Édition internationale

Les « Carnets » d’Albert Camus bientôt au Liban

Photo3Photo3
Écrit par Rédaction LPJ Beyrouth
Publié le 22 janvier 2019

Avec sa voix feutrée et envoûtante, Stéphane Olivié-Bisson fera revivre Albert Camus à travers ses « Carnets » dans un seul en scène qui avait rencontré un énorme succès à Avignon 2018.

 

LPJ : Pouvez-vous nous retracer votre parcours artistique ?

Stéphane Olivié-Bisson : Après des études de droit et d’histoire et de longs voyages à travers les Etats-Unis, en Angleterre et tout autour de la Méditerranée, j’ai choisi de m’aventurer au théâtre, tout d’abord comme auteur, puis en passant le plus régulièrement possible de l’exercice de l’acteur à celui de la mise en scène, en m’efforçant de tenter d’éclairer une pratique par l’autre.

Tout a commencé en 1995, à la Manufacture des Œillets à Ivry, avec ma première mise en scène « Costa Dorada » d’après Artaud et Jacques Prevel, puis ma pièce « Bedlam » mise en espace à La Colline, l’aventure « Quatre Heures à Chatila » avec Evelyne Istria au Moyen-Orient, « Sarcelles sur Mer » de mon père Jean-Pierre Bisson au Théâtre de La Tempête grâce à Philippe Adrien, puis « CALIGULA » d’Albert Camus avec Bruno Putzulu dans le rôle-titre à L’Athénée et en tournée en France et à l’étranger durant trois saisons, « La Pitié Dangereuse » de Zweig adaptée et jouée par Elodie Menant, la recréation de « Quatre heures à Chatila » de Genet à Beyrouth avec l’actrice libanaise Carole Abboud, puis « Yalla Bye ! » de Cléa Petrolesi et Raymond Hosni au Théâtre Monnot de Beyrouth.

Cet été, au Théâtre du Chêne Noir à Avignon, j’ai adapté, mis en scène et joué avec la collaboration artistique de Bruno Putzulu « Les Carnets d’ Albert Camus » qui seront joués au Lucernaire à Paris puis en tournée en France et à l’étranger.
Je m’apprête à mettre en scène « L’Amant » de Pinter avec Manon Kneusé et Clément Vieu ; « La Mort Heureuse » d’ Albert Camus avec l’acteur allemand Richard Sammel en collaboration avec le chorégraphe Thierry Thieu Niang, ainsi que mon texte « MAX » avec l’acteur Jérémy Lopez de la Comédie Française. 

Comme acteur, j’ai eu le bonheur et la chance de travailler avec Betty Berr pour « L’Exécution au Beffroi » de Noureddine Aba, Magali Léris pour « « LITTORAL » de Wajdi Mouawad, Joel Dragutin pour « Grande Vacance », Stéphane Fievet pour « Laisse-moi te dire une chose » de Rémy Devos, Marc Lesage pour « Un bon Moment de solitude » que j’avais écrit ainsi que « Nietzsche, Wagner et autres cruautés » de Gilles Tourman, Stéphane Cottin pour « Les Cancans » de Goldoni, Claudia Stavisky pour « Chatte sur un toît brûlant » de Tennessee Williams ainsi que « Les Affaires sont les affaires » d’Octave Mirbeau, Roland Guenoun pour « Anquetil Tout Seul » de Paul Fournel, et Michel Favart pour « Le Fantome et Madame Muir » adapté par Catherine Aymerie.
Et cet été « Les Carnets d’ Albert Camus » au Festival d’Avignon au Théâtre du Chêne Noir.

 

D'ou vous vient cette passion pour Camus ? Vous ressemble-t-il ?

Ce qui s'est passé avec Camus pour moi n'arrive qu'une fois dans la vie d'un homme de théâtre. La rencontre est si forte que j'ai le sentiment d'avoir développé avec lui, à travers son œuvre, sensiblement, affectivement, une relation d'homme à homme par-delà sa mort qui a précédé de neuf ans ma naissance.
Même s'il est d'une grande pudeur, il est derrière chacun de ses mots d'une manière totalement troublante et vibrante, il ne prend jamais la pose de l'écrivain. Il réussit à dire sous une forme claire ce que nous portons en nous de manière confuse.
Par ailleurs ses thèmes, ses origines familiales, son milieu social, tout cela raisonne particulièrement pour moi dont la famille du côté de ma mère vient d'Oujda au Maroc à la frontière algéro-marocaine. Les miens comme les siens sont des "pousse-cailloux", pauvres mais dignes, ceux-là dont on a décidé qu'ils n'avaient pas d'histoire et justement Albert Camus nous la raconte.

