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Casablanca : à la (re) découverte de la vieille médina

Écrit par Parler Darija
Publié le 6 avril 2010, mis à jour le 18 juillet 2010
Touristes de passage ou casaouis, tout le monde connaît la Vieille Médina de Casablanca avec ses ruelles étroites, ses bâtisses délabrées et sa mauvaise réputation. Que connaît-on vraiment de la "mère" de Casablanca ? Nous avons revisité pour vous cette mystérieuse médina, une vieille dame qui cache quelques trésors à deux pas de chez vous, suivez le guide !


La Vieille Médina de Casablanca, aussi appelée "Ancienne Médina" par opposition au Quartier des Habbous considéré comme "la nouvelle médina", reste un mystère pour la plupart des Casablancais. On aperçoit quelques morceaux de remparts,  on fait quelques affaires dans la partie touristique de la grande horloge, mais on n'ose rarement s'aventurer plus loin. Et pourtant, la médina cache quelques trésors insoupçonnés que l'on peut facilement apprécier en déambulant dans certaines parties. Mais pour apprécier les lieux, il est indispensable d'en connaître un peu l'histoire?  


Il était une fois Anfa
On ne sait pas exactement à quelle date  cette médina a été érigée. Certains parlent de l'époque romaine, d'autres des Zénètes (disparus au IXème siècle), on peut toutefois estimer ses premières fondations entre 900 et 1500 grâce aux différentes mentions dans des textes anciens comme ceux de Léon l'Africain (XVème siècle) qui parle de la petite ville d'Anfa. En revanche les historiens s'accordent sur le premier nom de cette petite ville, "Anfa", ensuite attaquée et détruite par les Portugais en 1468. Les ruines vont ensuite sommeiller pendant près de trois siècles avant qu'un certain Ben Abdallah ne s'y intéresse. 


Ancienne Ambassade d'Allemagne située Place de Belgique


"Dar Beida" l'européenne
C'est vers 1770 que Mohammed III Ben Abdallah, alors Sultan du Maroc, décide de reconstruire la ville et d'y installer différentes populations berbères d'Essaouira et d'Agadir, ainsi que des Bouaker de Meknès. Anfa, alors rebaptisée Dar Beida, correspond à la vieille médina que l'on connaît aujourd'hui à quelques hectares près. Le Sultan décide de renforcer certains murs donnant sur la mer et fait construire une place des canons  (Sqala). 
La population n'est pas très importante puisqu'on compte seulement un millier d'habitants au milieu du 19ème siècle. Mais c'est sans compter l'intérêt que vont rapidement lui porter certains Européens qui voient dans cette ville portuaire l'opportunité de commercer avec le Maroc et l'Europe.  Des Français, des Anglais, des Allemands et bien sûr des Espagnols s'installent à Dar Beida, ainsi que des juifs marocains de plus en plus nombreux qui viennent grossir la ville. La ville s'affirme alors en tant que comptoir européen d'Afrique du Nord, Casablanca est le premier port d'exportation du Maroc et la ville se peuple en conséquence. Dés son origine Casablanca est une ville issue de "chocs" de cultures et de sous-cultures? 
Début XXème ce sont quelque 20.000 personnes dont 15.000 musulmans, 4.000 juifs marocains et 1.000 étrangers qui peuplent la médina. Celle-ci se partage en trois quartiers qui sont le Mellah, le quartier juif, la Médina où cohabitent bâtiments administratifs, européens et commerçants. Enfin le Tnaker, le quartier des "laissés-pour-compte", sorte de marécage où les plus pauvres se construisent des baraques. Quartiers que l'on peu encore distinguer à l'heure actuelle, d'autant que la Rue du Tnaker existe toujours. Cette partie de l'histoire est la plus visible de nos jours, il suffit d'être attentif aux détails pour se replonger dans cette époque. Ouvrez grand vos yeux ! 


D'Anfa à Casablanca
Au moment de l'apogée de Dar Beida,  presque tout le Maroc est entré en dissidence ouverte, alors que l'autorité politique est en décomposition. Des révoltes grondent dans tout le pays, la France et l'Espagne ont peur pour leurs ressortissants et décident de dépêcher des troupes sur place en 1907.
La situation s'enlise et les répressions sont sanglantes. C'est alors que le souverain en place, Moulay Hafid, n'a d'autre alternative que d'en appeler à l'aide de la France pour imposer à tout prix son autorité. Le 30 mars 1912 est signé le traité de Fès, par lequel la France s'est imposée en douceur, quoiqu'inexorablement, au Maroc ; c'est désormais l'ère du Protectorat. C'est donc par les villes que le colonialisme pénètre au Maroc.

