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Dave Leduc, un "Nomad" québécois Champion du Monde de Lethwei

Dave Leduc BirmanieDave Leduc Birmanie
Écrit par Marie-Sophie Villin
Publié le 22 avril 2018, mis à jour le 4 mai 2018

Difficile de savoir à quoi s’attendre lorsque l’on s’apprête à rencontrer le champion du monde d’un des sports les plus violents qui existent, le Lethwei. Il nous met pourtant tout de suite à l’aise, nous accueillant dans son tout nouveau chez-lui à Yangon, entre ceintures de champion et cartons de déménagement. 

Manager d’une boîte de nuit à Ottawa et propriétaire d’une compagnie de limousines, sa vie au Canada semblait toute tracée. Il ne s’attarde pourtant pas sur cette partie de sa vie, préférant enchaîner sur là où l’a mené sa passion. Après 5 combats dont 3 victoires au Canada en Mixed Martial Arts (MMA), son premier combat de Muay Thai en Thaïlande a lieu en 2013, et se solde par une victoire. En 2014, c’est la consécration avec le très controversé Prison Fight Thailand dans la prison à sécurité maximale à Bangkok. Le but de ce combat est simple : les prisonniers se battent pour une réduction de leur peine contre des boxeurs professionnels incarcérés. "Eux ils se battent pour leur liberté, moi je me bats pour les empêcher de sortir de prison." Dave est le premier Canadien à remporter ce combat, ce qui lui vaut une notoriété incontestable dans le milieu. En 2016, il surprend en décidant de s’installer en Thaïlande. "J’ai tout laissé, je suis parti. Je n’aimais pas la vie là-bas, trop froide. J’aime mieux les palmiers," plaisante-t-il. Le réel argument pour ce grand changement de vie, c’était la boxe : le combat debout et le Muay Thai sont illégaux au Québec et lui, c’est ce qu’il préfère. "J’aime mieux rester debout. Ce n’est pas le même plaisir quand on peut se frapper pendant 15 minutes, sans arrêt au sol, sans pause." 

Puisque que la Birmanie était difficile d'accès, par défaut il s’installe à Phuket et il s'entraîne dans un camp de Muay Thai. Mais, il nous l’avoue, il n’aime pas vraiment les techniques thaïes, ni la vie en Thaïlande. Il parle de sa découverte du Lethwei comme de la révélation d’une vocation : "Je regardais des vidéos sur YouTube de Too Too et de Tun Tun Min, deux des plus grands champions de Lethwei" avec son mentor, Sifu Patrick Marcil, qui connaissait déjà la boxe birmane. "Je me suis retourné vers lui et j’ai dit ‘Je veux le faire. Je veux le faire’." Ce qu’il aime dans le Lethwei, c’est de pouvoir faire ce qu’il veut, ce qui fonctionne, sans règles, dans le seul but de mettre KO. Et alors que la transition entre Muay Thai et Lethwei n’est pas sans complications, avec seulement un combat par mois dans un pays où il ne se sent pas chez lui, un promoteur, le même que pour le Prison Fight Thailand, le rappelle. Cette fois, il lui propose les championnats mondiaux de Lethwei à Yangon contre l’invaincu Too Too. "J’imagine que les étrangers sont durs à trouver, ceux qui ont le courage d’aller se battre," ajoute-t-il. "Le combat se passe comme dans un rêve. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans le ring, mais j’ai complètement dominé. J’étais vraiment dans mon élément. Tout allait bien, il ne m’a pas touché une seule fois. Too Too était défiguré." Ce combat, c’est celui qui lui ouvre toutes les portes. Gun Tun Min, qui a plus de 80 knockouts à son actif en 100 combats, le défie à son tour lors du Aung Lan Golden Belt Championship. Et à nouveau, Dave l’emporte, devenant le premier non-Birman à porter la Golden Belt. En Birmanie, il est hissé au rang de vedette. Il embrasse la culture birmane, se fiance à Bagan, et deux jours après sa victoire contre Tun Tun Min, le 13 décembre 2016, il se marie à Yangon à l’écrivaine, modèle et actrice Irina Terehova lors d’une cérémonie suivie en direct à la télévision par plus de 30 millions de personnes. 

