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Covid-19 en Inde : le nombre officiel de décès remis en doute

Une crémation en IndeUne crémation en Inde
@ Gavin Golden
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 16 juin 2021, mis à jour le 19 décembre 2023

L’OMS a récemment estimé qu’environ 60 % des décès liés à la Covid-19 n’ont pas été recensés en Europe et aux Etats-Unis. En Inde, depuis le début de la pandémie, le nombre officiel de décès dus à la Covid-19 en Inde est mis en doute par les spécialistes. Au 15 juin 2021, 29,5 millions de personnes ont été contaminées depuis mars 2020 et le pays compte 377 120 décès. Depuis juin 2021, le nombre de nouveaux décès par jour est le plus élevé au monde et représente environ un tiers des décès globaux.

 

En avril-mai 2021, au plus fort de la seconde vague, les images terribles de bûchers funéraires un peu partout dans le nord de l’Inde ont fait le tour du monde. Or, les données officielles des Etats ne correspondent pas à ces images. Pourtant, l'impact de la pandémie sur la mortalité est considéré comme une mesure statistique importante par les spécialistes pour orienter les réponses politiques. 

 

Un faible enregistrement des décès dans les zones rurales

Dans plusieurs Etats indiens, tous les décès ne sont pas enregistrés, en particulier lorsque celui-ci a lieu dans une zone rurale ou en dehors d’une structure hospitalière.  

 

Carte de l'enregistrement des décés en Inde en 2018
Source : vital statistics of India based on the civil registration system 2018

 

Des directives pour les certificats de décès claires

Le Conseil Indien de la recherche médicale (ICMR) a pourtant publié des directives pour l'établissement de la cause de la mort d’un patient hospitalisé et a clairement indiqué que le certificat de décés doit mentionner Covid-19 comme cause de la mort si le patient était positif. Pourtant, dans plusieurs Etats, les certificats de décès portent encore la mention "arrêt cardiaque" comme cause de la mort. 

 

Dans le Kerala, le système de santé publique est bien développé et quasiment 100 % des décès sont enregistrés. Mais, même dans cet État, suite à des critiques sur la méthodologie utilisée pour évaluer si un décès est lié à la Covid-19, la vérification des certificats de décès a été récemment confiée à  l'administration sanitaire des districts pour être au plus proche de la source d’information. 

 


Une surmortalité dans de nombreux Etats par rapport à la période pré-Covid

Malgré les directives claires de l’IMC, il semble que de nombreux Etats n’aient pas recensé correctement le nombre de morts provoquées par l'épidémie de coronavirus.

Plusieurs équipes de journalistes ont enquêté pour comparer le nombre officiel de décès de malades de la Covid-19 et les chiffres répertoriés dans les hôpitaux et les crématoriums. 

Dans le Gujarat, au plus fort de l'épidémie, les journalistes d’une publication locale, Sandesh, ont patiemment compté les corps sortant des hôpitaux et ont pu révéler un écart important entre les données officielles et les chiffres qu’ils ont obtenus. Entre le 1er mars et le 10 mai 2021, ils ont recensé 61 000 décès supplémentaires par rapport à 2020. 

 

Le comptage manuel des décés par les journalistes du Gujarat
@ quartz.com

 

Les analystes de données de grandes publications indiennes ont eux aussi comparé les données de 2021 avec celles de 2020 pour plusieurs métropoles indiennes dont Calcutta et Chennai. Selon leurs conclusions, la surmortalité en 2021 par rapport à 2020 dépassait de 4,5 fois le nombre officiel de décès à Calcutta et de 3,3 fois à Chennai

 

Les résultats pour Mumbai en 2020 reflètent étroitement les résultats obtenus pour Chennai : en 2020, Mumbai a enregistré 112 000 décès contre une moyenne de 90 100 décès pour la période 2015-19, soit une augmentation de près de 20 %.

 


Le nombre de décès excédentaires est calculé en comparant le nombre de certificats de décès émis par un organisme local pendant la période pandémique avec ceux émis pendant des périodes similaires des années pré-pandémiques. L'hypothèse est que toute augmentation importante par rapport aux périodes antérieures sera principalement due aux décès de malades de la Covid-19. Une partie de la surmortalité peut être due à des personnes souffrant d'autres affections qui n'ont pas reçu les soins médicaux adéquats en raison des fermetures ou de la surpopulation hospitalière, mais cela n'explique pas les multiples augmentations des chiffres.



 

Des chiffres potentiellement manipulés

Dans le Telangana et plus particulièrement dans la capitale de l’Etat, Hyderabad, il semble que les écarts soient encore plus grands et la Haute Cour de l’Etat a récemment posé la question de savoir si le gouvernement de l'État n'avait pas eu manipulé les chiffres. Selon les données collectées par les analystes de The Hindu, le nombre supplémentaire de décès à Hyderabad entre avril 2020 et mai 2021 est de plus de 32 000 par rapport à des périodes similaires avant la pandémie. Le nombre officiel de décès Covid-19 dans tout l’Etat est de 3 275 soit 10 fois moins.

 

Graphique du nombre de décés dans le Telangana depuis 2015
@ Thehindu

 

Le nombre de décès dus à la Covid-19 ne suit pas la courbe du nombre de cas

Au sommet de la seconde vague de l'épidémie fin avril 2021, plus de 400 000 nouveaux cas étaient enregistrés par jour. Depuis début mai, ce nombre n’a cessé de diminuer et se situe en dessous de 100 000 depuis début juin. Cependant, le nombre de décès n’a pas diminué dans les mêmes proportions. La raison principale : le recomptage du nombre de décès dus à la Covid-19 dans le Bihar, le Maharashtra et l’Uttarakhand principalement. 


Depuis le début du mois de juin, le Maharashtra réconcilie les différentes sources d’informations concernant les décès de malades de la Covid-19. Cela a conduit à un ajout de plus de 8 600 décès, le nombre total est aujourd'hui de 112 622 pour une population de 123 millions. 


Le 9 juin, l’Etat du Bihar a publié le nouveau nombre de décès dus à la Covid-19 après réconciliation des données du gouvernement et des hôpitaux. Près de 4000 décès n’avaient pas été recensés et le nombre officiel a été quasiment doublé : il est au 14 juin de 9 505 pour une population de 128,5 millions. L'opération de recomptage a été initiée lorsque le gouvernement a voulu attribuer les allocations compensatoires aux familles endeuillées. En Inde, la loi de 2005 sur les catastrophes (Disaster Management Act) prévoit le versement d’une allocation aux familles dont un ou plusieurs membres ont été victimes d’une épidémie.




 

Petit à petit, le nombre officiel de décès devrait se rapprocher de la réalité et une vision plus claire de l’impact de la deuxième vague de l'épidémie de coronavirus en Inde devrait émerger. Des données plus fiables devraient permettre de mieux préparer le pays à une potentielle troisième vague.

 

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