Parvenir à juguler puis réduire la contrebande est depuis longtemps un défi important pour l’économie birmane et le gouvernement développe actuellement de nouvelles stratégies pour enfin y parvenir, a affirmé le vice-président U Myint Swe le 8 décembre dernier lors d’une réunion du comité du développement du secteur privé. Un comité créé en 2016 dans le but de renforcer la coordination entre les entreprises privées et le gouvernement, notamment dans ce contexte de contrebande massive qui fait un mal fou aux petites et moyennes entreprises locales lorsqu’elles cherchent à se développer en suivant la législation.
A Lashio ou Myawaddy, où affluent par exemple des marchandises entrées illégalement en Birmanie via la Chine ou la Thaïlande voisines, les dirigeants de PME protestent vertement contre l’impunité dont les fraudeurs jouissent, que ce soit dû à de la corruption active ou à la simple passivité des autorités de régulation. L’absence d’enquête et de poursuites systématiques découragent ceux qui veulent procéder dans les règles, affirme un représentant local des PME. Le gouvernement a pourtant aussi formé un Comité d’éradication du commerce illégal afin de lutter contre cette impunité…
Mais voilà, ces comités ne sont globalement pas efficaces. En 2018, The Economist Intelligence Unit, une entreprise d’analyse et d’information sur le commerce international qui appartient au groupe de l’hebdomadaire économique de référence mondiale The Economist, a placé la Birmanie en 82ème position sur 84 pays analysés, juste devant l’Irak et la Libye, de son classement des pays par leur environnement commercial et leur capacité concrète à lutter contre la contrebande et la piraterie. Exemple typique des difficultés birmanes dans ce secteur, la loi sur la propriété intellectuelle a mis plus de dix ans à être finalement votée, et même après que le parlement fédéral l’a approuvée, il a encore fallu 3 mois pour que le président finisse par la signer et qu’elle entre alors en vigueur, en mars 2019. Il faut dire que dans le domaine de l’édition, livres comme logiciels, acheter des originaux est extrêmement difficile en Birmanie, voire impossible dans certains cas, et les copies pullulent pour 10 à 100 à 1000 fois moins cher. Interdire réellement les copies de logiciels reviendrait probablement à empêcher de travailler 99% des détenteurs d’ordinateurs dans le pays…
Pour ce qui touche aux commerces des biens mobiliers et des marchandises, la contrebande prive concrètement la Birmanie de plusieurs milliards d’euros chaque année. Selon une étude de la Chambre de commerce européenne publiée en septembre dernier, un total d’une valeur de 22,3 milliards d’euros de produits a été importé dans le pays en 2018, un nombre construit en se basant sur les données officielles des douanes thaïlandaise, chinoise, indienne et autres pays voisins ou proches avec lesquelles la Birmanie commerce régulièrement. Or, le chiffre officiel du gouvernement birman du montant des importations répertoriées durant la même période s’élevait à 16,6 milliards d’euros, soit un manque à gagner d’une valeur de 5,7 milliards d’euro, celle relative aux produits de contrebande. La plupart de ces marchandises entrent et sortent de Birmanie au niveau des frontières routières, notamment au niveau de la Chine, de l’Inde et de la Thaïlande.
Un trafic contre lequel la police des frontières et les douaniers sont peu voire très peu efficaces : certes, entre septembre 2018 et octobre 2019, les autorités sont intervenues sur 1 065 tentatives de contrebande, saisissant pour environ 9 millions d’euros de marchandises illégales… mais cela représente à peine 0,2% de l’évaluation du trafic total, et l’ensemble des interventions réussies des douanes et de la police des frontières birmanes dans les aéroports, ports et postes-frontière aboutissent à un maigre 0,4% de la totalité des volumes de produits trafiqués.
Toujours selon le rapport de la Chambre de commerce européenne, les principaux moteurs de l’action des contrebandiers relèvent de deux grandes catégories : la très classique et internationale fraude fiscale, et la restriction à l’importation légale de certains biens et produits, comme les alcools par exemple… que l’on trouve partout mais qui sont en théorie très encadrés pour ce qui est de leur importation.