Ancien dirigeant de restaurant étoilé, James Douglas Noble a acheté il y a 20 ans un terrain de 500 rais à Chiang Mai. Aujourd’hui, il s’apprête à ouvrir la première attraction touristique résolument tournée vers l’agriculture.
Ferme aux multiples facettes, Ori9ins est un projet initié il y a six ans par l’ancien chef étoilé au Michelin, James Douglas Noble et son épouse May. Situé à une trentaine de kilomètres au nord de Chiang Mai, ce site agrotouristique d'un genre nouveau occupe un terrain de plus de 500 rais (environ 800.000 mètres carrés) avec d’un côté des serres et des terrains loués à des restaurants et hôtels de renom en Thaïlande. De l’autre, un labyrinthe de maïs géants dans lequel il sera possible à partir du 5 décembre de se perdre une journée entière, ainsi que le restaurant Waiting For May plus proche du centre-ville de Chiang Mai.
“Le labyrinthe de maïs occupe 200 rais. Il y aura une échoppe de pop-corn, de crème glacée, un stand pour un café ou un verre de vin, etc. Donc même si vous êtes perdu, vous ne serez pas si mal!” plaisante James Noble lors de notre visite de sa ferme et des champs de maïs qui n’arrivent encore qu'à hauteur d'épaule et devraient arriver à maturité au début du mois de décembre.
Originaire du quartier de Chelsea à Londres, James Noble a dirigé en Angleterre un restaurant deux étoiles au guide Michelin. Il a également été le cuisinier personnel de Mick Jagger. Il arrêté il y a vingt ans, à la suite du décès de son épouse, Catherine. Un peu après, il est venu s’installer en Thaïlande avec en tête de lancer son projet de ferme organique et ludique.
“Je ne veux plus faire la course aux étoiles Michelin" dit-il. "J’ai perdu deux femmes, je n’ai pas vu mes enfants grandir. Voyager à travers le monde juste pour mettre trois choses sur une assiette et faire payer aux gens le double du prix, cela n’a pas de sens", explique le quinquagénaire. "Ori9ins est un projet que nous avions avec Catherine et une promesse que je lui dois”, confie-t-il.
Un projet qu’il lance avec son épouse thaïlandaise May et dont l'un des volets, le restaurant “Waiting for May” est un clin d’oeil et un hommage aux produits issus de la ferme. Ouvert depuis le mois de juillet, “Waiting for May” est un restaurant “pop-up” situé dans le quartier de Sansai à Chiang Mai, où les plats servis varient d’un jour à l’autre et ne sont jamais annoncés. “Nous attendons le retour de May [de la ferme] pour savoir quels sont les légumes et les produits qu’elle nous ramène du jardin. Et en cuisine c’est freestyle”, commente le Chef.
Malgré le Covid-19 et la crise économique liée aux mesures pour lutter contrer l’épidémie, James Noble a tenu à ouvrir ce restaurant temporaire pour plusieurs raisons : “Le restaurant est un projet de deux ans. Je voulais montrer que je n’avais pas peur de démarrer un restaurant pendant une pandémie, je voulais aider les gens en employant du personnel et en leur offrant un salaire. Ensuite, il y avait la saison des pluies et nous n’étions pas prêts pour accueillir les gens à la ferme, le restaurant est dès lors un showcase, une vitrine des produits de la ferme”.
Croquettes de cervelle, bourguignon aux joues de boeuf, sauté de grenouilles sont des exemples de plats que James Noble confectionne en cuisine avec son équipe. “Il faut venir ici sans a priori! Quand vous allez dans un restaurant, souvent vous choisissez des plats que vous connaissez, vous ne vous aventurez pas trop parce que vous devez payer. Ici, nous essayons d’élargir la gastronomie avec un menu à 1.500 bahts, vous pouvez arriver à 16 heures et repartir à 22 heures, entre-temps, vous pouvez manger tout ce que vous voulez!”, précise James.
La plupart des produits servis aux clients proviennent de la ferme Ori9ins et sont cultivés de manière organique et à la main. James Noble et son épouse tiennent en effet à ce que leur ferme soit 100% sans essence ou diesel. Ici pas de machines, mais un buffle pour retourner la terre. “Quand vous avez un tracteur, vous prenez le boulot de 20 hommes. De quoi avons-nous besoin en ce moment ? De boulot! Nous sommes un projet durable et l’idée n’est pas du tout de prendre des emplois, mais bien de pouvoir en offrir aux gens. Pour le moment, nous avons 28 employés, la ferme fonctionne sur le modèle d’une coopérative”, explique-t-il. “En un sens le Covid-19 est une opportunité. Avant, les plus jeunes ne voulaient plus travailler dans les champs, l’épidémie a mis en lumière l’importance des produits de la ferme”, ajoute-t-il.
Si les produits de la ferme sont importants, les plantes médicinales le sont tout autant. Un espace est ainsi entièrement dédié aux plantes sous le label “Pharm Farm”. Dans le futur, en fonction de la législation en Thaïlande, James Noble prévoit déjà de cultiver du canabis médical sur un terrain qu’il possède dans la province de Chiang Rai.
Pour limiter son empreinte écologique, James Noble assure qu'il n’importe que des fleurs du Laos, mais que pour le reste tout est local, même le chocolat. “Aujourd’hui, il y a de très bon chocolatiers, pourquoi dès lors continuer à importer du chocolat? En fait, dès qu’on peut réduire la distance, même d’un pays, il faudrait choisir cette solution. Le biologique est un mode de vie. La permaculture existait avant tout le reste, nos grands-parents cultivaient selon les principes de la permaculture, mais nous nous sommes éloignés de cela. Si nous y réfléchissons, de quoi avons-nous besoin ? De nourritures saines et d’un toit, c’est tout! Avec notre projet d’agrotourisme, nous espérons pouvoir éduquer les gens sur ces valeurs”, conclut James.