Rose Marie Lormel est arrivée en Birmanie, dont elle parle désormais la langue, en août 2006, en provenance du Cambodge, dont elle parle aussi la langue. Nantie d'une expérience de coopération, attachée à développer l'usage de la langue française dans le monde, polyglotte - on l'aura compris -, c'est tout naturellement qu'elle est devenue Directrice des cours de l'Institut Français de Birmanie (IFB) en février 2012.
Directrice des cours? Que recouvre ce terme de "cours" ?
Un foisonnement d'activités, même en se limitant à celles autour de la langue ! Car bien entendu la diffusion du français constitue l'objectif principal de l'Institut, qui l'enseigne quand même ici depuis 55 ans ! Et notre souci actuel est de faire face à un vrai succès. Depuis janvier 2016, nous avons 785 inscriptions pour apprendre notre langue, auxquelles s'ajoutent les quelque 150 apprenants de birman et la quinzaine d'élèves d'espagnol. Plus toutes les classes gratuites : groupe de conversation polyglotte, atelier théâtre, club chanson? J'ai aussi animé pendant longtemps un club de vocabulaire/lexique qui reposait sur le jeu de scrabble, qu'il m'a fallu suspendre à regret par manque de disponibilités.
Voici à peine un mois, le "Club BOGOSS" a recommencé, une activité ouverte aux enfants de 5 à 8 ans d'une part et de 9 à 12 ans d'autre part, payante elle. Les enfants y apprennent des arts du cirque et du théâtre comme jongler, faire des masques? Nous avons déjà 12 inscrits, avec une nouveauté cette année : des enfants non francophones y participent.
Cerise sur le gâteau : lors de la Fête de la francophonie, en février prochain, les enfants présenteront un spectacle.
Il vous faut une solide équipe pour animer tout cela. Alors, l'IFB, combien d'enseignants ? Et d'ailleurs, comment devient-on enseignant de l'IFB ?
Nous disposons de 15 enseignants, 9 pour le français, 7 dont c'est la langue maternelle,4 pour le birman, tous natifs, et deux pour l'espagnol, dont une native. Les critères pour devenir prof ? Essentiellement la disponibilité ? il faut être sur place car nous ne faisons venir personne ?, une expérience d'enseignement, un diplôme de FLE et l'envie de faire ce métier bien sûr.
De FLE ?
Pour Français Langue Etrangère ; il s'agit d'une formation où le futur prof apprend à enseigner le françaisà des personnes dont ce n'est pas la langue maternelle. Normalement nous recrutons au niveau Master mais nous apprécions aussi énormément le DAEFLE (Diplôme d'aptitude à l'enseignement du français langue étrangère), un Co-diplôme créé par la Fondation Alliance française de Paris en collaboration avec le Centre national d'enseignement à distance (Cned) et qui est une formation de qualité, très orientée sur la pratique. Quant à l'expérience, même infime cela convient, même un simple stage de 4 mois dans un institut français est bon.
Quel type de contrat ou de statut ont ces enseignants ?
Pas de contrat à proprement parler, plutôt un statut de vacataire. Ils sont payés à l'heure de cours donnée, et avec le nombre de cours qui augmente régulièrement, nous avons pu en retour augmenter progressivement le taux de vacation. Il était autour de 8 euros quand je suis arrivée, et aujourd'hui nous payons entre 13 et 18 euros de l'heure, selon le type de cours.
Vous dites que le nombre de cours augmente?
Absolument ! Nous avons de plus en plus d'apprenants, ce qui permet de monter un peu nos tarifs et donc d'un peu mieux rémunérer les enseignants. En quelques années, la qualité des cours a considérablement progressé grâce à l'investissement dans des matériels ? les tableaux interactifs par exemple -, de meilleurs supports d'enseignement comme de vrais manuels, la création d'un curriculum bien clair basé sur le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) et grâce à la formation des profs, qui s'investissent beaucoup d'un côté et qui bénéficient de stages et de mécanismes d'échangesde l'autre. Pour l'instant, cela se fait surtout à un niveau régional même si quelques formateurs de France sont venus ici et quelques enseignants sont allés en France au cours des années.
Par exemple, nous avons actuellement 3 étudiants à l'Université de Rouen dans le cadre du programme Erasmus Mundus de mobilité des enseignants et étudiants, un héritier au niveau mondial du fameux et si réussi programme européen Erasmus. Au final, j'espère que l'équipe actuelle pourra partir se former progressivement dans l'Hexagone dans les années à venir. Deux autres points contribuent à la croissance du nombre d'inscrits : les nouvelles possibilités professionnelles au Myanmar et l'éventualité de poursuivre des études supérieures en France grâce à une des bourses offertes par l'Ambassade, dont le nombre est en augmentation.
Comment voyez-vous les activités évoluer ?
La tendance du moment est l'explosion des contrats pour les particuliers. Depuis janvier, nous avons signé 99 contrats individuels ou pour des couples, a parité entre le birman et le français. Cela soulève bien sur des questions de ressources, humaines et de salles car tous les cours se passent à l'Institut. Nous développons aussi nos liens avec tous les établissements qui dispensent des cours de français, scolaire privé, universitaire? L'idée consiste à désenclaver les enseignants de ces structures, à les recenser, à les réunir dans un groupe de partage d'expériences et de ressources une fois par mois, une fois à l'Institut, une fois ailleurs.
Un autre projet en cours de réalisation est le soutien à l'introduction du français dans quelques établissements privés d'élite, un débouché professionnel pour les diplômés des départements de français des universités des langues étrangères de Rangoun et de Mandalay. Enfin, nous allons aussi développer des projets conjoints avec le tout nouveau Lycée français international de Rangoun.
E.G. (www.lepetitjournal.com/Birmanie) Lundi 21 Novembre 2016