

C'est en 1848 qu'Amédée Jacques quitte définitivement Paris pour mettre les voiles vers l'Amérique du Sud. L'ancien maître de conférence à l'école normale supérieure, agrégé de philosophie en plus de solides connaissances en physique et chimie, doit définitivement tourner la page de sa brillante carrière française sous la pression de l'Eglise et du parti de l'ordre, parti qui ramènera Napoléon 3 au pouvoir
L'erreur de cet intellectuel : avoir fondé, en 1847 avec Jules Simon, une revue philosophique « Liberté de pensée » qui défend l'existence d'une philosophie populaire accessible à tous qui doit se substituer au catéchisme. Selon lui, la République est fondée sur la Liberté, la première des libertés étant la liberté de penser. Ces pensées trop libérales ne sont pas du goût des gouvernants de l'époque qui lui interdisent de poursuivre l'enseignement.
Sous l'influence de Sarmiento (futur président argentin de la République) qu'il a rencontré à Paris un an plus tôt, Amédée Jacques part, en 1848, pour l'Amérique du Sud.
L'aventure
Mais l'obscurantisme sévit également en Argentine qui est sous le joug du dictateur Juan Manuel de Rosas. Jacques reste donc à Montevideo jusqu'à la chute du dictateur. Muni d'un daguérotype (ancêtre de l'appareil photo), il passe par Rosario, Santiago del Estero où il épouse une descendante d'immigrés français, avant de s'installer à Tucumàn. La vie est dure : il occupe d'abord le métier de boulanger, d'expert géomètre, avant de devenir le directeur du Collège de la ville en 1858. Il met en place une formation basée sur la culture générale, où l'on y apprend de tout. Le Général Mitre, alors président de la nation, tente de donner une identité et une conscience à la jeune nation argentine. Puis Amédée Jacques demande à Sarmiento, alors gouverneur de la province de San Juan, de l'aider à s'installer à Buenos Aires, et grâce au soutien de Marcos Paz, vice-président originaire de Tucuman, il devient directeur des études puis recteur du Collège National, école d'élite formant les futures classes dirigeantes ou pensantes du pays.
La consécration
A partir de ce moment, Amédée Jacques transporte son rêve. Il met en place un plan d'études inédit pour l'époque, fait de philosophie, de langues, de lettres, d'histoire, de sciences. Il enseigne un véritable savoir encyclopédique. A cette diversité disciplinaire, il ajoute une diversité dans l'origine des élèves. Il insiste sur la répartition géographique, et aussi sociale, avec le développement des bourses d'études. Il transporte véritablement le "rêve démocratique de la philosophie", et le Collège National devient le symbole des écoles où la liberté de pensée est au centre de tout.
Suite à cette réussite au Collège National, il pense un Programme d'Etudes au niveau national. Il s'éteint avant de voir l'influence qu'aura son plan sur les années à venir. Amédée Jacques n'aura pas laissé de traces en France. Ni dans les mémoires, ni dans les archives puisque les autorités de l'époque en avait effacé toute trace.
Remerciement: Patrice Vermeren (centre français des hautes études de Buenos Aires)
Grégory Varagnol (www.lepetitjournal.com - Buenos Aires) le 4 décembre 2008























