Ce 20 mai 2024, la Haute Cour du Royaume-Uni va réexaminer l’autorisation demandée par Julian Assange, fondateur de Wikileaks, de faire appel de son extradition vers les États-Unis. Le 26 mars 2024, elle avait reporté l’audience pour permettre aux États-Unis de déposer de nouvelles assurances diplomatiques.
Retour sur l'affaire Julian Assange, fondateur de Wikileaks
Depuis 2010, Julian Assange est poursuivi par la justice américaine pour avoir diffusé plus de 700 000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan. Ils incluent une vidéo où des civils, dont deux journalistes de l'agence Reuters, sont tués par les tirs d'un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007.
Après avoir passé sept ans dans l'ambassade d'Équateur à Londres, de 2012 à 2019,pour éviter son extradition vers la Suède dans une enquête pour viol (affaire classée sans suite pour faute de preuves), le fondateur de WikiLeaks a été arrêté par la police britannique en 2019.
Le fondateur de Wikileaks arrêté par la police britannique
Il est accusé d'espionnage et par les États-Unis et risque une peine de cent soixante-quinze (175) ans de prison. Ce 20 mai 2024, la Haute-Cour de Londres va rendre sa décision concernant l’extradition vers les Etats-Unis du fondateur de WikiLeaks.
Wikileaks, une histoire d'espionnage ou de journalisme ?
Julian Assange n'est pas un journaliste à proprement parler, ni même un lanceur d'alerte. Wikileaks est une organisation non gouvernementale qui donne une audience aux lanceurs d'alerte et aux fuites (leaks) d'information, tout en protégeant leurs sources. Les documents classifiés ont ainsi été remis par Chelsea Manning, une analyste de l'armée américaine.
WIKILEAKS - Julian Assange, l’Australien qui fait trembler les Etats-Unis
Son activité est considérée comme essentielle par plusieurs ONG, comme Amnesty International ou Reporter sans frontières, pour tous les journalistes et éditeurs, qui ont reçu des documents sensibles, donnant lieu à de nombreux articles d'intérêt public dans le monde entier. Du fait de sa contribution au journalisme, les poursuites dont Julian Assange fait l'objet pourraient avoir des conséquences alarmantes pour l'avenir du journalisme et porteraient un coup sans précédent à la liberté de la presse.
"Il serait le premier éditeur jugé en vertu de la loi américaine sur l'espionnage, qui ne prévoit pas de défense de l'intérêt public et qui a grand besoin d'être réformée. Sa condamnation ouvrirait la voie à des poursuites similaires envers d'autres personnes qui publient des articles basés sur des fuites d'informations classifiées, créant ainsi un dangereux précédent pour le journalisme. Cela mettrait en danger de nombreux médias et journalistes et pourrait avoir un effet dissuasif et d’autocensure sur les articles d'intérêt public. Enfin, le droit à l’information du public serait donc affecté", explique Reporter sans frontières.
"Sa condamnation ouvrirait la voie à des poursuites similaires envers d'autres personnes qui publient des articles basés sur des fuites d'informations classifiées, créant ainsi un dangereux précédent pour le journalisme."
Une situation jugée inacceptable par la famille et les avocats de Julian Assange mais également par plusieurs ONG
Outre les atteintes à la liberté de la presse, ce sont également les droits de l'homme qui seraient bafoués. De sa surveillance à l'ambassade d'Équateur et du traitement qui lui a été réservé par les tribunaux et le système pénitentiaire britanniques, les ONG dénoncent une violation massive de ses droits de l'homme.
Aujourd'hui détenu à la prison de Belmarsh, une prison de haute sécurité au Royaume-Uni, après sept ans passés à l'ambassade de l'Equateur, il a vu ses droits suspendus : droits de visite ajournés, isolement, fouille à nu punitive.
Reporter sans frontières parle de persécution judiciaire envers Julian Assange par le gouvernement étatsunien. "En ciblant Julian Assange et aucun autre éditeur pour la republication de l'ensemble de données non expurgées en 2010 et en le poursuivant sans relâche pendant 13 ans, le gouvernement américain l'a choisi pour une persécution judiciaire."
Des voix se lèvent à Londres contre l’extradition de Julian Assange, WikILeaks
Malgré les assurances déposées par les Etats-Unis, la famille de Julian Assange, ainsi qu'Amnesty International, craignent qu'il subisse de nouvelles violations. "S’il est extradé aux États-Unis, Julian Assange risque fortement de subir des violations, notamment une détention à l’isolement prolongée, en violation de l’interdiction de la torture et d’autres mauvais traitements. Les assurances diplomatiques douteuses données par les États-Unis quant au traitement qui lui sera réservé n’ont absolument aucune valeur, d’autant qu’elles ne sont pas juridiquement contraignantes et sont criblées de lacunes", rapporte Amnesty International.
Le Parlement australien demande la fin des poursuites et la libération de Julian Assange, le Premier ministre australien soutient la motion parlementaire
Les Etatsuniens ont tenté de rassurer quant au traitement que subirait Julian Assange, s'il était extradé, à savoir qu'il ne serait pas incarcéré à la prison de très haute sécurité ADX de Florence (Colorado) et qu'il pourrait recevoir des soins clinique et psychologique. Ils ont également suggéré la possibilité qu'il purge sa peine en Australie.
Le 15 février dernier, le Parlement australien a voté une motion, soutenue par le Premier ministre Anthony Albanese, à 86 contre 42, appelant à la libération immédiate d'Assange et à son retour en Australie. Le Premier ministre australien a également dénoncé les poursuites engagées par les Etats-Unis à l'encontre de Julian Assange. Il s'est dit frustré de ne pas avoir encore trouvé de solution diplomatique.
Le procureur général d'Australie, Mark Dreyfus, a déclaré que la question de l'extradition de M. Assange avait été soulevée lors d'une réunion avec son homologue américain Merrick Garland à Washington le mois dernier. « Il s'agissait d'une discussion privée, mais la position du gouvernement sur M. Assange est très claire et n'a pas changé », a déclaré M. Dreyfus dans un communiqué. « Il est temps de mettre un terme à cette affaire."
Une extradition immédiate en cas de défaite ?
Si le lanceur d'alerte était vaincu, il aurait épuisé tous les recours autorisés par le droit britannique. Selon son épouse Stella Assange, Julian Assange envisagerait de faire appel à la Cour européenne des droits de l'Homme afin de faire suspendre l'extradition. Une étape supplémentaire dans une affaire qui a été érigée en symbole les dangers qui courent à l'encontre de la liberté de la presse à travers le monde.