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Un marché pas vraiment tiré par les cheveux

Vente de cheveux en BirmanieVente de cheveux en Birmanie
Écrit par Marie-Sophie Villin
Publié le 31 octobre 2018, mis à jour le 31 octobre 2018

Vendre ses cheveux ? L’idée paraît au premier abord étrange et pourtant ce marché permet à de nombreuses personnes de vivre. En 2016, il pesait 87,4 millions de dollars américains au niveau mondial selon la base de données statistiques concernant le commerce international des Nations Unies. La Birmanie en est le troisième fournisseur, derrière l’Inde et la Tunisie.

Il suffit de se promener dans les rues de n’importe quelle ville de Birmanie pour se rendre compte de

l’importance qu’accordent les Birmans – et surtout les Birmanes – à leur chevelure. C’est à qui l’aura la plus soyeuse et la plus longue. Elle signifie que la jeune fille prend soin d’elle : un critère de beauté, en sorte, tout comme la blancheur du teint ou l’élégance. Lorsqu’elle les rase entièrement durant sa période monastique, par exemple pendant Thingyan, elle montre donc d’autant plus sa dévotion vis-à-vis de la religion qu’elle sacrifie un des éléments les plus précieux de son corps. Parfois, l’argent qu’elle en retire lui sert même à faire des donations aux monastères ou aux pagodes. Ce geste est alors vu comme un acte de charité altruiste et un renoncement à tout signe de superficialité.

Les nonnes supérieures se rendent ainsi régulièrement dans les marchés pour revendre les cheveux tout juste rasés des novices, permettant d’apporter un revenu complémentaire au monastère. Certaines femmes coupent aussi leurs cheveux au début de l’été pour éviter d’avoir trop chaud. Avec des prix allant de 10 à 150 dollars américains selon la longueur, la quantité et la qualité du cheveux, les couper constitue certes un sacrifice mais surtout une nécessité pour des femmes au niveau de vie très faible. Leur chevelure devient alors une ressource dont elles se doivent de prendre soin car elle leur permet de vivre. Elles reçoivent l’argent facilement, en quelques minutes, juste le temps qu’il faut pour leur couper les cheveux et les peser. Mais comme dans toute affaire qui marche, des vendeurs malhonnêtes tentent d’en tirer profit. Ils profitent de l’intérêt des acheteurs pour ce marché lucratif et n’hésitent pas à faire circuler des faux cheveux. La technique des revendeurs est alors d’en brûler quelques-uns pour en tester l’odeur et discerner le vrai du faux.

D’autres complications s’ajoutent : les femmes se coupent les cheveux plus courts qu’avant pour avoir moins d’entretien à faire. En trouver avec une certaine longueur – plus d’un mètre – devient compliqué. Les cheveux les plus courts peuvent servir à faire des fausses moustaches ou des faux sourcils mais la demande est moins importante. En outre, ils sont de plus en plus teints ou entretenus avec différents produits qui en abiment la qualité. Certains hommes se font aussi pousser les cheveux dans le but de les vendre mais ils sont bien plus rares. Les acheteurs ne font pourtant pas de différence entre les cheveux d’hommes et de femmes. Car la demande est très forte et tend même à dépasser l’offre. La chevelure birmane est devenue un produit renommé en Asie et dans le reste du monde. Preuves en sont les multiples compagnies qui se sont lancées dans son exportation. Malaysia Hair Imports vante ainsi la qualité du cheveu birman sur son site internet : “Nous sommes très fiers de le recevoir directement de nos donneurs en Birmanie. Dû au fait que les donneurs ont un régime alimentaire fort en vitamines, le cheveu est très fort et brillant avec un reflet sain.”

Le plus important client reste cependant la Chine, du fait de sa proximité géographique. A Mandalay notamment, de nombreux commerçants chinois viennent choisir des cheveux pour les importer dans leur pays en passant par la ville frontalière de Muse. Ils les traitent ensuite pour en faire des perruques et extensions qu’ils revendent en Chine ou exportent vers l’Europe ou l’Afrique. C’est en Europe que l’achat de cheveux a commencé au XVIIème siècle pour la fabrication de perruques. Déjà à l’époque, ce marché donnait une idée des disparités sociales, de celle qui vend ses cheveux pour se nourrir à celle qui en achète pour suivre une mode. Lorsque la Chine a commencé à se développer, la demande en cheveux y a augmenté, faisant vivre et prospérer le marché dans les pays donneurs. Avec l’émergence de nouvelles classes moyennes en Birmanie, en Chine et dans le reste de l’Asie, le commerce du cheveu est voué à continuer son expansion.

photo moi
Publié le 31 octobre 2018, mis à jour le 31 octobre 2018

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