L’entreprise Yangon Urban Public Transportation (YUPT) est en crise. La plus grande des compagnies de bus qui opèrent pour le compte de la région de Yangon fait face à une véritable révolte de ses actionnaires, doublée de pertes financières importantes même si la manière dont les comptes sont présentés ne permet pas vraiment d’évaluer en détail l’ampleur des difficultés.
La première alerte est venue courant octobre 2019, lorsque 162 détenteurs d’actions – sur un total de 289 - se sont fendus d’une lettre de défiance à l’encontre du président du conseil d’administration de la compagnie, lettre envoyée officiellement a la Conseillère d’état Daw Aung San Suu Kyi et au Premier ministre de la région de Yangon, U Phyo Min Thein. Les contestataires y mettaient en cause a la fois les compétences de ce président et sa manière de gérer l’entreprise, voulant pour preuve de sa volonté de dissimuler ses échecs le fait que son rapport financier n’est disponible qu’en anglais, langue que la plupart des actionnaires ne maîtrisent pas. « C’était évidemment intentionnel, pour cacher son incompétence et ses échecs », s’exclament l’un de ces rebelles en colère.
La colère justement, telle que l’assemblée générale qui devait se tenir le 30 octobre a été interrompue par des petits porteurs furieux, puis ajournée vu l’ambiance. Malgré des efforts du gouvernement régional, elle n’a toujours pas été tenue, plus d’un mois après cette annulation. YUPT est une de ces compagnies semi-privées dont la Birmanie a le secret. De statut privé, elle est en fait détenue majoritairement par le gouvernement régional, qui y a mis plus de 35 milliards de kyats (environ 21 millions d’euros), avec à côté 5,63 milliards (de l’ordre de 3,5 millions d’euros) pour alléger le fardeau financier de la région. L’entreprise possède 1349 bus et gère 19 des quelque 100 lignes de bus que comporte YBS.
Comme souvent – si l’on en croit un rapport officiel de l’ONG birmane Myanmar Alliance for Transparency and Accountability – dans ces entreprises dépendant de l’état ou des régions, le bât blesse au niveau de la gouvernance. Pour YUPT, le conseil d’administration compte neuf membres, quatre nommés par la région, et cinq désignés par les autres actionnaires, et la présidence revient à un membre nommé par la région. Et c’est ce président que les petits porteurs remettent en cause : « Ce type n’a aucune connaissance du secteur, il ne comprend rien aux transports. En trois ans, nous n’avons perçu aucuns dividendes, 180 bus sont bloqués dans les ateliers pour des pannes évitables avec une bonne rotation et un bon entretien des matériels et la seule chose qui augmente tout le temps, ce sont les salaires du président et de la directrice générale », s’insurge l’un des protestataires, lui-même un ancien opérateur de compagnie de bus, avant que YBS n’arrive en 2016. Parmi les reproches figurent aussi les manœuvres politiciennes du président pour écarter systématiquement les membres du conseil d’administration qui représentent les petits porteurs et le manque d’expérience de la directrice générale, dont beaucoup clame que son seul mérite pour ce poste est d’être l’épouse d’un parlementaire régional influent…
Clairement mise en cause, la région a répondu qu’elle avait nommé le président et les trois autres membres du conseil d’administration en fonction de leur CV mais que si les autres partenaires se plaignaient tant, elle allait regarder à nouveau. Un argumentaire qui n’a pas convaincu, et depuis le 1er décembre, un peu plus de 200 actionnaires se sont déjà faits connaître officiellement afin de recourir à la procédure de rachat de leurs parts par la région. Une très mauvaise nouvelle pour celle-ci, dont les comptes ne sont pas florissants eux non plus. La plupart des actionnaires veut vendre de l’ordre de 90% de leurs parts et conserver quelques actions qui leur laissent la marge de voir venir l’évolution de la situation.