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CHARLES-DAVID HAY - Mais où est donc passé Charlie ?

CHARLES-DAVID HAYCHARLES-DAVID HAY
Écrit par Lepetitjournal Birmanie
Publié le 10 septembre 2017, mis à jour le 11 septembre 2017

Un proverbe birman dit que quand le soleil se couche, les jeunes commencent à chanter?  De fait, tous ces groupes de jeunes qui, une fois la pénombre installée, improvisent, assis, accompagnés d'une guitare, pousser la chansonnette, c'est une réalité. Loin alors de la musique traditionnelle birmane, il est de plus en plus courant de pouvoir écouter des concerts dans les bars de Yangon.  Sur cette scène grandissante et en pleine évolution, Charles-David Hay, fondateur de "Where is Charlie" et membre à part entière de la scène musicale de Yangon depuis 2014, fait figure de pionnier. Lepetitjournal.com Birmanie l'a rencontré.

LPJ Birmanie: Charles-David, pouvez-vous nous expliquer votre relation avec la musique ?


Charles-David : Je suis dans la musique depuis tout petit, mon père avait un club de jazz avec son frère, tous mes cousins font de la musique. À l'âge de trois ans, ils m'ont mis un violoncelle dans les mains, pour rigoler... C'est donc venu tout naturellement pour moi.

C'est donc par la musique que l'Asie s'est immiscée dans votre vie ?


Oui, mon mentor, mon professeur de guitare était vietnamien et il parlait toujours du Vietnam comme si c'était le pays idéal.  J'y suis donc parti à l'âge de 17 ans.  Nous devions y aller ensemble mais il est tombé malade, j'y suis donc allé avec son fils et en repartant, je savais que j'y retournerais.  Mais il fallait que je passe le "Bac" Suisse. Finalement, ce Bac, je l'ai eu, et puis j'ai économisé de l'argent. Et je suis parti. D'abord en Thaïlande, puis au Vietnam où j'ai enseigné la musique pour une ONG, ensuite en Inde, au Laos, et à nouveau en Thaïlande en faisant quelques retours en Europe.  Puis en janvier 2014 ma copine a trouvé ce boulot au Myanmar, alors je l'ai suivie. Trois jours plus tard, j'avais trouvé un boulot au bar le Mojo, à Yangon, en tant que "Promotion manager".  Je ne connaissais personne à l'époque et de par mon travail, je suis un peu devenu le visage du Mojo et j'ai rencontré beaucoup de monde.  On a rapidement mis en place les "Monday Blues", une soirée-phare, toutes les semaines : je jouais, tout seul sur scène avec ma guitare? Ça a mis un peu de temps à se mettre en place, mais après, ça a bien marché.  

Après un an et demi, je suis parti à Bagan pour ouvrir un restaurant pour un ami, le Bagan Zay, à Nyaung-U.  J'adore la nourriture birmane et je suis souvent déçu de ce qu'on trouve dans les lieux touristiques.  Alors on a décidé de faire quelque chose de qualité et de différent, qui parle à la fois aux Birmans et aux étrangers : une cuisine moderne avec des recettes traditionnelles.  On fait travailler les producteurs locaux, on ne sert que du frais et on fusionne aussi la cuisine birmane et la cuisine française mais aussi méditerranéenne.  On fait aussi du "catering" à l'extérieur et des apéros sur la rivière? On essaie toujours de se développer.

Quel est votre regard sur la scène musicale birmane aujourd'hui ?


Entre janvier 2014 et aujourd'hui, c'est le jour et la nuit ! En 2014, il y avait 6 bars en ville où il se passait un peu quelque chose : il y en avait un qui proposait des concerts de temps en temps. Et c'était tout. Aujourd'hui, il y a un bar qui ouvre par semaine et sur les 6 bars autour de Seventh Joint, 5 proposent de la musique live ! Ça fait beaucoup plus d'offre, de concurrence, et aussi, pour les musiciens, de plus en plus d'opportunités de jouer.

Quand j'ai commencé, tous les musiciens birmans jouaient de la musique de fond dans les hôtels, les mariages? Pour gagner leur vie. Mais musicalement, ce n'est pas intéressant, ça ne les fait pas progresser. Quand tu joues dans un restaurant et que personne ne t'écoute, ça ne pousse pas à faire attention à ce que tu joues.  Alors que quand tu joues devant des gens qui viennent pour la musique, c'est différent : ça te pousse à progresser... Quand j'ai commencé à jouer avec des musiciens birmans, ils jouaient pour de l'argent alors quand je les appelais pour répéter, ils râlaient. Souvent, on répétait juste une fois, deux jours avant de jouer sur scène. Et puis c'était dur de trouver des musiciens avec qui on se comprend musicalement.  J'avais une approche de la musique très différente de ce qu'ils connaissaient et ça n'a pas du tout accroché avec certains.  La musique traditionnelle birmane est très cacophonique, tout le monde joue en même temps et tout d'un coup c'est fini.  Le blues, le jazz ce n'est pas comme ça. Il y a des nuances...  Du coup, pour moi, ça a pris du temps : par exemple, mon bassiste, ça fait maintenant trois ans qu'on joue ensemble. Donc maintenant on a appris à se connaître, on sait où on va... Il faut que ça continue dans ce sens tant au niveau musical que technique d'ailleurs : plus il y aura de musiciens, de concerts, plus la scène en général va se développer, s'améliorer. Au final, le public ne peut qu'en profiter.

Pensez-vous avoir participé à cette évolution ? 


D'une certaine manière, oui.  En 2014, il y avait peu de bars à Yangon et encore moins qui proposaient de la musique.  Ça a pris du temps. Au début des Monday Blues, j'étais tout seul sur scène avec ma guitare... et on a eu des flops !  Mais petit à petit, les gens sont venus, d'abord des expats et puis les Birmans.  Mais ici, très peu de gens jouent du blues ; du jazz, oui mais du blues non.  Au début, on faisait tout en improvisation et les premières fois, ma manière de jouer était tellement différente, les musiciens birmans étaient choqués !  Mais maintenant, on commence à jouer plus sérieusement avec certains, la formation est un peu plus stable : une basse, une batterie, un autre guitariste, un saxophone, un trombone. Ça commence à faire du monde !  Mais à la base, l'idée de "Where is Charlie?" c'était un peu comme au Mojo : les gens viennent et on joue ensemble, un peu comme un collectif.  Et puis il y avait aussi le groupe de ma copine "Alice's WonderBand".  Mais elle est repartie en France début Juillet.  Pour son dernier concert, on a joué au Jasmine Palace Hotel devant 300 personnes ! 

 

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?


Pour la musique en général, un bon blues bar à Yangon, ça serait sympa ! Personnellement, j'ai envie que ça devienne plus sérieux avec "Where is Charlie". Au début, on faisait ça pour rigoler. Mais depuis quelques temps, avec le noyau dur des musiciens, les plus sérieux, on travaille vraiment, on a bien progressé. J'ai envie de laisser une marque avant de partir, j'aimerais bien laisser quelque chose pour la musique, pousser des jeunes (ou des moins jeunes). Si ça peut les aider à se réaliser, ça serait le top.
Sébastien Lafont-Frugier (www.lepetitjournal.com/Birmanie) Lundi 11 Septembre 2017

 

 

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Publié le 10 septembre 2017, mis à jour le 11 septembre 2017

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