Ses victoires, il les explique par sa préparation. "Tout le monde se bat de la même manière. Si tu veux des résultats différents, il faut se battre de manière différente." Il s’entraine donc sur le vif, sans s’échauffer, comme dans un combat de rue. Il passe aussi des heures à visionner les combats passés de ses futurs adversaires, afin de connaître leurs points faibles, savoir où les frapper. Il veut infliger le plus de dommages possibles sans se faire toucher. "J’aurais aucune fierté à sortir de là avec 5 points de suture." A la boxe, le plus fort, c’est celui qui ne se fait pas frapper, qui n’est pas blessé. Les cicatrices sont pour lui un aveu de faiblesse. Des champions étrangers étaient déjà venus combattre en Lethwei en Birmanie, mais leur style tournait trop autour du Muay Thai. Et ils n’ont pas su se faire accepter comme l’a fait Dave. "J’ai adopté la culture birmane, je vis à Yangon, j’essaie d’apprendre la langue." Il nous explique même qu’il vise obtenir la nationalité. Dave participe aussi activement au développement du Lethwei dans le monde entier. "Le Lethwei a pris feu, dans le bon sens," ajoute celui qui est en grande partie responsable de cette exposition médiatique qui monte en flèche. A force de séminaires au Canada où se rendent près de 500 personnes, et à Dubaï, il parvient à faire grossir le sport à l’international. Des messages du monde entier, de personnes qui veulent venir le combattre, lui parviennent.

L’installation en Birmanie était la suite la plus logique de l’histoire de celui qui se fait appeler "The Nomad." Car la Birmanie, il adore. Surtout en comparaison avec la Thaïlande. Il aime la gentillesse des gens, la nourriture, et l’ambiance en général. Seul point négatif ? L’instabilité de l’électricité. S’il en a l’opportunité, il aimerait même s’y lancer en politique, pour pouvoir conseiller, et permettre aux politiques de se baser sur ce qu’il suggère. Son prochain combat sera peut-être en septembre, au Japon, pour la remise en jeu de la ceinture, mais d’ici là, "j’ai une vision," nous confie-t-il. C’est aux promoteurs de suivre. "Ça fait quand même près de 2 ans que je prépare ça, que je fais les réseaux sociaux pour dire que je viens." Il prévoit d’arrêter le combat d’ici un ou deux ans, car il sent qu’il peut apporter plus sur les plans économique, social, touristique et culturel. Son ambition est d’influencer une nouvelle génération. Il veut visiter tous les clubs du pays, pour les aider à se développer : "je me sens redevable." Son objectif ensuite est d’ouvrir le plus grand club de Lethwei, MMA et fitness du pays, et ce avant la fin de l’année. Il a même déjà le nom : Nomad Lethwei Training Camp. Ce camp sera centré sur les expats - il a d’ailleurs déjà une liste d’e-mails d’attente - afin qu’ils se préparent à leurs combats. "A voir combien d’étrangers oseront venir combattre ici. Ce sera ouvert à tous les niveaux. Je préfère prendre quelqu’un qui a le ‘chien’, et lui apprendre les techniques, plutôt que l’inverse. Le filtre se fera ensuite naturellement ; chacun trouvera quelqu’un à son niveau, ou alors apprendra de la manière forte. Le combat, c’est 90% de mental," nous rappelle-t-il. "Il faut avoir une technique, mais aussi être capable d’absorber les coups." Pour son équipe, il souhaite un mélange de Birmans et de non-Birmans. L’ancien champion Win Tun fera notamment parti de l’équipe. 

La première étape, alors qu’il ne s’est installé en Birmanie qu’il y a plusieurs jours, c’est de rendre visite à tous les clubs de Yangon. Pour faire une étude de marché, voir ce qui marche, ou pas, mais aussi pour se faire connaître, annoncer qu’il est là. Vous voilà prévenus, le Nomad est bien là!

photo moi
Publié le 22 avril 2018, mis à jour le 4 mai 2018

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