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LA NOIX DE BÉTEL AU MYANMAR - Une tradition bien ancrée

Écrit par Lepetitjournal Birmanie
Publié le 31 août 2016, mis à jour le 1 septembre 2016

 

Évoquer la noix de Bétel au Myanmar, c'est toucher à tout un pan de la culture locale?.de ce pays, mais aussi de nombreux autres dans la région, jusqu'en Mélanésie, dans le Pacifique Sud. Une fierté locale, solidement ancrée dans les usages, mais aussi un problème sensible auquel tentent de s'attaquer les autorités locales depuis quelques mois .

 

Beaucoup d'autres, avant, en d'autres lieux, s'y sont cassé les dents?.
Il suffit de se promener à pied ou bien de prendre un taxi à Yangon ou ailleurs pour être rapidement sensibilisé à ce phénomène : des gens, de tous âges, qui mâchent une indescriptible mixture et qui recrachent régulièrement un superbe liquide rouge sur la chaussée.

Depuis juin 2016, le nouveau pouvoir en place au Myanmar l'a annoncé haut et fort : il veut faire disparaître des rues les plus fréquentées par les touristes, dans un premier temps, les vendeurs de cette substance.
Objectif annoncé : tenter de réduire la consommation, à commencer par les plus grandes villes du pays, en premier lieu la plus peuplée, Yangon, a fait savoir le Ministère de la Santé et des Sports début juin 2016.

 

Pour cela, le plan est un subtil mélange de carotte et de bâton
Carotte :  Pour mieux faire passer la pilule, le Ministère promet même de mettre en place des solutions de ?substitution? pour compenser les pertes financières causées par l'abandon de la vente des fameuses chiques à la noix d'Arec?.

Bâton : des amendes promises pour les points de vente rebelles ou les consommateurs pris en flagrant délit de crachat sur la voie publique.

Les abords des premiers sites protégés seraient en priorité les bureaux du gouvernement, mais aussi d'autres établissements publics comme les écoles ou les hôpitaux. Déjà, sur des sites réputés stratégiques, comme les sites touristiques ou religieux, on peut voir depuis longtemps des panneaux qui attirent l'attention et la perplexité des néophytes : le pictogramme d'un cracheur barré d'un bandeau rouge.

En clair : ici, il est interdit de se délester de la substance buccale écarlate, résultat d'une hyper salivation et d'une réaction chimique.

Autre volet annoncé de ce plan : mettre l'accent, dans les années à venir, sur une campagne de longue haleine pour sensibiliser le public des dangers à long terme de la consommation de la noix de Bétel.

 

Les dangers, ils sont bien réels, et d'ailleurs reconnus par la très sérieuse Organisation Mondiale de la Santé
L'OMS n'hésite pas à classer ce produit dans la catégorie cancérigène, notamment pour la bouche, les gencives ou l'?sophage.

Principale cause : l'arécoline, présente dans la noix d'Arec (fruit du palmier à bétel Areca catechu)  et qui est aussi réputée être le principal agent psycho actif, responsable de l'effet tonique recherché par les consommateurs.
Le sujet n'est pas anodin : le Myanmar est actuellement considéré comme le pays d'Asie possédant le taux le plus élevé de cancers buccaux.
En prime : le ?sourire de vampire? caractéristique des mâcheurs de Bétel, dont les dents et les gencives sont irrémédiablement tâchées de rouge.

 

Que mâchent les consommateurs ? 
Le produit final est vendu par parquet de quatre, pour la modique somme de 100 kyats (l'équivalent de dix cents de dollar). Appelé localement ?kun-ia?, ce qui termine dans la bouche des consommateurs est un petit carré de feuille de Bétel pliée, contenant des morceaux de noix d'Arec, un peu de tabac à chiquer et un peu de chaux (en fait de l'hydroxyde de calcium).

Cette pratique millénaire, que d'aucuns comparent au plan sociologique et culturel au fromage ou au café chez les Français et au thé chez les Anglais, n'est pas seulement un rituel. L'effet doucement euphorisant de la noix d'Arec est aussi la recette quotidienne pour tenir bon dans des emplois physiquement pénibles (chauffeurs de bus, de taxis, de poids lourds, de vélos ?side-cars?, manutentionnaires, travailleurs du bâtiment), un peu comme la mastication de la feuille de coca en Amérique du Sud.

 

Qui chique et où ?
Selon une récente étude de l'OMS, la consommation de la noix de Bétel concerne, au Myanmar, 62% des hommes et 24% des femmes. La consommation de la noix de Bétel ne se limite pas au Myanmar : elle concerne aussi, sous des formes diverses, l'Inde, le Sri Lanka, les Maldives, le Pakistan, le Népal, le Bhutan, le Bangladesh, le Laos, la Thaïlande, la Malaisie, l'Indonésie, le Cambodge, le Vietnam, Taïwan, le Sud de la Chine, les Philippines, et, en Océanie insulaire, Palau, Yap (États Fédérés de Micronésie), Guam, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les îles Salomon.

La noix de bétel indétrônable en Papouasie-Nouvelle-Guinée 
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, les autorités ont elles aussi tenté, ces dernières années, de mener une guerre ouverte contre la noix de bétel. Force est de constater qu'elles ont échoué.

Powes Parkop, Gouverneur du district de la capitale, avait mené campagne pour un bannissement pur et simple de la fameuse noix. Fin juillet 2015, il faisait adopter de nouvelles mesures pour améliorer les conditions hygiéniques de sa consommation. Mais rien n'y a fait : le commerce de la noix de bétel s'est tout simplement déplacé sur un marché parallèle.

Selon une enquête publiée par le quotidien papou Post Courier, ce marché pèse pas moins de trois millions de Kina (environ 11,2 millions de dollars US) par semaine. Un négociant en noix de bétel peut réaliser, en une seule nuit, jusqu'à 11.250 Kina (3.750 euros) de recettes. Malgré les interdictions officielles, la noix se négocie sur des lieux connus de tous, entre grossistes, détaillants et clients de passage, venus des provinces lointaines du pays, par route ou par bateau, de jour comme de nuit.

Il y a aussi ces centaines de minibus qui, à chaque voyage, en plus des passagers, embarquent des sacs de 10 à 50 kilogrammes de noix. Selon un manège bien rôdé, typiquement de nuit, ces véhicules, avant d'atteindre la capitale, s'arrêtent généralement non loin d'une plage pour y  « oublier » ces sacs. Ils sont ensuite récupérés par les négociants acheteurs, avant les barrages de contrôle.

Patrick Antoine Decloitre (www.lepetitjournal.com/Birmanie) Jeudi 1er septembre 2016

 

 

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Publié le 31 août 2016, mis à jour le 1 septembre 2016

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