Les Européens affluent, surtout les Français, mais aussi beaucoup de Marocains du pays tout entier continuent à venir tenter leur chance à Casablanca, choisie par Lyautey pour devenir la capitale économique du pays. Les Européens décident alors de construire leurs logements en dehors de la médina, et s'opère alors un changement décisif pour Casablanca. Les riches prennent la place des pauvres, et inversement? autrement dit les bâtisses cossues de la médina sont abandonnées par les Européens et Marocains plus aisés au profit des classes populaires qui investissent les lieux. Ce qui explique l'état actuel de la médina, très dégradée, habitée par une population marocaine pauvre dans des conditions déplorables.

Bab El Marsa, porte située en contrebas de la Place Ahmed Bidaoui anciennement Place de l'Amiral Philibert
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La vieille médina? de demain ?

Le rythme de dégradation de la médina est marqué par plusieurs phases : abandon par les Européens et classe aisée marocaine, absence d'entretien et occupation inadéquate des lieux par des populations plus pauvres. Le tout accentué par une dégradation des infrastructures et des équipements socio-éducatifs, et un artisanat délocalisé. Les dysfonctionnements et les carences du tissu de la médina sont multiples. 

Une partie des remparts disparus ont été remplacés par des panneaux en plastique du côté touristique de la Médina


Parmi les conséquences les plus inquiétantes, on peut noter l'effondrement de certaines vieilles bâtisses en pisé (comme en 1996, 2001, 2008 et fin 2009) causées par de fortes pluies, entraînant la mort dans certains cas.  
?Nous avons tout perdu. Nous souffrons de cette situation depuis 1986. On nous ment  tout le monde connaît cette situation mais personne ne fait rien?rapportent nos confrères d'Au Fait Maroc dans leur édition du 22/12/09. Sans parler de la surpopulation, pas d'accès à l'eau courante pour certains, mauvaise gestion des déchets, prolifération de rats et insectes indésirables, analphabétisme, violence, etc. Bref, un concentré de tous les problèmes d'urbanisme mal géré, voire pas géré du tout.   
Pour la préfecture des arrondissements Casa-Anfa, il serait temps de réhabiliter cette partie de la ville chargée d'histoire. Pour cela, l'Agence urbaine de Casablanca, la Chambre de commerce, d'industrie et des commerces, les associations Al Irfane, Carrières Centrales et Casa-Mémoire ont d'ores et déjà commencé à recenser les carences de cette zone. Mais pour l'instant aucun acte concret ne semble se profiler, car il reste à savoir qui pourrait financer cette réhabilitation?

Le plus surprenant réside dans le fait que cette "vieille médina" n'est pas si vieille que ça, il s'agit  même d'une médina plutôt contemporaine contrairement à celle de Fès ou Meknès datant du 9ème siècle. Mais Dar Beida, construite sur les ruines d'Anfa, a apparemment été bâtie selon les caractéristiques des médinas arabes avec des ruelles plutôt que des rues, des impasses plutôt que des places. Puis les constructions européennes sont venues s'implanter au c?ur même de cette cité avec leurs édifices cossus et spacieux. Ce qui donne aujourd'hui un résultat assez surprenant, une médina traditionnelle dotée d'un mélange d'architectures de différents siècles et différentes origines. C'est toute la mémoire de Casablanca qui se trouve dans cette médina et en fait un lieu incontournable de l'histoire du Maroc contemporain? Alors sauvons-la !

Marlène HYVERT (www.lepetitjournal.com/casablanca.html) jeudi 11 février 2010

Crédits photos : Marlène Hyvert, lepetitjournal.com Casa

Plus d'infos :

"CASABLANCA, historique et guide de l'Ancienne Medina", Ed. SENSO UNICO, 
Disponible au Carrefour des Livres et autres bonnes librairies  de Casa ? Tarif unique : 85 DH.
parler darija
Publié le 6 avril 2010, mis à jour le 18 juillet 2010

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