Hier matin, 11 novembre 2019, la Gambie a officiellement déposé plainte devant la Cour internationale de Justice (CIJ) contre la Birmanie « pour le génocide des Rohingyas ». Le ministre gambien de la Justice Aboubacar Marie Tambadou a déclaré vouloir « envoyer un message clair aux autorités birmanes et à toute la communauté internationale : le monde ne peut pas rester les bras croisés et ne rien faire devant les terribles atrocités qui se déroulent autour de nous. C’est une honte pour notre génération de ne rien faire alors que se déroule un génocide sous nos yeux ». La Gambie agissait au nom de l’Organisation de la coopération islamique, dont elle est membre. Et pour le ministre de la Justice gambien, « la Convention internationale sur le génocide impose aux États de le prévenir par tous les moyens ».
La Cour internationale de Justice, parfois aussi qualifiée de tribunal mondial, est basée à La Haye et elle est chargée entre autres de régler les différends entre États. Elle est différente de la Cour pénale internationale (CPI) - qui juge plutôt des individus- en ce qu’elle dépend des Nations-Unies et a donc une valeur universelle, là où la CPI requiert une adhésion particulière et ne concerne donc directement que ses membres, en théorie.
La plainte lancée par Banjul était en préparation depuis plusieurs mois et elle s’appuie sur plus de 600 témoignages recueillis dans les camps de réfugiés au Bangladesh. L’initiative dénonce globalement la responsabilité du gouvernement birman et de son armée dans les exactions contre les populations musulmanes de l’état d’Arakan.
Pour l’ONG de défense des droits Humains Human Rights Watch, la plainte gambienne pourrait « totalement changer la donne » dans la crise actuelle, notamment parce que Banjul demande aux juges de la CIJ d’exiger d’ores et déjà des mesures d’urgence afin de protéger les 600 000 musulmans qui se trouvent toujours dans l’Arakan et qui doivent faire face à des violences et iniquités nombreuses. La procureure de la CIJ, Fatou Bensouda, avait déjà demandé en juillet dernier l’autorisation d’ouvrir une enquête formelle pour d’éventuels crimes contre l’humanité commis contre les musulmans d’Arakan. La réponse est toujours en suspens. L’ONU a par ailleurs aussi créé un mécanisme pour commencer à recueillir des preuves utilisables en cas de procès. Reste que si l’étau se resserre sur les dirigeants birmans, la procédure devant la CIJ pourrait prendre des années avant d’arriver à une conclusion.