Transformer un hôtel à Chiang Mai en espace de travail et de vie communautaire pour nomades numériques, telle est l’idée d’un couple américano-britannique.
Depuis l’apparition du Covid-19 et les mesures prises par les autorités thaïlandaises pour lutter contre l’épidémie, de nombreux secteurs doivent s’adapter pour survivre face à l’absence de touristes. Tandis que d’autres catégories de personnes plus habituées à voyager et à changer de pays tous les mois, doivent s’adapter à une vie plus sédentaire, parfois loin de leur famille. Pour faire face à ces changements, la vie en communauté offre une solution pour les nomades numérique ainsi qu’une idée de reconversion pour certains hôtels.
A Chiang Mai, depuis le début du mois de novembre, seulement 60% des hôtels ont rouvert leurs portes. “La situation s’améliore”, affirme La-iad Bungsrithong, présidente de l’association des Hôtels pour la région Nord de la Thaïlande. “Entre les mois de juillet et septembre, le taux d’occupation des hôtels atteignait à peine 15 à 20% et seulement 30% des hôtels étaient ouverts. Depuis le début du mois de novembre, 60% des hôtels ont repris leur activité et le taux d’occupation oscille entre 60 et 70%”, ajoute la femme d'affaires qui est également directrice du RatiLanna Riverside Spa Resort.
Ces chiffres semblent rassurants mais ne sont pour autant pas définitivement acquis. L’annonce de dix femmes testées positif au Covid-19 ces jours-ci se fait sentir pour certains hôteliers. Nutrada Syncharoen, directrice de l’hôte Por Thapae Gate confirme : “Nous avons trois hôtels Por et depuis lundi, chaque hôtel a eu près de 15 annulations alors que nous nous attendions à avoir un bon mois de décembre!”. La saison à venir des brûlis ne rassurent pas non plus les hôteliers. “La période jusqu’au mois de février est très importantes pour le tourisme à Chiang Mai, encore plus cette année”, ajoute La-iad Bungsrithong.
Adaptation et flexibilité
Ouvert depuis le 1er novembre, l’hôtel Por Thapae Gate n’a connu que quatre mois de pleine activité avant de devoir fermer à cause de la pandémie du nouveau coronavirus. “Nous avons essayé d’ouvrir une première fois en juillet en proposant des formules de ‘staycation’, des séjours longues durées, mais cela n’a pas marché du tout. Nous n’avons pas de parking et donc nous n’intéressons pas du tout le public thaïlandais”, explique Nutrada.
Pour s’adapter et assurer un minimum de revenus, les deux autre hôtels Por, l’un situé à Santitham et l’autre à Haiya, ont transformé, avec succès, leur lobby en café le jour et bar le soir. Une solution qui n’était pas transposable pour la branche à Thapae puisque la ville est relativement désertée.
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Un peu par hasard, Nutrada Syncharoen, a fini par rencontrer l’Américaine Brittnee Bond et l’Anglais Andy Ward. Ensemble, ils ont décidé de convertir l’hôtel en un espace communautaire et de télétravail.
“L’idée a émergée à Koh Phangan”, raconte Brittnee Bond, fondatrice de Remote Collective, une plateforme qui rassemble et connecte les nomades digitaux. “Avec le Covid-19, de nombreux nomades se sont retrouvés ‘coincés’ à Koh Phangan et de manière organique, une communauté s’est créée au fil des semaines et des mois au fur et à mesure que des gens arrivaient, nous étions tous dans le même resort mais chacun dans son bungalow”, ajoute l’Américaine. Depuis quatre ans, Brittnee passe la période hivernale à Chiang Mai, dès lors il était naturel pour elle de revenir dans la ville et de construire une nouvelle communauté avec Andy Ward, un propriétaire d’espace de télétravail à Koh Phangan.
“Nous avons contacté plusieurs hôtels car l’idée était d’offrir un environnement confortable, accessible pour les nomades et surtout de recréer une famille, un aspect important en cette période où les voyages sont limités. En fait, c’était assez difficile de faire accepter notre projet, certains hôtels nous disaient déjà qu’il faudrait que l’on parte à certaines dates parce qu’ils avaient des réservations, parce qu’il y avait tel festival ou tel long week-end de congé”, commente Andy.
Un succès encore mitigé
Le projet de Brittnee et d’Andy est en effet de prendre d’assaut un hôtel pour une période plus ou moins longue, d’un à trois mois, avec certains nomades qui ne viendraient que pour quelques jours. Quand Nutrada a été contactée, elle a de suite été convaincue par l’idée.
Aujourd’hui, la longue table qui servait de buffet pour le petit-déjeuner a été reconvertie en bureau partagé tandis que le tableau noir annoncent les événements ou les sorties à Chiang Mai au lieu du traditionnel menu. Des soirées autour de la piscine ou des rendez-vous de réseautage s’organisent de temps en temps. La cuisine est désormais accessible pour les invités qui souhaitent se confectionner des petits plats.
“C’est un chouette projet, je ne fais pas spécialement de profit, il y a en ce moment 9 chambres seulement qui sont réservées pour une longue durée, mais cela nous permet de survivre. Personnellement, c’est une expérience utile de pouvoir observer à quoi peut ressembler un espace de ‘coliving et coworking’. Je ne sais pas si 2021 sera pire que 2020, la façon de voyager risque très certainement de changer, il faut pouvoir se préparer à un changement dans notre secteur”, détaille la directrice de l’hôtel.
Au départ, Andy et Brittnee s’attendaient à arriver à Chiang Mai avec un groupe plus important, leur communauté compte environ 150 personnes en Thaïlande, à peine 15% sont venus dans le nord de la Thaïlande. “Nous n’avons pas autant de gens que nous le pensions, il y a bien sûr les restrictions de voyages même si des personnes qui vivent à l’étranger nous contactent pour dire qu’elles ont entamées les démarches pour venir et qu’elles ont envie de se joindre à nous, il y a toujours les inquiétudes avec le Covid-19 ainsi que des changements d’habitudes. Beaucoup de nomades ont dû s’installer sur du plus long terme et louent des studios ou des maisons”, justifie Brittnee.
Nutrada n’a pas converti complètement son hôtel et garde un certain nombre de chambres pour les réservations de courtes durées, principalement les week-ends.
Pour autant, tous les trois se disent satisfaits de l’expérience et la voient comme un premier pas vers d’autres expériences similaires ailleurs en Thaïlande. “Le confinement a forcé de nombreuses personnes à travailler depuis la maison, le travail dans un bureau ne semble plus aussi nécessaire et de plus en plus de personnes envisagent de devenir des nomades quand il sera possible de voyager”, analyse Andy.
Pour Brittnee, l'avantage principal de ce genre de lieu de vie commune tient surtout dans le fait que cela facilite l’arrivée dans un nouveau pays, rassure et permet d’avoir une vie sociale tout en se concentrant sur son travail. Le duo prévoit déjà de repartir, au plus tard en janvier ou février, avec le début de la saison des brûlis, à Koh Phangan où une une quarantaine de travailleurs nomades vit toujours en communauté sur l’île depuis plusieurs mois déjà.