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Chuu Wai Nyein: figure de proue de la nouvelle génération d'artistes

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Écrit par Mathieu Guilleminot
Publié le 28 janvier 2018, mis à jour le 28 janvier 2018

Par le biais de nouvelles techniques et technologies sans cesse renouvelées, les informations se transmettent, de par le monde, de plus en plus rapidement et facilement. Cette hyper-connectivité a un prix, la difficulté à démêler le vrai du faux. A cela s'ajoute l'exercice de traduction qui, outre la capacité du traducteur, apporte son lot de subjectivité. L'information, subissant ainsi de multiples traductions et interprétations, peut perdre de sa véracité.  Par son exposition ''Vérités Alternatives'', l'artiste birmane Chuu Wai Nyein amène à s'interroger sur le vrai sens de l'information et des histoires qui voyagent autour du globe. L'artiste, féministe convaincue, fait également passer dans ses peintures une réflexion sur la place de la femme dans la société birmane.

Chuu Wai Nyein peint depuis 2008 soit presque plus de la moitié de sa vie puisque l'artiste n'a que 25 ans. Passionnée par l'art, elle veut, dès la fin du lycée, intégrer une école d'art mais ses parents en décident autrement. La jeune fille, obéissante, intègre donc l'école d'ingénieur de Mandalay dont elle sort diplômée en 2014. Elle participe tout de même, en parallèle de ses études, au club d'art de son école, lui permettant ainsi de ne pas rompre complètement avec sa passion. Mais cela n'est pas suffisant aux yeux de la jeune fille qui, une fois son diplôme en poche, intègre  l'université d'art de Mandalay, dont elle sortira diplômée en 2015. N'attendant pas la fin de ses études pour exposer son travail, la jeune femme organise sa toute première exposition en 2014 dans les locaux de son ancienne école d'ingénieur, à Mandalay. 

Sa deuxième exposition, intitulée ''Synonym of Self'' s'est tenue à Yangon en 2017 et la troisième, ''Vérités Alternatives'', s'est déroulée début décembre 2017 au No. 2 Art Area situé au No.2 de Pyi Htaung Su Street,

Saya San Road. Une nouvelle exposition avec les mêmes peintures se tiendra du 30 mars au 5 avril prochain à la Galerie 65, sur Yaw Min Gyi street. Cette troisième exposition est née de quatre mois de voyages entre New York et Paris. En regardant des journaux étrangers parler de la Birmanie, elle s'est rendue compte que certaines informations retranscrites perdaient leurs sens au point de devenir fausses.  La jeune artiste imagine alors plusieurs œuvres composées de vieux journaux français et birmans. Manière pour elle de mettre en parallèle la culture birmane et française ainsi que de dénoncer l'immobilisme de son pays. L'utilisation de journaux constitue, à ses yeux, une représentation du langage et de la culture et symbolise le va-et-vient perpétuel des informations dans le monde. Mais les œuvres de Chuu ont également un autre message à transmettre. En effet l'artiste birmane veut alerter sur la situation des femmes dans son pays. Elle est convaincue que toutes les femmes sont nées avec le potentiel de devenir fortes et indépendantes. Le problème étant que, en grandissant dans cette société patriarcale qu'est la Birmanie, elles finissent par perdre ce potentiel. Leurs attitudes, leurs moindres faits et gestes, leur façon de s'habiller et même leurs pensées sont scrutées et jugées par la société birmane. Ainsi, pour l'artiste, les birmanes sont prisonnières de la société et de la tradition et finissent systématiquement par être mises au second plan. Certaines femmes tentent tout de même de s'en extirper, notamment en profitant de la période d'ouverture que connaît le pays. D'autres encore tentent également d'ouvrir la voie pour les autres et de favoriser un changement global de la place des femmes en Birmanie. C'est cette femme là, émancipée, libre et forte que tente de représenter Chuu. 

La jeune artiste a ainsi réalisé de nombreux portraits de femmes avec pour but de montrer ces femmes indépendantes et affirmées. Ces toiles peuvent se diviser en deux parties. La première, le centre de l’œuvre, représente une femme, figée dans une « position sexy et provocatrice », se qui leur donne une attitude forte. Derrière ces femmes, l'arrière plan de la peinture constitue la seconde partie, et est composé de motifs typiques du traditionalisme birman et de la Birmanie en général, comme des pagodes ou encore des vêtements, comme des longyis. L'intention de la jeune artiste est de permettre au public de mieux comprendre l’ambiguïté du rôle de la femme birmane, tiraillée, attirée par la modernité d'un côté, retenue par la tradition et la religion de l'autre.  En exposant ces œuvres féministes, la jeune femme cherche donc à susciter une réaction chez le spectateur. Pourtant, elle l'avoue elle-même, la plupart des gens qui viennent voir ses œuvres ne comprennent pas son message voire ne sont tout simplement pas intéressés. Elle arrive cependant parfois à avoir de bons échanges sur les sujets qui la touchent. D'autres personnes au contraire, émettent de violentes critiques contre son travail, trouvent que ses œuvres sont une insulte aux traditions du pays. Mais Chuu considère ces critiques comme une richesse. De tous ses spectateurs, ce sont ceux qui la critiquent négativement qui l'intéressent le plus. Elle essaye de discuter avec eux, de comprendre ce qui les pousse à penser ainsi, utilisant ces échanges comme une source d'inspiration. 

Chuu Wai Nyein fait donc partie de cette nouvelle génération de femmes birmanes désirant faire changer la société dans laquelle elle vit en la plaçant face à ses contradictions. En ce sens, son travail a une portée sociale, en montrant qu'une autre femme birmane est possible.

 

 

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Publié le 28 janvier 2018, mis à jour le 28 janvier 2018

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