmes personnes : les oligarques qui sont au sommet des Etats.

Quel regard portez-vous sur le cinéma africain ?

Il n’y a pas un mais des cinémas africains. Il faut que les dirigeants mettent en place des systèmes pour pouvoir financer les cinémas d’Afrique et qu’on puisse avoir l’indépendance. Car le cinéma c’est une arme, on peut l’utiliser pour éduquer les sociétés.

Publié le 26 septembre 2017, mis à jour le 11 janvier 2021

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