Il a reçu le nom de Aseanpithecus myanmarensis, un primate qui vivait voilà 40 millions d’années dans ce qui est aujourd’hui le centre de la Birmanie. Ses restes – quelques morceaux de mâchoires et un bout de crâne – ont été trouvés durant la campagne de fouilles menée entre 2015 et 2017 par une équipe internationale de chercheurs issue de la collaboration franco-birmane et sous la direction du paléontologiste Jean-Jacques Jaeger, sur le site de Paundaung, près du village de Paukkaung, dans la région de Bago. La découverte a fait l’objet d’un article scientifique détaillé dans la revue primaire Nature Communications le 6 août 2019, signé par 7 personnes, dont trois Birmans.
Aseanpithecus myanmarensis est un hominoïde qui vivait durant l’éocène moyen, voilà 40 millions d’années, et il partage des spécificités dentaires avec les hominoïdes africains tout en ayant une orbite apparentée à ce qui se trouvait alors en Asie. Comme il n'appartient en outre à aucun groupe connu d'hominoïdes asiatiques, il peut être interprété comme membre d’une nouvelle famille, sorte de lien entre les hominoïdes africains et asiatiques, tout en renforçant clairement le scénario d'un peuplement du continent africain par les hominoïdes asiatiques durant l'Eocène.
Car c’est là tout l’intérêt de notre primate primaire, il constitue l’une des clefs d’un vieux débat : où ont émergé les hominoïdes (qui sont pour simplifier un groupe de singes qui partagent un système dentaire et une forme de crâne bien particuliers), ancêtres des hominidés, eux-mêmes ancêtres des différentes espèces humaines, dont nous sommes – Homo Sapiens – les derniers rescapés ? La découverte des restes d’Aseanpithecus myanmarensis en Birmanie fait désormais pencher la balance dans le sens d’une apparition en Asie. D’autant que dans ce même cadre de coopération franco-birman, une autre équipe, toujours conduite par Jean-Jacques Jaeger, avait exhumée en 1999 du même site de Paundaung un petit singe fossile, nommé Bahinia, qui indiquait déjà plutôt une piste asiatique.
Alors que l’écueil majeur de la recherche sur les hominoïdes est la rareté des fossiles, ce site de Paundaung est exceptionnel. Les premiers primates à y avoir été découverts le furent au début du 20ème siècle par des géologues anglais, du Geological Survey of India, chargés de faire l’inventaire des ressources minérales de la Birmanie. Suite à leurs découvertes, des chercheurs américains ont décrits les premiers ces primates bizarres provenant des couches éocènes du site. Ce n’est cependant qu’à la reprise des recherches lancées par des chercheurs birmans en 1996, qui ont alors invité en 1998 des équipes étrangères (Française, Japonaise, Etatsunienne) à se joindre à eux, que la nature hominoïde de ces primates a commencé à être reconnue.