« La gestion des terres en Birmanie se heurte à différentes formes d’obstacles, tels que le non-respect des lois, la corruption, un cadastre approximatif, la lenteur administrative, le dédain pour l’environnement… », a déclaré le vice-président de Birmanie Henry Van Thio, lors du Sommet sur la politique nationale d’aménagement du territoire qui s’est tenu le 2 octobre dernier dans la capitale Nay Pyi Taw.
La liste des limites est longue, très longue : incompatibilité entre des lois obsolètes et la réalité du terrain, données incomplètes sur les ressources d’un territoire, droits fonciers des occupants installés durant des décennies sur des terres appartenant au gouvernement, mauvaise gestion administrative des droits de propriété et conflits en résultants… Ceux ne sont que quelques-unes des problématiques auxquelles doit répondre la législation, et auxquelles pour l’instant elle répond mal… au mieux !
Un exemple récent : début septembre, dans le district de Minbu, un différend a opposé des agriculteurs, l’entreprise pétrolière Mann Oilfield et le bureau local de l’Administration des territoires et des agriculteurs, au point qu’une soixantaine de ces derniers ont manifesté publiquement leur colère. Dans cette partie de la région de Magwé, Mann Oilfield exploite depuis 1969 un gisement sur des terres qui ont été saisies pour cela grâce aux Land Acquisition Laws de 1953-63, explique Sann Aung, l’un des résidents du village d’Auk Kyaung et meneur des protestations. Or, une loi territoriale actée en 2012 autorise les agriculteurs à réclamer le retour de leurs terres ou au moins à recevoir une compensation correcte de la part des autorités. Ce qui suscite la colère est que si 800 paysans ont reçu quelque chose, les montants ne sont pas ceux prévus par les textes, affirment des manifestants, et en outre plus d’une centaine restent exclus du processus. D’où les slogans : « Indemnités pour toutes les terres saisies », « Pas d’exploitation du pétrole sans verser l'intégralité des dédommagements »… Un cas typique de mise devant le fait accompli où les soupçons de corruption le partagent aux manques d’archives et de preuves de propriété, et à l’ancienneté du conflit.
Le constat émis par Henry Van Thio lors du sommet en évoquant les multiples difficultés restant à surmonter pour une application totale de la loi est connu des dirigeants birmans. En Janvier 2016, une politique nationale d'aménagement du territoire, élaborée avec la participation de la population, a été lancée. Son objectif : utiliser et gérer durablement les ressources du pays. Mais elle se heurte à un manque de moyens – et donc de fait de volonté politique - pour être effectivement mise en œuvre. Un Conseil national de l'aménagement du territoire a finalement été créé afin de mettre en place les directives et les principes de base de cette politique. Et c’est dans cette optique de concrétisation qu’une conférence a été organisée, en présence des ministres fédéraux membres du Conseil national de l'aménagement du territoire, de Premier ministres régionaux, de parlementaires, de hauts fonctionnaires, de représentants des minorités ethniques, et de représentants d'organisations internationales et d'organisations de la société civile.
Ce sommet « a été organisé pour discuter et coordonner des stratégies, tactiques et processus de travail, à court et à long terme », a affirmé Henry Van Thio, « afin de mettre en œuvre efficacement les travaux du Conseil national de l'aménagement du territoire et d’élaborer une loi fédérale permettant une utilisation raisonnée des sols et des ressources foncières ». Aucune date n’a encore été communiquée sur la publication des conclusions du sommet.