 

Comment ce spectacle est-il né ? 

Ce spectacle est né du travail préparatoire autour de ma mise en scène de CALIGULA avec Bruno Putzulu dans le rôle-titre. J'ai pour habitude, et c'est la moindre des choses il me semble, pour un metteur en scène, de lire toute l'œuvre ainsi qu'un maximum d'écrits périphériques, au moment de me pencher sur une pièce.
J'ai donc découvert à cette occasion les Carnets qui sont autant un journal de travail qu'un journal intime, tout en étant ni complètement l'un ni complètement l'autre, et cela sur vingt-quatre années de sa vie de 1935 à 1959. C'est une manière pour lui d'interroger son travail, d'interroger son époque et ses débats brûlants dont beaucoup rejoignent d'ailleurs les nôtres, d'interroger son être, ses blessures, ses contradictions et ses déchirements.
Ces Carnets sont un trésor d'intelligence et de sensibilité et j'étais curieux de voir de quelle manière ils s'entendraient sur une scène, j'ai donc proposé une lecture jouée en public le jour de la dernière de CALIGULA aux Célestins à Lyon et cela a pris.
J'ai eu l'idée d'inverser les rôles et de demander à mon ami Bruno Putzulu de me diriger. Grâce au mécène Didier Genet, Clément Vieu et Nikos Talbi de Coq Héron Productions, après comme toujours beaucoup de rebondissements, le projet a pu être créé au Théâtre du Chêne Noir grâce à la constance de Gérard Gélas son directeur, et il vient à vous grâce à Josyane Boulos avec qui je collabore avec bonheur depuis « Yalla Bye » en 2016.

 

La phrase choisie pour, si on peut dire, résumer ce spectacle est « Au milieu de l’hiver j’ai découvert en moi un invincible été. » Pourquoi cette phrase en particulier ? 

Parce qu'il me semble que c'est souvent au cœur des épreuves les plus terribles et les plus noires que nous tous, nous parvenons à dégager un chemin pour nous trouver enfin nous-mêmes et que nous prenons conscience de notre force d'être, notre force de création et notre capacité d'éblouissement. Je suis sûr que cette phrase ne peut que résonner puissamment ici au Liban.

 

Ce n'est pas votre première visite au Liban. Que représente pour vous ce pays ?

Effectivement ma toute première visite date de 1997, le Liban est un ces lieux rares sur la planète où je me sens naturellement à ma place, sans effort, comme en accord secret alors que rien ne m'y relie objectivement. J'éprouve cela aussi dès que je mets le pied en Italie, tout comme Camus lui-même d'ailleurs. J'ai grandi pendant quinze ans avec l'actualité de la guerre du Liban jour après jour et c'est très étrange pour un enfant que d'assister à de telles violences au milieu de tant de beautés. Je reste fasciné par la capacité de résilience des Libanais avec ce léger recul ironique au regard de ce que tous ont traversé. La beauté du Liban, je la trouve autant dans les montagnes, les forêts, les rivages et certaines villes que chez les Libanais eux-mêmes.

 

carnets d'albert camus liban

 


 

LES CARNETS D'ALBERT CAMUS
8-9-10 Février 2019
Théâtre du Boulevard – 20h30 (Cliquer ici pour trouver le PLAN du tout nouveau théâtre du Boulevard  
https://youtu.be/fV5xMSnvPlc)
Prix : 45000 LL et 60000LL
Prix étudiant 25000 LL uniquement dans les branches de la Librairie Antoine et au guichet du théâtre
Infos au 70 62 62 00 ou
62events.com

 

20604182_1986862718196222_75806932469089064_n
Publié le 21 janvier 2019, mis à jour le 22 janvier 2019